Guerre en Ukraine et hausse du prix du blé : Savoir s’adapter

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Quel sera l’impact économique de cette guerre qui s’est déclenchée et qui risque de durer ?
Une nouvelle angoisse qui vient se greffer sur une situation qui n’était pas bien reluisante. Le manque de communication ou le ton peu convaincant des responsables ne font qu’affoler ceux qui se font beaucoup de soucis pour leurs familles.

La Tunisie, comme tous les pays du monde, s’inquiète des conséquences du conflit avec l’Ukraine. Dès les premiers jours, on a commencé à lorgner vers nos réserves de blé et autres matières ou produits que nous importons et qui risquent de manquer.

Les prévisions mises à mal

On a fait parler différents responsables du secteur et… à dire vrai, il a été difficile de comprendre ce qu’ils ont voulu nous expliquer. Nos réserves tiendront-elles jusqu’à la fin de cette guerre ? Et même si elles tenaient, ce n’est pas du jour au lendemain que la reprise économique aura lieu en Ukraine où le conflit bat son plein. Il y aura donc des années de flottement avec des prix qui s’envoleront et qui contribueront à mettre à mal toutes les prévisions.

Pour ce qui nous concerne, espérons que ceux qui ont conseillé de remplacer l’orge et le blé par des primeurs, qui rapportent plus de devises, auront le courage de reconnaître que nous avons commis une double faute : la première, c’est d’avoir délaissé nos grandes cultures de manière systématique, nos graines et semences d’origine sans avoir pensé que nous aurions pu garder nos traditions tout en tirant les meilleurs profits de l’option fruits et légumes de primeur. Les terres appartenant à l’Etat auraient dû être mobilisées. Les centaines de techniciens et ingénieurs agronomes ne demandaient que cela pour contribuer à cette recherche de l’autosuffisance tant convoitée.

Des créneaux porteurs

«Même s’il est difficile d’assurer dans certains secteurs l’autosuffisance, nous sommes en mesure de nous rapprocher de ces seuils, en mettant à contribution nos cadres spécialisés et en choisissant des créneaux porteurs», nous confie un ingénieur agronome en retraite. Des dizaines et des dizaines de nos cadres ont été engagés dans les pays du Golfe. Certains sont en… Australie et en Nouvelle-Zélande ( !?).

Nous avons bien réussi en ce qui concerne le lait, les viandes blanches qui ont permis aux Tunisiens de remplacer avantageusement les viandes rouges. Un créneau qui se cherche et pour lequel les ministres qui se succèdent adoptent des politiques différentes. Nous avons d’immenses terres fertiles en friche, alors qu’elles pourraient occuper un nombre considérable de jeunes. J’ai l’impression que l’on oublie que le chômage chez les jeunes frôle les 40-42 pour cent. Ces jeunes, nous les retrouvons dans tous les troubles qui secouent le pays.

Comment remplacer la farine,  la semoule, et leurs dérivés ?

Il faut oser et mettre en place une véritable politique de mise en valeur où les priorités seront des engagements fermes, des contrats de travail à objectifs motivants et non une « administrite » où on pense en priorité aux bureaux, à la climatisation et à la voiture de service.

Lorsque dans un pays, trois ou quatre ministères se concentrent durant des mois pour que le consommateur tunisien ait son brick à l’œuf, que nous ayons les fruits secs qui reviennent de plus en plus cher pour faire les gâteaux de l’Aïd, nous comprenons notre erreur. Il y a cinquante ans, nos parents prenaient leurs précautions et faisaient leurs provisions. Ils savaient comment les faire durer en y puisant juste ce qu’il faut. Allez voir ce qu’on jette dans les poubelles le dimanche matin et au lendemain des fêtes et vous comprendrez tout.

On a habitué le consommateur à tout trouver à portée de main. Avec les cultures sous serre, on trouve de tout durant toute l’année. Si des tomates, des poivrons ou des concombres arrivent à manquer ou sont chers en plein hiver, c’est le scandale. Dans un pays qui s’est considérablement appauvri et qui a été victime d’une escroquerie qui l’a mis à plat, il faudrait faire la part des choses. Aucun politicien ne semblait prêt à faire des concessions pour aider ceux qui ne peuvent plus s’en sortir.

Toute une éducation à revoir et refaire

Néanmoins, poursuit un nutritionniste bien connu, «il y a des habitudes qui sont en train de changer. Le riz se fait rare dans le commerce, alors que la demande a augmenté. Le riz est économique. En moindre quantité, il rassasie plus et est plus nourrissant. Le Tunisien consomme de plus en plus de riz. Les familles revenues du Golfe sont à la base de cette nouvelle habitude. On consommait certes ce produit, mais pas autant».

On mange moins de pain, mais on continue à acheter les mêmes quantités pour finalement en jeter la moitié. C’est tout bonnement du pur gaspillage. De toutes les façons, nous devons nous adapter, revoir notre ration alimentaire, sa composition… Il y a ceux qui mangent du pain avec les pâtes ou même avec le couscous. Les légumes sont présents sur les étals en abondance. Nous en possédons une large variété. Dans le cas où les prix deviendraient plus accessibles, il serait intéressant d’accommoder des plats à base de légumes. Il y a toute une éducation à mettre en place, surtout que l’on semble oublier que, souvent, les meilleurs plats se font à partir de produits à très bon marché.

Cette guerre, qui se passe à des milliers de kilomètres et qui menace notre pain quotidien, devrait nous faire réfléchir.

Un vrai décalage

Lorsque nous écoutons certaines stations de radio donner des recettes à préparer à base de crevettes royales, langoustes, pistaches et pignons, il y a de quoi rêver. Allez voir à quels prix ces produits sont vendus. Il y a de quoi avoir le vertige. Ces gens-là sont complètement déconnectés de la réalité que vit le pays et alors que les consommateurs ont du mal à acheter ce dont ils ont besoin pour survivre.

«Avec les événements que vit le monde, les troubles sociaux, ces grèves à répétition, cette instabilité chronique qui n’en finit pas, nous allons vivre des jours encore plus difficiles».

Nous lui avons laissé le mot de la fin !

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