Cantines scolaires: Un droit avorté…

Suite au retour des enfants sur les bancs de l’école ce mois-ci, plusieurs interrogations subsistent quant aux conditions de vie au sein du système scolaire public. Le président de l’Association tunisienne pour la défense des droits de l’enfant, Moez Cherif, nous alerte sur cette situation critique.

En août 2021, nous abordions le sujet des retombées post-covid-19, liées au système scolaire public et à son manque de subventions de la part du gouvernement. Un an après, le bilan n’est pas moins lourd de conséquences.

L’insécurité alimentaire, une priorité à gérer

Dans une déclaration accordée à La Presse, M. Cherif a indiqué que son association vient d’ailleurs de publier un communiqué de presse pour essayer d’attirer l’attention des autorités sur le déficit éducatif des enfants à l’école et plus particulièrement du point de vue nutritionnel. En effet, le problème de l’insécurité alimentaire est une priorité absolue chez les enfants. Face à cette crise sans précédent, ils en sont devenus les principales victimes.

« Avec une spéculation sur les matières premières comme le lait, les œufs, le sucre ou encore les céréales, les familles se retrouvent dans la difficulté de fournir les quantités nutritionnelles nécessaires à la croissance des plus jeunes. De même pour les nourrissons, pour lesquels leurs mères, souvent en incapacité d’allaiter naturellement, peinent à trouver du lait infantile dans le commerce… Dans ces conditions, ce sont des milliers de familles précaires qui se retrouvent en situation de vulnérabilité. Parmi elles, on en recense une grande partie issue de la migration subsaharienne, libyenne ainsi que de nouveaux afflux syriens », a-t-il précisé.

1.600 millimes par repas

En ce sens, a-t-il ajouté, l’école devient alors le second acteur dans l’équilibre de l’enfant, où l’urgence est à la garantie d’un apport nutritionnel primordial. S’additionnant au manque de moyens déjà creusé par la pandémie, l’inflation a atteint un tel niveau que l’Etat ne peut répondre décemment à un besoin primaire, celui d’offrir des repas équilibrés à l’école. Déjà, la cantine couvre seulement 120 jours de l’année en termes de déjeuners, ce qui résulte d’une insuffisance flagrante de la part du gouvernement.

«De plus, l’augmentation du budget pour les collations réservées aux écoliers les plus démunis, passant de 800 à 1.600 millimes par repas, semble suffire aux autorités pour s’en être désintéressées depuis. Mais à cause de l’inflation aussi, il n’y a plus assez de marge pour couvrir la carence. De même pour la prime sociale universelle attribuée aux enfants de 1 à 5 ans, qui, malgré un impact positif, reste trop faible face à la crise. En somme, bon nombre de résolutions inexistantes, pour lesquelles nous réclamons une révision dans leurs engagements », a encore précisé M. Cherif.

Rétrograder les préoccupations

Par ailleurs, le gouvernement a récemment annoncé un renforcement dans le programme d’aide financière au profit des enfants de familles à faibles revenus âgés de 6 à 18 ans, en partenariat avec l’Unicef et avec le soutien financier de l’Allemagne. Là encore, on constate bien plus d’initiatives du côté des partenaires plutôt que de celui de l’Etat… « L’urgence n’est donc plus au contenu éducatif, à l’insuffisance des infrastructures, du corps enseignant ou encore du matériel scolaire. Il faut désormais rétrograder les préoccupations pour pouvoir avant tout subvenir aux besoins nutritionnels de la population. L’Etat doit s’engager davantage dans ce combat, pour lequel la santé dépasse totalement les prérogatives du ministère de l’Education. Idem au niveau de l’accès à l’eau potable dont certaines écoles ne disposent toujours pas pleinement. Il s’agit donc d’une double violation du droit constitutionnel des élèves à boire de l’eau propre et salubre, qui se doit d’être régularisée par les autorités locales compétentes, en rapprochant les écoles des municipalités et de leurs citoyens », a affirmé M. Cherif.

On constate aussi plus d’inégalités qui se creusent jour après jour ; un fossé infranchissable entre les institutions publiques et le privé. Plus que jamais, l’Etat dénigre ses fonctions au sein de l’éducation, un risque majeur pour les jeunes Tunisiens de demain qui se retrouvent dépourvus de ce que doit être un droit fondamental et essentiel à l’horizon 2023. L’enfance, cette période éphémère essentielle dans le développement de l’enfant, s’est considérablement altérée, pouvant amener à des troubles rédhibitoires dans la croissance, la psychologie et l’acquisition de connaissances de l’individu. Alors que, selon la Constitution, les Droits de l’enfant appartiennent à la famille et à l’Etat ; mais quand la première n’est pas en mesure de tout gérer, on constatera qu’il n’y a délibérément pas d’alternatives proposées par le second. Et là, il n’est pas inutile de rappeler d’ailleurs que depuis la pandémie, 1 enfant tunisien sur 4 est touché par la précarité, un chiffre à reconsidérer en cette fin d’année, qui doit déjà être bien loin de la réalité…

 Inès Zarrouk

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