Chroniques de la Byrsa: Circulez (sur le bitume), il n’y a plus rien à voir !

C’est un petit coin tranquille de notre quartier, la Byrsa. Une rue plutôt large, dans un pays où les aménageurs ne concèdent que très peu d’espace à la circulation, celle des véhicules et celles des piétons, réservant le plus gros à la boulimie des promoteurs immobiliers. En retrait des grands flux motorisés et même de la circulation piétonne, elle est dotée de larges trottoirs agrémentés de chaque côté de ficus qui donnent à l’endroit des airs de petite oasis dont, en temps de canicule, les rares usagers recherchent la bienfaisante fraîcheur.

Larges trottoirs, disions-nous. S’ils ne sont pas fréquentés par la grande foule, ils sont tout de même appréciés par des clients des deux cafés animant cette artère et qui, en petits groupes, ramènent, de l’autre côté de la rue, tables et chaises qu’ils installent à l’ombre des puissants rameaux chargés de leur vert feuillage «éternel» pour y siroter leurs boissons et tirer sur leurs ronflants narguilés. Une manière de complice convivialité, loin du chahut traditionnel de nos cafés. C’est dire si ce trottoir est accueillant.

Pour toute réponse, le mépris des contrevenants et l’incurie des élus

Un quartier petit bourgeois, dirions-nous, bordé par des résidences discrètes, certes, mais qui sentent aussi l’aisance et le bon vivre. Oui, mais qu’est cette masse sombre  blottie au pied de l’un de ces ficus ? En approchant, vous aurez la surprise de vous retrouver face à un aménagement bien organisé, une sorte d’entrepôt soigneusement installé comprenant le «magasin» des bouteilles en plastique contenues dans des sacs en jute, à côté d’un «rayon» ferraille, qui voisine avec une «papeterie», etc. jusqu’aux meubles réformés. Vous êtes plutôt impressionnés par tant de méthode dans la gestion de ce stock disparate, et même séduits par la netteté de l’endroit. D’accord mais, comme dirait l’autre, « ouinou et-trottoir ? (où est passé le trottoir ?)»

Où est donc passé ce dernier réduit aujourd’hui concédé dans nos cités à ceux qui se déplacent à pied par choix ou par nécessité ? Et nous voici projetés une douzaine d’années en arrière lorsqu’une ample vague de protestation a été lancée sous le slogan «Ouinous et-trottoir ?» pour protester contre la confiscation de cet accessoire si indispensable à la circulation en milieu urbain et réclamer sa restitution aux usagers. Non seulement cette apostrophe citoyenne n’a reçu pour toute réponse que le mépris des contrevenants à la réglementation et l’incurie des élus, mais on a vu partout des transgresseurs consolider leurs « acquis » en dur, en maçonnerie !

Aujourd’hui, en l’absence des conseils municipaux pour escompter sur le moindre sursaut du bon sens, le phénomène est, en quelque sorte, en voie de « normalisation».

Circulez (sur le bitume), il n’y a plus rien à voir !

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