Le retour, onze ans après, du Festival de la chanson tunisienne soulève, bien sûr, des questions.
Pourquoi, d’abord, cette date du 30 mars 2021, c’est-à-dire encore, à même la pandémie ? L’Europe et les Etats-Unis fixent à six, huit mois plus tard, la sortie d’un vaccin. Nos petits moyens financiers étant, la reprise des spectacles chez nous, ne serait possible, au mieux, que lors de l’été prochain. Qu’est-ce qui presse au fait ? Logiquement, rien. Ceux qui appellent à ce retour rêvent, que l’on sache, de «belles retrouvailles», d’un «grand moment de succès». Que décidera-t-on fin mars ? L’absence du public ? Le report ? L’annulation ? Risque inutile. Rien n’interdisait d’y penser avant coup.Les raisons du retour, maintenant.
Curieusement, pas d’explications encore. On en a parlé pourtant voilà plus d’une année, quasiment sous trois ministères. Mais à voix basse, à chaque fois. Dans le «chuchotis»
La cause : une gêne, une grosse gêne. Celle, peut-être, de devoir faire double emploi avec les «Journées musicales de Carthage». Les JMC sont nées en 2010 pour suppléer un festival de la chanson tunisienne précisément en perte de tout : de valeurs, de niveau, de réputation. Ces manques sont-ils rattrapés désormais ? La chanson tunisienne vit-elle un regain d’audience, de production, de création ? A-t-elle retrouvé sa richesse et son éclat d’antan ? Evidemment pas. On jurerait plutôt du contraire aujourd’hui.
Plus plausible est de citer la corporation de la «wataria». Celle des professionnels et des partisans du «classique et de l’ancien», qui s’est manifestée tôt, dès 2010. Et qui aura usé de toute son influence auprès de l’establishment, de l’élite traditionnelle et des médias, pour, finalement, atteindre ses objectifs : récupérer la vieille joute et, par là même (on le devine au silence qui règne à ce propos), préparer l’éviction des «Journées».On ne prend pas position. Mais le poids de la «wataria» est irréfutable, ici. Il l’était ces deux dernières années à travers une discrète, incessante, souvent influente opposition aux JMC. Il l’est aujourd’hui, à l’évidence, à travers un comité de festival composé d’artistes de la génération «mitoyenne». Et il le sera, en conséquence, et davantage, car il butera dès demain, sur une délicate question d’opportunité.
Le Festival de la chanson tunisienne a vécu son apogée à une époque où le classique et la «wataria» étaient le contemporain unique. L’absolu point de rencontre des aptitudes et des goûts. La seule musique convoitée par la multitude. Qu’en est-il de tout cela, à présent ? Les actuels concepteurs se disent conscients et prêts à assumer le nouveau. Tôt le nouveau. La crainte, toujours, est qu’ils n’en auront ni l’âge, ni l’envie, ni le goût. Forcément accrochés à la «wataria» classique, à l’écart de la multitude et du contemporain.