Retour à la case départ. De nouvelles mesures ont été annoncées récemment par le gouvernement, prises à la lumière des dernières évolutions de la pandémie de Covid-19 en Tunisie. Face à l’aggravation de la situation épidémiologique dans le pays, la raison veut que des décisions exceptionnelles soient prises afin d’éviter d’autres contaminations, à condition d’y mettre beaucoup de sens et de tact pour l’intérêt de tous.
Entre une gouvernance à tâtons, des ministres qui tirent la couverture chacun de son côté, une commission scientifique et une instance nationale de lutte contre le coronavirus en désaccord, des partis politiques absents, les citoyens, eux, sont des laissés-pour-compte et dans l’attentisme.
La bipolarité bat son plein. D’un côté, on se dit intransigeant quant aux mesures sanitaires (couvre-feu, protocoles sanitaires, interdiction des déplacements intervilles, suspension des cours), mais, d’un autre côté, on laisse ouverts les espaces publics, les frontières, les gares, les échoppes…
Depuis quelques mois, les citoyens ne savent plus où donner de la tête, et pour cause : des décisions hasardeuses et intempestives prises hâtivement pour parer au plus pressé, dont le résultat est certes aléatoire. N’aurait-il pas été préférable, pour éviter le pire, de prendre des décisions plus sévères un peu plus tôt et de faire passer les vies humaines avant l’économie ?
Les pouvoirs publics, les structures sanitaires et le staff médical savent mieux que tous que l’épidémie de Covid-19 est en expansion, que les cas de contamination se multiplient de plus en plus, chaque jour, et que la plupart de nos hôpitaux ont montré leurs limites. Les Tunisiens ne demandent pas la lune, puisqu’ils sont conscients que les circonstances sont très délicates, mais ils en ont assez de courber l’échine devant l’improvisation dans la prise de décisions qu’on leur impose.
Ils ont conscience aussi que la situation est devenue ingérable au niveau des parties prenantes, qui font montre d’indécision, de manque de vision dans la prise des décisions quant aux mesures urgentes à prendre au moment opportun, voire à anticiper avant que la situation s’aggrave. L’absence de coordination demeure flagrante. Les avis et décisions divergent. Entre ceux qui sont pour le reconfinement ciblé comme l’unique solution pour endiguer la pandémie et ceux qui y trouvent une sorte d’abus, la courbe de l’évolution des contaminations monte crescendo (plus de mille trois cents décès et 60 mille contaminations) pour nous rappeler à une réalité criarde et désolante, celle de l’instauration le plus vite possible de l’état d’urgence sanitaire dans le pays.
Malheureusement, après une bonne gestion de la crise sanitaire où la Tunisie était précurseur, aujourd’hui c’est le coup de tonnerre : l’improvisation et le cafouillage l’emportent dans des décisions qui mettent à mal les nerfs.
Il est vrai que le monde entier a été pris de court par cette pandémie, qu’il est difficile pour tous les gouvernements de se projeter. Mais des pays ont anticipé parce qu’ils étaient bien conscients qu’ils devront vivre encore pour longtemps avec ce virus. D’autres ont prévu des plans A, B et C pour ne pas avoir à tâtonner et à faire subir à leurs citoyens les contrecoups de leurs décisions.
Le malaise est général face à la pandémie, et c’est aux gouvernements de trouver des solutions quelles que soient les circonstances.
Ce qui nous fait peur, aujourd’hui, c’est ce sentiment d’être submergés par un courant d’abandon et de passivité, voire de laisser-aller qui confine à la résignation. Les grandes batailles se gagnent collectivement avec la volonté de souder les rangs et fédérer les ambitions, car la situation socioéconomique, sanitaire et politique est loin d’être rassurante.
A entendre les responsables qui ne font que multiplier les sorties ratées durant cette période de crise, la situation épidémiologique du pays se dégrade de plus en plus. Au lieu de communiquer des chiffres, des bilans et des résultats des études de l’impact de Covid-19, ils auraient pu multiplier les marges de manœuvre, afin de sauver la face devant le relâchement général observé depuis des mois.
Aujourd’hui, au temps du Covid-19, la Tunisie est prise entre deux feux : un système de santé défaillant et une économie au bord de l’asphyxie. Et cela ébranle la confiance et freine l’élan des citoyens qui étaient bien optimistes quant à la gestion et à la démarche gouvernementales efficaces des premiers jours.
Depuis le début de cette crise sanitaire, on ne cessait de dire que le pays s’en sortirait. Mais une dure crise économique est déjà en cours et le pire est à craindre si on reste encore incapable de maîtriser la situation et de prendre les décisions idoines, sous prétexte que la conjoncture socioéconomique et politique difficile que vit le pays, aujourd’hui, chamboulée par la crise sanitaire, rend opaque toute visibilité possible.
Le corps médical, quant à lui, est toujours mobilisé, malgré les contraintes et les failles, pour sauver ce qui reste à sauver, au moment où les «chefs d’orchestre» multiplient les fausses notes. Il est de coutume que c’est le pilote, occupant la tête d’affiche qui sauve la face, même si ça ne devrait pas plaire à tout le monde ou encore générer la colère et la contestation.
Mais ce n’est pas pour rien que l’attentisme et le désenchantement ont laissé la place à l’inquiétude et à ce sentiment que nous avons tous d’une décennie perdue, suite aux mille et un échecs.
David Kacem
1 novembre 2020 à 12:46
Pour un petit pays vulnérable, comme la Tunisie, il faut fermer les frontières pendant un mois. Confinément total. Sensible économiquement, mais ça paye à longs termes.