Ghazi Boulila, économiste et membre du conseil d’administration de la BCT: «Le nouveau découpage territorial favorisera la convergence entre les régions»

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Selon cet économiste, le voisinage et la compétition entre districts sont les deux principaux mécanismes qui vont permettre d’atteindre l’efficacité économique.

Quel impact aura le nouveau découpage territorial sur le développement économique des régions ? Comment ces districts vont-ils gérer leurs finances ? Vont-ils se doter d’une totale autonomie financière ou seront-ils rattachés financièrement à l’administration centrale ? Pour élucider ces questions, l’Iace vient d’organiser un webinaire sur le thème «La dimension économique du nouveau découpage territorial», auquel ont  pris part  l’économiste et professeur universitaire  Ghazi Boulila et le directeur des opérations centrales à l’Isie, Rafik Bouali.

Soulignant que l’idée  du découpage territorial remonte à 2011, lorsque des chercheurs, universitaires et économistes réfléchissaient à un système de décentralisation visant à stimuler  le développement régional et à réduire les écarts entre les régions, Boulila a expliqué que ce nouveau découpage sera une occasion de fonder un  modèle appuyé  sur une dimension économique. Pour l’économiste, l’ancienne organisation régionale de la Tunisie a engendré  une hétérogénéité et surtout un déséquilibre entre les régions car  le développement économique était l’apanage des régions côtières.

Selon l’intervenant, tout l’enjeu  consiste à  faire des régions les mieux loties une locomotive de développement  qui entraînent avec elles les autres régions. Il est aussi question de tirer profit de la complémentarité qui existe entre l’intérieur et le littoral du pays. Ainsi, pour concrétiser cette nouvelle vision, les élus doivent porter des projets fédérateurs.

Conférer plus de compétences aux élus

L’économiste a indiqué, à cet égard, que la décentralisation a fait ses preuves dans plusieurs pays. Et pour atteindre l’efficacité économique et les objectifs de développement régional, elle doit reposer  sur deux principaux mécanismes : d’un côté, il y a le voisinage selon lequel,  les élus de chaque district, en connaissance de cause, œuvrent à résoudre les problèmes de leurs propres régions  et à concevoir des solutions et des programmes adaptés et de l’autre, il y a la compétition entre districts.

Le deuxième mécanisme doit jouer un rôle de motivation poussant les élus à obtenir de meilleurs résultats. «Je prends l’exemple des services. Si un chef de district parvient à améliorer la prestation de services dans les régions qu’il représente, il va pouvoir drainer plus d’investissements. L’objectif étant d’atteindre l’efficacité économique. L’objectif ultime est donc de réduire  les écarts entre les régions», a-t-il précisé. En d’autres termes, le nouveau découpage favorisera  une «convergence» entre les régions, affirme l’économiste.

Il a ajouté que ce nouveau modèle de décentralisation va permettre aux régions de prendre leur destin en main, et de transférer la prise de décision de l’administration centrale vers les dirigeants élus  qui sont redevables envers les citoyens.

C’est grâce à cette passation de compétences que les élus peuvent répondre aux aspirations et besoins des habitants. «Si on prend l’exemple de la construction d’une école dans un village éloigné. Une telle décision doit être prise au niveau du ministère de l’Education. Imaginez le temps que va prendre l’exécution d’un  tel projet. Alors qu’avec le nouveau modèle des districts, les citoyens peuvent soumettre leurs demandes aux élus qui les prennent en charge et s’engagent à leur réalisation», a-t-il encore expliqué.

Autonomie financière ?

Boulila a ajouté, dans ce même contexte, que si l’exécution des projets de voisinage sera décentralisée, conformément au nouveau découpage territorial, les programmes stratégiques relèvent toujours de la compétence de l’administration centrale. Et c’est là que la question des financements des districts se pose et demeure encore floue. Seront-ils totalement autonomes financièrement ? Leurs besoins en financement seront-ils intégrés dans le budget de l’Etat ?

A ces questions, le professeur répond qu’une certaine adaptation au nouveau modèle doit, donc, avoir lieu. Pour ce faire, il faut, selon ses dires, revoir la loi de Finances et le principe d’universalité budgétaire. Mais selon l’économiste, les districts peuvent, aussi, avoir recours à plusieurs sources de revenus et de financement, telles que les taxes foncières, les recettes fiscales municipales, outre la possibilité de mobilisation directe auprès des bailleurs de fonds.

«Il faut qu’il y ait une complémentarité entre le ministère et les districts. Chaque district doit présenter son programme qui doit être viable et adapté aux spécificités des régions  pour qu’il soit éligible à un financement de la part de l’Etat. Mais le chef de district peut mobiliser des financements auprès des bailleurs de fonds. L’Etat doit disposer d’une stratégie globale et doit orchestrer tous ces programmes et projets», a-t-il indiqué. Il a ajouté qu’avec le système de péréquation, un district disposant de   ressources financières supplémentaires peut  les partager avec  un autre qui est en manque de financement. Par ailleurs, Boulila n’a pas caché son souhait de voir les districts accorder la priorité aux problèmes fonciers qui constituent un obstacle majeur au développement économique du pays.

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