Alors que la Tunisie est appelée à se préparer pour l’accueil de la 8e édition de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad 8) en 2022, le ministre nippon des Affaires étrangères, Toshimitsu Motegi, s’est déplacé il y a deux semaines à Tunis pour rencontrer les officiels et s’assurer que tous les moyens seront mis en œuvre pour faire réussir ce sommet important pour le Japon. Important pour le pays du Soleil Levant, mais également pour les pays africains et particulièrement la Tunisie qui devrait jouer pleinement son atout de porte de l’Afrique. Le Japon mise sur un « espace indopacifique libre et ouvert », respectueux de la légalité internationale. Dans cet entretien accordé à La Presse, Son Excellence l’ambassadeur du Japon en Tunisie, M. Shimizu Shinsuke, fait le point.
La Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (Ticad 8) se déroulera en 2022 pour la première fois en Tunisie, qu’est-ce qui a motivé le choix de notre pays ?
C’est, avant tout, l’enthousiasme de la Tunisie envers la Ticad. La Tunisie avait postulé pour l’abriter en 2022, l’Union Africaine avait approuvé cette candidature et au final le Japon a opté pour la Tunisie. Lorsque le ministre des Affaires étrangères, M. Toshimitsu Motegi, est venu la semaine dernière, il a rencontré le président de la République et le Chef du gouvernement. Tous deux ont exprimé leur ferme volonté de faire réussir ce sommet du Ticad. Nous avons été très touchés par ses propos.
La Ticad fait partie de notre vision diplomatique dite de l’espace indopacifique libre et ouvert. On pourrait imaginer que l’espace indopacifique n’a pas d’intérêt pour la Tunisie, mais en fait, cette vision consiste à promouvoir la paix et la prospérité des deux continents, l’Asie et l’Afrique à travers la zone maritime qui les relie, y compris la Méditerranée, le tout dans un profond respect du droit international.
Quelles sont les grandes lignes du programme ?
La Ticad évolue autour de trois piliers, l’économie, le développement social et la sécurité. Nous prônons un développement de l’Afrique piloté par les Africains. C’est notre principe, depuis la création de la Ticad en 1993.
Nous considérons que la stabilité et la prospérité de l’Afrique sont très importantes pour la prospérité et la paix dans le monde. L’Afrique reste un continent d’avenir.
La zone indopacifique va être le centre de gravité du monde en ce 21e siècle. La stabilité de l’Afrique est donc fondamentale. Le Japon est disposé à soutenir le développement de l’Afrique en étroite collaboration avec les Africains.
D’ailleurs, le Japon a annoncé que les entreprises nipponnes vont investir 20 milliards de dollars sur 3 ans en Afrique.
Quelle est la place de la Tunisie dans le dispositif japonais pour conquérir l’Afrique, sur le plan économique évidemment ?
La Tunisie a de fortes potentialités pour devenir une porte d’entrée pour l’Afrique pour le Japon, en raison de sa position géographique d’abord, mais également en raison de son histoire en tant que carrefour des civilisations ainsi que les compétences humaines dont elle regorge.
Il faut admettre que la réalité économique n’est pas encore à la hauteur de ce potentiel. D’une part, les liens entre la Tunisie et l’Afrique sont limités et, d’autre part, la présence du Japon en Tunisie est économiquement en deçà de ce qu’elle devrait être. C’est la raison pour laquelle, il faut pleinement profiter des opportunités qu’offre la Ticad pour booster ces deux aspects des liens économiques, afin de créer un vrai partenariat triangulaire Japon-Tunisie-Afrique. La Ticad sera une belle opportunité pour approfondir le partenariat tuniso-japonais, non seulement sur le plan bilatéral mais aussi dans un contexte multilatéral.
La Tunisie est en train de vivre une crise économique sévère, le Japon compte-t-il booster sa coopération avec la Tunisie pour l’en sortir ?
A court terme nous avons déjà consacré beaucoup d’efforts pour soutenir la Tunisie et affronter cette double crise économique et sanitaire.
Nous avons déjà accordé deux dons financiers pour permettre à la Tunisie l’acquisition d’équipements de protection personnelle et des équipements médicaux de haute technologie.
Nous sommes également disposés à accorder des appuis budgétaires en concertation avec le FMI et la Banque Mondiale, pour soutenir les efforts de la Tunisie dans la mise en place des réformes socio-économiques.
Selon un récent sondage, une majorité des japonais sont hostiles à la tenue des JO dans leur pays en Juillet 2021. Mais officiellement, le Japon assure que cette date sera respectée, est-ce toujours le cas ? Et si la crise sanitaire perdure et qu’en juillet on n’aura toujours pas vacciné les populations à travers le monde, que se passera-t-il ?
Nous avons annoncé à plusieurs reprises que nous tenons à organiser ces jeux olympiques comme prévu, l’été prochain, pour montrer au monde que l’humanité a battu la pandémie.
Le comité olympique international partage entièrement l’avis du gouvernement japonais.
Le sondage auquel vous faites allusion n’est qu’une question posée à un instant T. Ce sondage est effectué tous les deux mois. Les résultats varient d’un sondage à l’autre. Maintenant, nous sommes au milieu de la pandémie, il est donc normal que les gens soient un peu plus pessimistes que d’habitude, mais les choses peuvent évoluer.