Le président du Conseil de la choura d’Ennahdha, Abdelkrim Harouni, a tenu, hier, une conférence de presse pour détailler la dernière décision du parti appelant à des négociations pour « changer la formation gouvernementale ». Le mouvement islamiste appelle au dialogue et au consensus avec tous les partis politiques et notamment avec le président de la République pour trouver une issue à ce qu’il qualifie de blocage politique et chercher une alternative à l’actuel gouvernement.
Pour Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, il ne s’agit en aucun cas d’un appel anticonstitutionnel, au contraire le mouvement lance un cri d’alerte pour « résoudre le blocage politique au sein du gouvernement et pour trouver les mécanismes constitutionnels adéquats pour ce faire ». Selon ses affirmations, « la situation politique actuelle n’est pas naturelle dans la mesure où aucune solidarité parlementaire n’existe pour appuyer le travail gouvernemental, d’où la nécessité de lancer cet appel à apporter des changements au paysage gouvernemental », rappelant qu’Ennahdha a simplement appelé à des pourparlers pour résoudre ce blocage. « L’appel d’Ennahdha n’est pas un résultat en lui-même, mais constitue le début d’un processus de négociations et de pourparlers avec les partis politiques et tous les intervenants dont notamment le président de la République », a-t-il dit devant les médias. Et d’ajouter que le parti reste ouvert à toutes les propositions politiques et n’essaye en aucun cas d’imposer ses choix à toute la classe politique.
Le président du Conseil de la choura a estimé dans ce sens que « la situation du Chef du gouvernement, largement impactée par les soupçons de conflits d’intérêts, ne permet plus au gouvernement d’exercer dans des conditions normales », ajoutant qu’Ennahdha n’a aucune intention de se substituer à la Justice mais il est de son plein de droit, insiste-t-il, d’estimer la situation et de prendre la décision politique adéquate à cet égard. « On ne peut pas sortir de la crise avec un chef de gouvernement entouré de soupçons de conflit d’intérêts », a-t-il expliqué.
Harouni, qui a insisté sur le rôle fédérateur du président de la République, appelle celui-ci à réagir positivement à l’appel d’Ennahdha en vue de former un nouveau paysage gouvernemental. « La Tunisie est dans une situation très dangereuse qui nécessite le consensus. Nous faisons confiance au président de la République et nous comptons sur lui pour sortir de la crise. Nous appelons également toutes les parties à assumer leurs responsabilités pour résoudre le problème du gouvernement en respectant les dispositions de la Constitution », a-t-il expliqué. Et de révéler qu’une réunion avait eu lieu récemment entre le président de la République, Kaïs Saïed, et le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, expliquant que la réunion, qu’il a qualifiée de « positive », avait eu lieu avant le lancement des travaux du Conseil de la choura. Dans ce sens, Harouni a assuré l’existence d’une convergence de vues et d’une volonté de la part des deux parties de résoudre la situation, chacun de sa place.
Les réactions commencent à tomber
Réuni dimanche, le Conseil de la choura d’Ennahdha a décidé de charger le président du parti, Rached Ghannouchi, d’entamer les négociations et les concertations nécessaires avec le président de la République, les partis politiques et les forces politiques et sociales afin de décider d’une nouvelle formation gouvernementale. Imed Khémiri, porte-parole du mouvement Ennahdha, avait estimé que cette nouvelle formation gouvernementale est « de nature à mettre fin à la crise politique actuelle, aggravée par la situation économique et sociale générée par la pandémie de coronavirus et par l’éventuelle implication du Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, dans une affaire de conflit d’intérêts ».
Réagissant à ce nouveau rebondissement de taille, plusieurs partis ont brisé le silence. C’est notamment le cas du Courant Démocratique qui a estimé que cet appel est une tentative pour se détourner de la Constitution. En effet, le dirigeant d’Attayar Hichem Ajbouni a accusé Ennahdha de tentative de putsch contre la Constitution dans la mesure où ce parti cherche une alternative à un gouvernement déjà en exercice. Pour sa part, Zouhaïer Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du peuple, a estimé qu’Ennahdha cherche à s’emparer du paysage politique tunisien mais, selon ses dires, au vu des nouvelles donnes politiques, le mouvement de Rached Ghannouchi ne peut plus gouverner tout seul. « Le message est clair, Ennahdha veut faire croire qu’il mène le jeu et qu’il contrôle la Tunisie. Nous ne pouvons laisser le Conseil de la choura avec tous les conflits qui le secouent tenir en otage le pays », a-t-il martelé.