Réduire les temps d’attente des passagers, maintenir une circulation efficace, optimiser la gestion des flux et des infrastructures, des frais de stationnement basés sur la demande, des zones à faibles émissions CO2…Les promesses de la mobilité intelligente stimulent les acteurs du transport à condition de développer et de mettre en œuvre des politiques bien réfléchies pour la soutenir.
Dans le cadre de l’organisation de son Hackathon ‘’2020 Tunisian Smart Cities Online Hackathon’’, la Technopole de Sfax, en partenariat avec Tunisie Internet (ATI), la Fédération nationale des villes tunisiennes (Fnvt), la section tunisienne de l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (Ieee Tunisia Section) et l’Institut national des sciences appliquées et de technologie (Insat), vient d’organiser, mardi 18 août, une visioconférence en ligne pour présenter les outils technologiques permettant de développer des solutions intelligentes qui répondent aux besoins des municipalités.
Cette série de visioconférences, qui se déroule du 2 août au 25 octobre 2020, vise à faire émerger les projets qui aident les villes tunisiennes (à travers les municipalités) à se baser sur les nouvelles technologies et l’innovation pour améliorer la qualité de leurs services au profit des citoyens et transformer le paysage actuel des villes tunisiennes vers des villes intelligentes. Six thématiques revêtant une grande importance dans la vie du citoyen ont été retenues pour Hackathon Smart cities 2020 à savoir : Smart Governance, Smart Health, Smart Mobility, Smart Energy, Smart Waste, Smart Food and Agriculture.
Mobilité intelligente pour la ville de demain
Walid Rouis, directeur général d’Actia Group, spécialisé dans la fabrication de composants électroniques pour la gestion des systèmes dans les domaines de l’automobile, des télécommunications et de l’énergie, indique que pour la ville intelligente (ou Smart City), le point focal c’est la ‘’connectivité’’ qui a révolutionné la vie moderne d’innombrables façons et qui commence aujourd’hui à changer le fonctionnement des villes. «Bien qu’il n’y ait pas de définition unique d’une ville intelligente, la plupart conviennent que celle-ci devrait intégrer les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans son infrastructure municipale pour améliorer l’efficacité et la performance des services municipaux, tout en réduisant les déchets, la pollution et la consommation de ressources. Ce qui signifie qu’il y a plusieurs piliers à ce niveau-là à l’instar de la gouvernance, la santé, la mobilité, l’énergie, l’agriculture…», souligne-t-il.
Rouis ajoute que l’un des défis des villes intelligentes consiste donc à intégrer différents modes de transport en un seul système qui est à la fois efficace, facilement accessible, abordable, sûr et écologique, tout en précisant que la mobilité intelligente (ou Smart Mobility) concerne le transport de personnes (travail, école, vie sociale), de marchandises (logistique) et des déchets (propreté des villes). Ce qui fait que nos villes vont faire face à un challenge de taille ; avec une urbanisation croissante, beaucoup de difficultés s’imposent à l’instar de la congestion des routes et la difficulté de circulation, la pollution sonore et atmosphérique, la difficulté de stationnement, la sécurité (accidentologie, sanitaire)… «Répondre à la demande croissante en mobilité est un élément clé de l’émergence de la ville intelligente et de la mobilité intelligente dans le monde. C’est pourquoi on s’attend à ce que le rôle de la technologie augmente à mesure que les TIC continuent d’être intégrées dans les villes de manière novatrice. Mais avec l’essor de l’économie du partage, les nouveaux modes de consommation et une variété de services de mobilité basés sur les applications, les personnes ont plus de choix que jamais pour se déplacer… A cet égard, le défi pour les planificateurs et les grands employeurs est d’optimiser l’efficacité et d’aider les utilisateurs à comprendre et à utiliser ces nouveaux choix de manière sûre et durable», explique Rouis.
Une politique claire et partagée
Bien que la mobilité intelligente repose souvent sur la technologie, il est essentiel de développer et de mettre en œuvre des programmes et des politiques réfléchies pour la soutenir. C’est pourquoi les autorités concernées, à leur tête les municipalités, devraient explorer quelques concepts émergents autour de la mobilité intelligente et du transport intelligent. «Les villes intelligentes naissent au niveau de la planification municipale, lorsque les autorités municipales s’engagent financièrement et stratégiquement à en construire une… Spécifiques à la gestion de la demande en transport, certains exemples de politiques de transport intelligent à fort impact comprennent des concepts tels que la tarification de la congestion (taxes pour la circulation en heures de pointe), les frais de stationnement basés sur la demande, les zones à faibles émissions CO2, les voies à péage sur les routes, la taxation des véhicules avec peu de passagers (encouragement du covoiturage), la restriction de plaques, ou règles d’entrée pour réduire la congestion…», souligne Rouis.
Il ajoute que l’un des éléments importants de la mobilité intelligente c’est la notion d’un véhicule connecté. En effet, les capteurs connectés, connus sous le nom d’Internet des objets (IoT), peuvent fournir des données précieuses aux urbanistes. Soutenues par des programmes intelligents, les données IoT peuvent être utilisées pour améliorer encore le flux de trafic et les performances des services. Les technologies connectées peuvent être utilisées pour rendre la conduite plus sûre et plus efficace. Plusieurs modèles potentiels de véhicules connectés (V2X) ont vu le jour ; véhicules à infrastructure (V2I), véhicules à véhicule (V2V), véhicule au réseau (V2N), véhicule à piéton (V2P)…
Vers un transport public intelligent
Réduire les temps d’attente des passagers et maintenir une circulation efficace sont deux importants objectifs du transport public intelligent pour les véhicules en site partagé. Ces approches du transport intelligent utilisent une combinaison de suivi GPS et de connectivité GSM data pour relayer les données en temps réel aux passagers, leur permettant de planifier leurs voyages avec une bonne précision. Dans les métros, par exemple, les agences de transport en commun peuvent utiliser une technologie de transport intelligent pour améliorer les modèles de billetterie et accéder aux informations sur les itinéraires. Ils peuvent, également, permettre aux passagers de rester connectés et productifs pendant leurs voyages. D’un autre côté, les transporteurs avancés peuvent communiquer avec les feux de signalisation, ce qui permet aux bus et aux tramways de relayer des signaux qui maintiennent les feux verts alors qu’ils deviendraient autrement rouges.
« Les planificateurs utilisent déjà des technologies connectées pour optimiser la circulation en grande partie grâce à l’utilisation accrue des feux de signalisation intelligents de nouvelle génération. Ces systèmes de contrôle du trafic permettent aux feux de se synchroniser plus efficacement pendant les périodes de pointe en modifiant leurs séquences et les temps de phase pour répondre aux demandes spécifiques aux conditions. Les lumières restent vertes sur les routes à fort débit pendant de plus longues périodes, plutôt que d’utiliser des temporisations de phase de couleur prédéfinies qui contribuent à la congestion et à l’inefficacité», souligne Rouis.
Des freins au déploiement…
Les problèmes majeurs rencontrés par les municipalités sont la gestion du transport public, des parkings et la localisation des agents municipaux ainsi que de leurs équipements. A cela s’ajoute un parc véhicules vieillissant, une santé financière précaire des compagnies régionales de transport avec faible capacité d’investissement, une résistance au changement (conducteurs, régulateurs, usagers…), un vandalisme courant pour les biens publics, une absence d’une cartographie claire et d’une planification stricte au niveau du réseau, un retard sur certaines infrastructures routières rendant les trajets peu déterministes…
C’est pourquoi il faut prendre en compte tous ces points avant d’imaginer un déploiement d’un transport intelligent dans une collectivité.
Quelles propositions ?
Afin de dépasser tous ces obstacles, on doit utiliser l’intelligence artificielle pour digitaliser le réseau, faire recours à une gestion du changement avec les conducteurs et les usagers et utiliser une solution full mobile nécessitant très peu d’investissement et d’infrastructure.
Pour la digitalisation du réseau, le processus passe par la collecte des données réelles des bus sur quelques mois, l’utilisation d’algorithme d’intelligence artificielle pour identifier les stations et les routes ou la mise en place d’une application mobile pour la collecte manuelle des données stations, la vérification des positions des stations, l’établissement d’une fiche horaire à partir des datas collectées. Pour l’éco-conduite, il s’agit d’explorer la connectivité installée sur les bus pour récupérer les données de consommation instantanée, de freinage, d’accélérations brusques…
Autre exemple de la même importance, la cause principale des accidents de route est l’excès de vitesse. Donc la limitation de vitesse intelligente peut être une solution efficace pour minimiser ce phénomène à travers un équipement de véhicules cibles avec un boitier connecté, la limitation automatique de la vitesse max en fonction des zones…
«Pour la Tunisie, il existe plusieurs opportunités pour utiliser ses atouts et développer un modèle de mobilité intelligente pour elle et pour toute l’Afrique en utilisant des pays connectés avec un taux de pénétration du mobile proche de la saturation, un Pool de talents disponibles en nombre et formés aux TIC, des villes à taille humaine avec encore des possibilités d’aménagement, un saut technologique possible en adoptant les derniers standards sans repasser par toutes les étapes…C’est une tendance mondiale forte liée à l’introduction de la connectivité dans les villes…C’est aussi un apport indéniable au niveau de la qualité de service à l’usager, de l’optimisation des coûts de transport et de qualité de vie dans les villes…On a juste besoin des préalables liés à une politique publique claire et une démarche de digitalisation de nos processus et services pour concevoir les prochains services de mobilité dans les smart cities», conclut Rouis.