« Les gestionnaires sont appelés à faire preuve de transparence et à se soumettre aux injonctions des contrôleurs publics, mais sans les impliquer dans le processus de redevabilité. Ils ont l’impression d’être des éternels boucs émissaire ».
L’Association tunisienne des contrôleurs publics a organisé hier à Tunis un atelier sur le thème de « la transparence, un appui pour renforcer la redevabilité dans le secteur public ». A cette occasion, les différents intervenants ont soulevé un certain nombre de problématiques liées au contrôle. Ainsi, Imed Hazgui, président du Haut Comité du contrôle administratif et financier, a tenu à saluer le travail fait par l’ensemble des structures de contrôle et de suivi. Un travail, qui malheureusement, reste lettre morte, car il ne permet pas d’aboutir à la finalité suprême de tout contrôle : éviter que les erreurs ne se reproduisent.
« Ce travail qui est fait par ces structures n’est pas utilisé dans la mise en place des réformes », soutient Imed Hazgui.
Une opinion d’ailleurs partagée par la grande majorité des intervenants, qui estiment que les rapports des contrôleurs, sont trop souvent récupérés par des politiques et deviennent beaucoup plus des enjeux populistes qu’un socle pour des réformes futures.
« Un buzz » classé sans suite
Contrôleur général des dépenses au ministère des Finances, Lassâad Bouattour estime que les rapports de contrôle ne font que des « buzz » médiatiques, et sont par la suite oubliés et ne sont pas traduits en réformes.
De son côté, Hela Gharbia, présidente du Syndicat national des conseillers des services publics et PDG de Cactus Production, a appelé les contrôleurs publics à se mettre à la place des gestionnaires qui sont le plus souvent abandonnés à leur sort dans des entreprises publiques où la marge de manœuvre managériale est très réduite.
« Les gestionnaires sont appelés à faire preuve de transparence et à se soumettre aux injonctions des contrôleurs publics, mais sans les impliquer dans le processus de redevabilité, explique-t-elle. Ils ont l’impression d’être des éternels boucs émissaires ».
A ce sujet, Fatma Ezzahra Selloum, chef de service à la Cour des comptes, rappelle que les contrôleurs donnent la possibilité aux gestionnaires de répondre aux observations et aux anomalies relevées. « Ces réponses sont même jointes aux rapports », insiste Fatma Ezzahra Selloum.
La rétention de l’information, ce mal qui ronge nos administrations
Intervenant à l’occasion du même atelier, Karim Belhaj Issa, coordinateur du programme de transparence Mena pour l’organisation Article 19, fustige « la culture du secret », qui subsiste dans la grande majorité des administrations publiques.
« Nous avons toutes les législations possibles et imaginables en matière de transparence de l’information, note Karim Belhaj Issa. Mais il y a malheureusement un cumul de la culture de la résistance ». Il reste tout de même optimiste. « Nous sommes encore en phase de décollage dans l’intériorisation de la culture de la transparence », a-t-il dit.
Pour sa part, Maher Gaida, vice-président du Conseil de l’ordre des experts-comptables, estime que les systèmes comptables actuels ne traduisent pas la réalité des entreprises. Il appelle ainsi à l’adoption des IFRS (International Financial Reporting Standards), de manière stricte.
Maher Gaida note également qu’il est important, dans les entreprises publiques, de faire, dans la comptabilité, une distinction entre ce qui est nécessaire à l’exploitation de ce qu’il n’est pas. « Ce n’est que de cette manière qu’on comprendra très clairement quelles sont les charges superflues », explique-t-il.
L’expert-comptable regrette notamment l’absence dans les entreprises publiques d’une comptabilité analytique à même d’informer le gestionnaire et le contrôleur du coup réel d’un bien ou d’un service.