Le Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a accordé, hier, une interview à la chaîne privée Attessia et à la radio privée Mosaïque FM pour faire le bilan de ses cent premiers jours, mais aussi pour revenir sur la période post-coronavirus, la situation des finances publiques et les prémices d’un blocage politique.
Elyes Fakhfakh a annoncé que la Tunisie a pu vaincre la pandémie de coronavirus avec ses propres moyens et que les Tunisiens doivent être fiers de ce qui a été réalisé. «Les Tunisiens peuvent voir ce qui se passe à l’étranger, en Tunisie la facture aurait pu être très lourde, mais nous avons tout fait pour préserver la santé des citoyens, ce n’était pas chose facile», a-t-il noté, félicitant les Tunisiens pour leur discipline et leur respect des dispositions sanitaires. « Si aujourd’hui nous pouvons dire que nous avons vaincu ce virus, la vigilance restera toujours de mise», a-t-il insisté.
Evoquant la réouverture des frontières prévue le 27 juin prochain, le Chef du gouvernement a affirmé qu’il n’y aura pas de deux poids deux mesures au nom de la relance touristique et que le touriste ne sera pas privilégié au détriment des Tunisiens de retour de l’étranger, rappelant que la mesure de confinement obligatoire a été annulée et que les touristes en visite en Tunisie seront pris en charge selon un protocole sanitaire bien élaboré. «Nous avons suivi les recommandation de la commission scientifique avant la prise de chaque décision, y compris l’ouverture des frontières», a-t-il ajouté. Et d’expliquer que les mesures sanitaires et les décisions prises pourraient être modifiées, rectifiées ou même supprimées et allégées en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Concernant le rapatriement des Tunisiens à l’étranger, Fakhfakh a indiqué que la Tunisie a tout mis en œuvre pour assurer leur retour, y compris la mobilisation d’avions militaires pour ce faire, rappelant que 25 mille Tunisiens ont été rapatriés depuis le début de la crise.
Pour ce qui est des coûts de cette guerre contre le coronavirus, Elyes Fakhfakh a estimé que l’heure n’est pas celle de faire les calculs, rappelant que selon les dernières prévisions, la Tunisie enregistrerait un taux de croissance de -4,3% d’ici la fin de l’année. «Actuellement, nous nous penchons sur les moyens d’assurer les fonds pour combler le déficit budgétaire qui sera provoqué par la baisse de la croissance», a-t-il expliqué, assurant que le gouvernement ne recourra pas à l’endettement extérieur.
«Le pays est endetté à hauteur de 60%, il est hypothéqué à l’étranger et sa cotation est des plus faibles. Toutes les mesures prises vont dans ce sens, il faut désormais compter sur nos propres ressources. Nous avons mis en place des mesures fiscales pour mobiliser 1,5 milliard dinars dans le cadre de l’appui des caisses de l’Etat, en vue notamment de limiter l’endettement extérieur, mais aussi encourager le climat d’investissement», a-t-il noté.
Dans un autre contexte, Fakhfakh est revenu sur la polémique suscitée par le non-respect du confinement par son ministre de l’Energie et des Mines, Mongi Marzouk. Dans ce sens, il a martelé que Marzouk n’a pas été privilégié, mais son «évaluation de la situation était peut-être erronée».
Le bilan des cent jours
Interrogé sur ses cent premiers jours de gouvernement, Fakhfakh a expliqué que la décision la plus difficile qu’il a prise était le confinement sanitaire total annoncé le 20 mars dernier. « Il y a eu des erreurs ou des manquements certes, comme notamment la distribution des aides prévue pour un million de familles, alors qu’il y en avait d’autres qui n’étaient pas présentes dans la base de données», explique-t-il.
Exposant ses plans pour la période à venir, Fakhfakh a assuré que «nous sommes dans une situation très critique», mais que «l’Etat est capable de redresser l’économie et améliorer la situation des finances publiques. Nous ne resterons pas les bras croisés, on ne pourra en aucun cas rester dans cet état, nous pouvons atteindre une situation où nous serons contraints de diminuer les salaires et les pensions de retraite», a-t-il averti, appelant le partenaire social à accepter l’adoption des réformes nécessaires pour remédier à la situation, notamment dans les entreprises publiques. «Nous ne mènerons pas le pays à la faillite, actuellement nous n’avons pas de problèmes pour payer les salaires et régler nos dettes extérieures», a-t-il ajouté.
Concernant les divergences au sein de la coalition gouvernementale, Fakhfakh a affirmé «qu’il n’y a aucune rupture avec le chef du parti Ennahdha Rached Ghannouchi mais certaines positions ne sont pas concordantes et que la confiance au sein de cette coalition doit être consolidée». Fakhfakh a rappellé que cette alliance rassemble toutes les familles politiques en Tunisie, assurant qu’il n’a pas «besoin d’élargir cette ceinture politique», en réponse à l’appel de Rached Ghannouchi pour inclure Qalb Tounès dans le gouvernement.
Revenant sur les dernières motions rejetées par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le locataire de la Kasbah a rappelé que la position de la Tunisie et ses relations avec la France sont connues et que «ce qui s’est passé au Parlement était scandaleux».