A en croire les différents rapports et communiqués de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), la récente campagne électorale du premier tour de la présidentielle anticipée était celle de tous les dépassements dans le secteur audiovisuel.
Lors de la campagne électorale, l’instance de régulation du secteur audiovisuel a relevé plusieurs dépassements commis par des chaînes de télévision et des stations de radio au cours de leur couverture des différentes activités des candidats à la présidentielle anticipée. En effet, un rapport préliminaire élaboré par la Haica portant sur cette couverture a fait ressortir d’innombrables dépassements marqués notamment par un déséquilibre considérable au niveau des contenus politiques présentés par certains médias. En effet, les membres de la Haica relevant de l’unité de monitoring ont fait ressortir un grand déséquilibre au niveau du temps consacré à chaque candidat ou à ses sympathisants, pour présenter son programme et défendre ses idées. Dans ce sens, la Haica a épinglé toutes les chaînes de télévision et les stations de radio contrôlées.
Que cache ce déséquilibre qui se transforme dans certains cas en des formes de publicité et propagande politiques ? Pour la Haica, le constat est sans appel, des médias audiovisuels privés se sont impliqués dans les agendas électoraux de certains candidats durant la période de l’élection présidentielle anticipée. Dans un communiqué rendu public récemment, l’instance de régulation a souligné que « de nombreux dépassements ont été commis à ce titre de manière portant préjudice au bon déroulement de la campagne électorale ».
Dans ce sens, la Haica a estimé important «d’éclairer l’opinion publique» quant à la multiplication des indices négatifs sur «l’influence grandissante de l’ingérence des lobbies financiers et partisans dans l’orientation de certaines chaînes de télévision et leur instrumentalisation». L’instance pointe également du doigt certains propriétaires des médias concernés directement par les résultats du scrutin présidentiel, et dont les noms sont liés à des instructions judiciaires en cours. «Cette situation a nui à l’indépendance de la ligne éditoriale de ces médias et a mis les journalistes qui y travaillent à la merci des intérêts étroits de leurs patrons», note l’instance.
Pour la Haica, la situation est si préoccupante qu’elle exige de fédérer les efforts des différentes catégories de la société tunisienne convaincues de l’impératif de consacrer les principes de l’Etat de droit et de lutter contre toutes les tentatives visant les acquis de la révolution.
Les chroniqueurs avertis
Dans ce sens, l’instance de régulation, dont la mission est de veiller sur le bon déroulement de la campagne électorale dans le secteur audiovisuel, a mis en garde contre l’utilisation par certains chroniqueurs des espaces médiatiques pour faire la promotion et la propagande de certains candidats contre leurs concurrents, ce qui constitue un manquement à la déontologie et à l’éthique du métier.
Au vu de l’énormité des dépassements commis par certains médias, qui se sont même alignés aux programmes et agendas de certains candidats, la Haica avait infligé, tout au long de cette campagne électorale, plusieurs amendes variant entre 10 mille et 40 mille dinars à plusieurs chaînes de télévision et des stations de radio dont notamment «El Hiwar Ettounsi», «Nessma TV», «Attassia» et «Telvsa TV» et la radio «Mosaïque», pour avoir fait de la propagande politique en faveur des candidats à l’élection présidentielle anticipée. Ces dépassements qui semblent avoir marqué cette campagne électorale, et même la période préélectorale, nous invitent encore fois à nous interroger sur le rôle que jouent les médias dans la vie politique et notamment l’interférence entre le secteur audiovisuel et les affaires politiques.
D’ailleurs, les tiraillements qu’on observe entre, d’une part, les candidats à la présidentielle et politiciens et, d’autre part, les journalistes et animateurs et les médias cachent certainement une interférence entre les paysages politique et médiatique en cette période électorale. Une lecture du paysage médiatique, notamment audiovisuel et numérique, montre l’émergence d’un espace médiatico-politique, dont les frontières sont assez opaques et floues, et c’est notamment les intérêts économiques, financiers et politiques qui sont au cœur de l’enjeu. Ce constat s’explique également par l’opacité au niveau de la propriété des médias tunisiens, dans la mesure où on ignore qui possède quoi dans le paysage audiovisuel tunisien?
Ces dépassements vont-ils affecter les résultats du premier tour de l’élections présidentielle? Pour l’Instance supérieure indépendante pour les élections, bien que ces infractions soient considérables, elles n’auront pas d’impact sur ces résultats, d’autant plus l’écart entre les voix obtenues par les candidats est important.