Il ne rate aucune apparition médiatique pour insister sur la protection de l’argent public. Le Président de la République ne cesse de réaffirmer sa détermination à préserver l’argent public et à appliquer «rigoureusement la loi à tout le monde, sans exclusion aucune»
Depuis les événements de janvier 2011, la Tunisie s’est lancée dans une lourde expérience de récupération des domaines et des biens de l’Etat, ainsi que dans un interminable processus de restitution de l’argent spolié, notamment par l’ancien régime de Ben Ali. Sauf que ce dossier connaît un fiasco depuis des années, particulièrement dans les procédures de restitution de l’argent détourné et les multiples dépassements commis contre le domaine public. En effet, dix ans après la révolution, s’agissant du traitement et de la gestion de ces dossiers, le pays semble être au point mort, faute d’une décision politique efficace, et en l’absence de politiques publiques à même de répondre aux aspirations des Tunisiens, notamment dans cette conjoncture économique si difficile.
Face à ce constat, tout au long de sa première année d’investiture, le Président de la République, Kaïs Saïed, a décidé de prendre les choses en main. Désormais, Carthage fait de la restitution de l’argent spolié et des atteintes aux domaines de l’Etat une priorité.
Il ne rate aucune apparition médiatique pour insister sur la protection de l’argent public. En effet, le Président de la République ne cesse de réaffirmer sa détermination à préserver l’argent public et à appliquer «rigoureusement la loi à tout le monde sans exclusion aucune». Selon lui, l’intérêt suprême de la patrie est au-dessus de toute considération», ceci passe forcément par la «protection des biens et de l’argent du peuple». D’ailleurs, pour lui, il était temps de passer à l’action. Il avait décidé, le 15 septembre dernier, de créer une commission au sein de la présidence de la République, dont la seule mission est le suivi des dossiers de l’argent spolié et des dépassements relatifs aux biens de la communauté nationale, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Mais que va ajouter cette commission à ce dossier qui souffre déjà de lourds mécanismes administratifs et juridiques ?
D’après sa vision, la commission fera face à toute personne qui «joue avec l’argent public» et vise à mettre fin à cette hémorragie qui sévit en Tunisie depuis des décennies. La lutte contre la corruption commande à tout responsable de faire preuve de responsabilité devant les citoyens, insiste-t-il.
Pour le Président de la République, il était également question de donner l’exemple. En effet, quelques semaines après son élection, Kaïs Saïed avait également ordonné un audit des services administratifs relevant de la présidence de la République dans l’ambition d’éradiquer toute forme de corruption, mais dont les résultats n’ont pas été jusqu’à ce jour dévoilés.
Toujours dans ce contexte de préservation de ce qu’il appelle «l’argent du peuple», le locataire de Carthage avait également décidé d’annuler un appel d’offres pour acquérir des compositions florales dédiées à la décoration du palais présidentiel, d’un coût de 300 mille dinars.
Dans ce sillage, l’institution de la présidence de la République a également contribué au processus de la lutte contre toute forme de corruption, en déférant certains dossiers et affaires à l’Instance nationale de lutte contre la corruption.
Un processus entravé !
Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Certes, les ambitions du Président de la République vont dans le bon sens de la lutte contre la corruption financière et le détournement de l’argent public, mais le fléau a tellement pris de l’envergure que la situation semble incontrôlable et les moyens d’y faire face ne sont pas toujours efficaces. En effet, la Tunisie peine toujours à restituer les immenses sommes d’argent spoliées et détournées à l’étranger avant et même après 2011. Qu’est-ce qui bloque? Pourquoi, après près d’une décennie, les différents gouvernements ont-ils échoué à récupérer cet argent ? En tout cas, même si pour l’Etat il est difficile d’estimer la valeur globale des fonds spoliés et placés à l’étranger, il est grand temps aujourd’hui d’ouvrir de nouveau ce lourd dossier, en dépit des procédures administratives et juridiques complexes et parfois interminables. Etats peu coopérants, procédures très lourdes, absence de politique performante, etc., la Tunisie risque aujourd’hui de perdre ses droits et ses avoirs bloqués à l’étranger, faute de volonté politique efficace.
Conscient de ces entraves, le Président de la République envisage également de présenter une nouvelle initiative pour conclure ce qu’il appelle une réconciliation avec certains hommes d’affaires accusés d’être en possession illégale d’importantes sommes d’argent. En effet, nous apprenons, dans ce sens, que le Chef de l’Etat a déjà parachevé une première esquisse d’un projet de loi portant sur une réconciliation avec ces acteurs économiques et financiers, qui stipule notamment le lancement d’une commission nationale de la réconciliation et l’exploitation des fonds collectés au profit du développement régional dans les délégations les plus démunies. Mais le chemin de la restitution de l’argent public et de la protection des domaines de l’Etat est encore long et s’annonce périlleux, d’autant plus que dix ans après la révolution, les différents gouvernements qui se sont succédé ne sont pas parvenus à accomplir des avancées sur ce volet.