Difficile de ne pas aimer le football lorsqu’on fait de la politique, à moins de se mettre sur le dos des milliers de compatriotes. Le sport le plus populaire est devenu le refuge de tous ceux qui se cherchent une nouvelle conduite, une certaine reconnaissance. Culte populaire, pouvoir financier et politique, enjeu géopolitique, il est devenu un phénomène complexe et multiforme.
Beaucoup de politiques sont arrivés à la conclusion que c’est souvent par le football que les maux de la société s’expriment. Le sport le plus populaire est, en effet, devenu plus qu’un simple loisir. Les valeurs qu’il véhicule sont aussi sonnantes que celles des causes nobles. Il représente jeu, plaisir, mais aussi un idéal démocratique en acte. Les légendes qui continuent à le structurer marquent la société toute entière.
Cependant, victime de son succès, le football est aujourd’hui instrumentalisé. Compte tenu du fait que la plupart des Tunisiens ne semblent plus aujourd’hui s’intéresser à ce que beaucoup d’hommes politiques prétendent, à ce qu’ils préconisent, dans la mesure aussi où ils ne sont plus prêts à leur accorder la moindre attention, on ne s’étonne plus de la présence de certains dans un milieu auquel ils n’appartiennent pas et dans lequel ils ont peu de place. Leur présence n’a d’ailleurs jamais été souhaitée. Pas seulement au vu de leurs limites en connaissances sportives, mais aussi à travers les propos, les idées et les discours qu’ils ne cessent d’exprimer, et surtout en raison de l’absence de vision et de projets sportifs valables. On est aujourd’hui en droit de douter du bien-fondé de ce qui est entrepris ici, à l’instar notamment de la décision de baptiser le stade de Radès du nom de l’un des plus grands joueurs du football tunisien, en l’occurrence Hammadi Agrebi, et toute la polémique qui s’en était suivie.
Utilisé, instrumentalisé, le football auquel on assiste aujourd’hui n’a plus la même carte d’identité. Il n’a plus la même crédibilité. Il n’est plus à l’abri de la récupération politique. Il attire de plus en plus d’intrus, d’importuns, de gênants. D’indésirables. Résultat : ses différents acteurs et lui se perdent dans des circuits impossibles à tracer, à cerner. Que ce soit sur le terrain ou ailleurs, il est loin d’être moral. Il affectionne des parties emblématiques. Des fois symptomatiques. Il perd ses vrais leaders et ne sert presque plus de modèle sur lequel les générations futures pourraient vraiment s’identifier.
Cela est devenu impérieux pour le football et pour ses fondements. Cela donne aussi une certaine insipidité à un environnement de plus en plus fomenté. Cela met enfin à nu cette tendance chez beaucoup de politiques à vouloir se relancer à travers le football. Il y en a qui sont omniprésents et interviennent souvent, rien que parce que le sport exerce un charme et une force d’attraction extraordinaires.
Si on sait comment l’entourage du sport numéro un est tombé si bas, on n’a jamais su prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Pour avoir à composer avec des intrus, le football tunisien risque de se heurter encore davantage à d’autres modes de récupération encore plus contraignants. Ce qui constitue déjà une menace majeure pour le présent et pour l’avenir.