Accueil Société Maladie de la langue bleue chez les ruminants : Le cri d’alarme des éleveurs

Maladie de la langue bleue chez les ruminants : Le cri d’alarme des éleveurs

Plusieurs maladies dont la langue bleue posent actuellement problème et représentent un grand risque pour la santé animale.

La maladie de la langue bleue ou «Blue Tongue», arbovirose, a attaqué le cheptel tunisien. Elle passe par une piqûre d’insecte. Un moustique du genre culicoides, qui pullule après une grande pluie sous une mare d’eau, est mis en cause. Les signes apparents de cette maladie sont des écoulements de la sphère buccale, oculaire et nasale et toute la face avec un phénomène inflammatoire gênant l’animal à se nourrir. L’animal a des signes d’enflement des yeux et de la bouche avec ou non apparition d’une langue bleue. Mais comment prévenir cette maladie ? Et quelles sont les solutions proposées du ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche ?

Nous avons rencontré un agriculteur, Ikbal Souissi, qui a révélé que «cette maladie s’est développée dans les zones de Siliana, Sidi Bouzid, Le Kef et Mahdia. Par ailleurs, tout producteur ou éleveur de bovins vit actuellement une double phobie : celle du coronavirus et celle de la langue bleue. Tout éleveur qui a un cheptel est angoissé car le risque existe et continue. La vache ou le mouton sont les principaux revenus de ces éleveurs. M. Souissi a lancé un appel à l’Etat pour qu’il organise des campagnes de vaccination à large échelle pour protéger le cheptel.

Assister les petits éleveurs

De son côté, M. Faouzi Zayani, président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri), a souligné que le devoir de l’Etat est d’assister les petits éleveurs et les agriculteurs d’une manière générale. Ces éleveurs ont besoin d’assistance et de subventions pour protéger leur cheptel. L’Etat est appelé à fournir un stock de vaccins par l’intermédiaire de la Pharmacie centrale et les mettre à la disposition des vétérinaires pour vacciner le cheptel. C’est la seule façon de sauver le cheptel.

Le secteur de l’élevage est un secteur stratégique pour la souveraineté alimentaire nationale. Et notre interlocuteur d’ajouter : «Nous remarquons que le changement climatique, caractérisé par une période de sécheresse, a des impacts sur la santé des animaux. La fièvre catarrhale a touché une partie des bovins parce que nous ne donnons pas suffisamment d’importance à l’environnement dans lequel ils vivent. L’écosystème réagit et nous n’en finissons pas de subir des catastrophes. Cela risque un jour de s’aggraver. Il y a trois ans, ce vaccin a été supprimé. C’est une grande erreur de supprimer la vaccination et nous demandons une compensation pour les petits éleveurs puisque ce vaccin représente une sécurité. Heureusement, que nous nous trouvons aujourd’hui sur une courbe descendante. Nous accordons une grande confiance à nos vétérinaires».

Dans ce cadre, le médecin vétérinaire joue un rôle primordial dans la lutte contre les maladies animales et assure la prévention de la propagation des infections en appliquant des mesures sanitaires strictes. Le médecin vétérinaire est garant de la santé publique vu que 60% des maladies infectieuses humaines connues et 75% des maladies humaines émergentes sont d’origine animale, selon l’OMS.

Un virus virulent qui se propage

Dans ce sens, Dr Khaled Zarrouk, médecin vétérinaire spécialiste en nutrition comparée et ancien représentant du ministère de la Santé à l’Organisation mondiale de la santé animale (l’OIE), a expliqué que «cette maladie a été observée ces dernières semaines, suite à des précipitations qui ont eu lieu il y a quelques semaines. Ce virus possède 24 stéréotypes, tous différents et actuellement, c’est le type 4 qui s’est propagé en Tunisie. En Libye, ce sont les types 1 et 8 qui semblent dominants. Cette maladie a une localisation géographique méditerranéenne. Elle se trouve un peu partout dans le pourtour méditerranéen surtout quand les conditions climatiques sont favorables à sa propagation».

Et de poursuivre : «Si la maladie est confirmée, la viande devient fiévreuse donc impropre à la consommation. Le traitement de la fièvre catarrhale est surtout préventif grâce à un vaccin basé sur le même stéréotype. Signalons qu’il n’y a pas des médicaments spécifiques anti-langue bleue. Il faut appliquer des pulvérisations des produits anti-moustique et ne pas faire sortir les animaux au crépuscule et tôt le matin. Il est nécessaire de réaliser une protection de l’étable avec la mise en place du fumier», a ajouté Dr Khaled.

Historiquement, cette maladie a été constatée dans le sud africain, mais depuis 2006, elle est apparue dans les pays du pourtour méditerranéen comme la Croatie, la Bulgarie, l’Italie, la Grèce et l’Algérie… Tous ces pays ont été contaminés par le virus de stéréotype 4 comme la Tunisie. Cette maladie n’est pas contagieuse et ne se transmet pas de l’animal à l’homme et de l’animal vers son congénère.

Enquêtes d’investigation effectuées

Selon le docteur Wafa Ben Hamouda, directrice de la santé animale au ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, cette maladie touche un faible pourcentage de bovins. On a recensé près de 193 foyers de contamination touchant seulement 38 cas de bovins. Elle a mentionné que dans le cadre du suivi de la situation sanitaire de la «Blue Tongue» en Tunisie, établi sur la base des rapports de terrain et des résultats des analyses effectuées à l’Institut de recherche vétérinaire de Tunisie (Irvt), on a recensé près de 1.170 cas de suspicion de la maladie. Les services vétérinaires régionaux se sont déplacés pour prendre des prélèvements destinés aux analyses. Des enquêtes d’investigation de terrain et plus de 310 analyses de laboratoires ont été effectuées par le ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche. Elle a annoncé les indicateurs de mortalité sont de 0.9 % jusqu’au 30 octobre 2020. Parmi les principales dispositions prises pour éviter la propagation de la maladie, on peut citer la publication de la circulaire ministérielle n°190 du 19 octobre 2020 relative aux mesures à mettre en place pour la prévention et la lutte contre la «Blue Tongue».

La réunion avec l’Irvt et un expert auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale a été tenue pour évaluer la situation sanitaire et analyser les données scientifiques. Ladite réunion a confirmé la circulation du stéréotype 4 du virus comme responsable des foyers de la maladie observés cette année en Tunisie. L’analyse phylogénique de cette souche est actuellement en cours au niveau du laboratoire italien de référence de l’Organisation mondiale de la santé animale.

Il y aura une coordination avec les partenaires parmi les vétérinaires du secteur public et privé, les professionnels du secteur et les éleveurs. Dans ce cadre, 38 réunions de travail ont été organisées pour 3.678 participants afin de présenter la stratégie nationale de lutte contre la «Blue Tongue» et pour mettre en place un plan d’action commun en adéquation avec le contexte régional et les spécificités de chaque région notamment en ce qui concerne le recensement des foyers des maladies et la protection du cheptel contre les piqûres du moustique vecteur de la maladie.

Une coordination entre les gouverneurs a été effectuée en collaboration avec les comités de lutte contre la maladie de la langue bleue au niveau des régions. Dans ce cadre, des campagnes de désinsectisation ont été organisées dans 730 étables et 6.125 litres d’insecticides ont été distribués à 13.777 éleveurs.

Sur le plan médiatique, des campagnes seront organisées pour sensibiliser et informer le public des méfaits de la maladie et la nécessité de protéger les troupeaux. Un déploiement des vétérinaires tant au niveau central que régional a été enregistré, ce qui a permis l’enregistrement de plus de 77 interventions entre la période allant du 2 au 30 octobre 2020. Un programme de vulgarisation au sein du ministère de l’Agriculture a été élaboré pour la sensibilisation des éleveurs dans le cadre d’une communication écrite et audiovisuelle.

Enfin, des webinaires au profit des vétérinaires seront organisés pour le partage des dernières actualités scientifiques en rapport avec la souche virale circulant cette année. Les rapports élaborés sur la base de travail sur le terrain et les données scientifiques disponibles ont fait état d’une stabilisation de l’état sanitaire. D’autant plus que les conditions météorologiques sont favorables (forte pluviométrie suivie d’une hausse de température). Le pic de la maladie semble avoir été atteint au mois d’octobre avec une tendance baissière dans les semaines à venir avec enregistrement de quelques foyers jusqu’au mois de décembre. Les services vétérinaires assurent le suivi continu de la situation sanitaire dans l’attente des résultats du laboratoire de référence de la l’Organisation mondiale de la santé animale qui permettront de mettre à jour la stratégie actuelle de lutte.

Le directeur régional de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale), Dr Rachid Bougdour, a déclaré qu’il serait adéquat de procéder à la vaccination trivalente contenant les types 4 et 1 et 8 pour une meilleure efficacité et pour prévenir la propagation de la maladie.

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Un commentaire

  1. Semia gharbi

    6 novembre 2020 à 11:49

    Bravo Mme Sabrine pour cet article concis et clair.

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