Mes humeurs: Quand la poésie construit des ponts

Le rideau est tombé sur la 9e session du Festival international de la poésie à Sidi Bou Saïd ; l’événement est d’une importance capitale pour les gens de lettres, les amateurs d’art en général et de poésie en particulier. Il faut dire que les organisateurs ont concocté un programme attirant, copieux et jouissif.

Ce festival, organisé par l’Association de Sidi Bou Saïd pour le malouf et le patrimoine musical, a pris son départ en 2013, il a vite trouvé ses repères ; fondé par des amoureux des lettres, aux premiers desquels Moez Majed, poète, traducteur avide de liberté qui a foi dans la poésie, toujours droit au gouvernail, fortement encouragé par le maire de l’époque Raouf Dakhlaoui et entouré d’une poignée d’amateurs de poésie et d’art. Avec l’arrivée de Emna Louzir, poète, écrivaine et femme de radio, le Festival a pris de la graine et rayonne désormais sur les lettres du côté sud de la Méditerranée. Et s’est imposé comme un important événement poétique grâce à son ouverture sur la création poétique mondiale et à une programmation exigeante. Construire des ponts et abattre les murs pourrait être sa devise.

La session qui s’est déroulée du 25 au 28 avril 2024 a choisi le Québec comme invité d’honneur. Cette province canadienne de près de 9 millions d’habitants compte plusieurs dizaines de poètes dont beaucoup sont ignorés du public en dehors du pays. Il serait instructif de découvrir Gatien Lapointe ou André Brochu ou encore Paul Chamberland, etc. Mais dans les pays francophones, tous les amateurs de musique connaissent bien les chanteurs dont les paroles donnent une idée de la poésie québécoise et son joli accent, les grosses pointures, poètes et chanteurs Félix Leclerc, l’accent à couper au couteau de Gilles Vigneault, la gaieté de Robert Charlebois, Diane Dufresne…

Ennejma Ezzahra a abrité une partie copieuse du festival, parmi les moments émouvants l’hommage consacré au poète Mohamed Ghozzi, disparu récemment ; déclamation de poésie venue de plusieurs territoires (Palestine, Liban, Italie, Inde et Québec… et la Tunisie ; narrations croisées qui illustrent et justifient le slogan qui réunit ces magiciens de la parole et des mots généreux et à propos « Cet autre qui me ressemble.»

Cette année, le Festival a donné au cinéma poétique une bonne part de la programmation et aux liens intimes qui rapprochent la poésie et l’image. « Une Journée Rimbaud » a été organisée à l’IFT et a drainé beaucoup d’amateurs.

Le réalisateur de la mémoire, Richard Dindo, cinéaste documentariste suisse (une bonne pêche de cette session), a fait sensation, lui qui évite le sensationnel, avec ses documentaires sur Rimbaud, « Gauguin à Tahiti et aux Marquises » sur Jean Genêt « Genêt à Chatila ». Ses documentaires (poétiques) ont pour objectif de donner la parole aux autres, dont les absents et particulièrement les morts qu’il sort de l’ombre pour leur rendre grâce et leur donner lumière, affirmant en proustien convaincu que «le passé est fondamental, que l’humanité est en train d’oublier et de perdre son passé», c’est très dangereux, conclut-il.

A la lumière de leurs propos élogieux, les participants poètes, cinéastes ou musiciens ont été comblés par le programme qui les a réunis. En attendant la prochaine session…applaudissons.

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