Comment Hichem Mechichi va-t-il négocier la crise socioéconomique ? Comment envisage-t-il de faire face à la dette publique et dans quelle mesure parviendra-t-il à assurer une stabilité sociale indispensable pour réaliser son projet de gouvernement ?
En s’adressant aux députés mais aussi aux Tunisiens lors de la plénière à l’issue de laquelle il a obtenu la confiance du Parlement, le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, n’a présenté aucun véritable programme de gouvernement, comme l’exigeaient les élus, mais plutôt des priorités pour sauver la Tunisie et stopper l’hémorragie des finances publiques. Si pour certains observateurs les intentions sont annoncées et sont bien claires, des experts en économie se sont demandés sur les procédés et les stratégies à même de mener à bien cette mission de sauvetage. Comment va négocier Hichem Mechichi cette crise socioéconomique ? Comment envisage-t-il de faire face à la dette publique et dans quelle mesure parviendra-t-il à assurer une stabilité sociale indispensable pour réaliser son projet de gouvernement ?
Si pour Hichem Mechichi il est primordial de redresser la situation des finances publiques en limitant les dépenses ce qui passera forcément par une meilleure gestion de la masse salariale et en variant et multipliant les ressources des caisses de l’Etat, la situation socioéconomique mais aussi politique serait extrêmement difficile et inconfortable pour le nouveau locataire de La Kasbah. C’est en tout cas ce que pense l’analyste économique Bassem Ennaifer, qui considère que le climat social et politique et les lourdes barrières administratives feront face à tout plan de sauvetage économique en Tunisie. «Le Chef du gouvernement a dit ce qu’il fallait dire, la première priorité étant en effet de stopper l’hémorragie des finances publiques, car on ne peut plus continuer de la sorte», a-t-il expliqué à La Presse. Mais comment devra procéder Hichem Mechichi ? Notre interlocuteur insiste sur l’importance de prendre des décisions courageuses au meilleur moment. Ceci passera forcément, selon ses dires, par la maîtrise et la bonne gestion de la masse salariale. « Le plan de gestion de la masse salariale ne veut pas dire licenciement des employés ou réduction du nombre des salariés, mais plutôt une meilleure organisation au sein de nos administrations ». Dans ce sens, l’analyste économique appelle à mettre en place de nouveaux pôles administratifs pour rapprocher les services aux citoyens tout en misant sur la digitalisation et en optant pour un nouveau dispatching des employés au sein des administrations.
Quant à la dette publique, Bassem Ennaifer s’inquiète du fait que la Tunisie ait atteint des niveaux alarmants d’endettement, d’autant plus que le pays n’est pas en train de créer des richesses ni de produire. « Ce que nous devons faire c’est chercher, comme cela a été évoqué par le nouveau Chef du gouvernement, de nouveaux financements pour les caisses de l’Etat, d’autant plus que la Tunisie est appelée à régler d’ici quelques mois ses dettes auprès des banques tunisiennes, mais la situation n’est pas facile », a-t-il expliqué.
La stabilité politique comme condition de succès
Au vu de cette situation socioéconomique, Bassem Ennaifer appelle à la mise en place d’un véritable plan de sauvetage pour redresser l’économie nationale déjà en difficulté et lourdement impactée par la crise du coronavirus. Un tel plan nécessite, explique-t-il, au moins sept mois de travail avant de l’appliquer mais aussi une stabilité politique et sociale. «Actuellement, le Chef du gouvernement a pris le train en marche, il ne fera que de la gestion, mais à moyen terme son équipe est appelée à élaborer un plan de sauvetage efficace et bien ficelé pour sortir de cette crise, un plan qui mettra la gestion de la masse salariale et la création de nouvelles sources de financement du budget de l’Etat comme première priorité», a-t-il expliqué.
Pour sa part, l’expert en économie Moez Joudi s’est dit satisfait du programme présenté par Hichem Mechichi qui met la nécessité d’arrêter l’hémorragie des finances publiques comme principale priorité. « Le gouvernement Hichem Mechichi est meilleur que le précédent du moins en ce qui concerne sa composition, notamment au niveau des portefeuilles économiques. Son programme économique est bon, il tient la route. Reste maintenant que Hichem Mechichi ne doit se soumettre à aucun parti et il ne doit agir que dans l’intérêt de ce pays et très loin de tout intérêt partisan ou idéologique. Son gouvernement doit être aussi opérationnel dès le premier jour et concrétiser le programme qu’il a annoncé et qu’il s’est engagé à réaliser », a-t-il posté sur son compte Facebook.
En tout cas, de grands chantiers économiques et sociaux attendent le Chef du gouvernement qui prendra en effet le train en marche. Négocier une situation économique extrêmement difficile, répondre à ce qu’il a appelé l’énormité des aspirations du peuple et gérer une deuxième vague encore plus puissante de propagation du coronavirus sur le territoire tunisien, Hichem Mechichi sait déjà ce qui l’attend. Les différents experts en économie s’accordent sur le fait que la prochaine conjoncture ne sera pas clémente pour la Tunisie. Hichem Mechichi sera appelé, en effet, à gérer les retombées économiques et sociales de la crise du coronavirus ayant provoqué une récession économique historique mais aussi une augmentation du taux de chômage, ce qui mettrait à mal la paix sociale, indispensable pour l’application de son programme de gouvernement.
Si le gouvernement s’est engagé, en outre, à maîtriser les dépenses de l’Etat et à mettre en place un programme complet pour la restructuration du secteur public, il doit forcément convaincre le partenaire social de la nécessité de prendre d’éventuelles décisions douloureuses.
Le gouvernement doit également concentrer ses efforts, avec la Banque centrale de Tunisie, sur les procédés de moderniser les politiques monétaire, financière et fiscale et d’entamer des négociations avec les partenaires et les bailleurs de fonds pour engager les réformes structurelles nécessaires et indispensables pour la relance économique.