L’insuffisance de moyens de transport dans les zones rurales constitue un vrai handicap puisque faire plusieurs kilomètres à pied, en été comme en hiver, expose les enfants à tous les dangers.
4.500 élèves, d’après la Ligue tunisiennes des droits de l’homme (section de Kairouan), font chaque jour 5 km à pied pour aller à l’école. Certains s’y rendent, installés à l’arrière d’une charrette ou d’une camionnette, ce qui augmente le risque d’accidents, causant, par ailleurs, des désagréments aux chérubins qui font parfois leurs besoins en pleine nature.
Notons dans ce contexte que seuls 3.170 élèves ont la chance d’emprunter les moyens de transport rural agréés par le gouvernorat à travers des conventions avec 139 chauffeurs dont les véhicules sont en bon état. Au total, 68 écoles sur 254 situées en milieu rural sont desservies par le transport rural réglementé.
Cela sans oublier les bus de la Soretrak qui effectuent quotidiennement 548 dessertes au profit des élèves. Néanmoins, on assiste souvent à des pannes de ces bus qui se trouvent dans un état vétuste et qui ne sont pas ponctuels. D’autres subissent des dégâts à cause des jets de pierres et des agressions commis par des délinquants qui ne veulent pas payer leur ticket.
Evidemment, cela se répercute négativement sur l’assiduité des élèves contraints très souvent de s’absenter.
Décrochage scolaire et taux d’analphabétisme de plus en plus élevé
Les troubles de l’apprentissage, l’état délabré des établissements éducatifs, les rapports conflictuels avec les enseignants, les grèves, l’absence d’eau potable, de cantines et de blocs sanitaires sont les principales causes du décrochage scolaire qui enregistre une moyenne de 1.790 élèves par an dans les écoles primaires et les collèges et 1.290 élèves dans les lycées. D’ailleurs, le taux général d’analphabétisme dans le gouvernorat de Kairouan est très élevé (33,89%), surtout dans les délégations de Bouhajla où il est au-dessus de la moyenne régionale (46,3%) et dans la délégation d’El Ala (43,3%).
Salma Jaballah, 19 ans, originaire de Dhibet (délégation d’El Ala), nous parle de son amertume de n’avoir pu poursuivre ses études. «Je n’ai pas eu la chance de terminer mes études à cause des conditions dangereuses de déplacement. Outre le risque des mauvaises rencontres auquel nous sommes quotidiennement confrontés, il y a le problème des pistes qui deviennent impraticables à la moindre pluie. En outre, mes parents étaient pauvres et ne pouvaient, en aucun cas, assurer les frais de la rentrée scolaire».
Et de poursuivre : «Beaucoup de mes jeunes voisins ont abandonné leurs études à cause, d’une part, de l’absence répétée des enseignants qui ne trouvent pas de moyens de transport et en raison, d’autre part, de l’état délabré de l’établissement scolaire dans lequel nous étudions et qui est dépourvu d’eau potable, de cantine et de clôtures. Comment un écolier ou un élève peut-il passer la journée sans eau ni nourriture?».
Tentatives de kidnapping
Le 27 janvier 2020, au village de Bir El Wassfen (délégation de Bouhajla), deux jeunes écoliers âgés de 9 et de 10 ans (une fille et un garçon) ont failli être kidnappés alors qu’ils se rendaient à leur école située à 4 km de chez eux.
En effet, une Toyota noire, série 150 (c’est le seul chiffre retenu par les deux enfants), s’est arrêté à leur niveau et les deux occupants leur ont demandé de monter rapidement à bord. Face à leur refus, l’un d’eux est descendu du véhicule pour les obliger à monter de force dans la voiture. Pris de peur et de panique, les deux élèves ont pris la poudre d’escampette et se sont enfuis à travers les champs agricoles où il y avait des ouvriers qui cueillaient des olives.
Deux jours plus tard, le même véhicule est apparu dans un autre village de Bouhajla et les deux occupants ont essayé de kidnapper deux autres élèves. Une psychose s’est installée dans la région et des consignes ont été données afin que les élèves d’une même école rentrent ensemble par groupe afin de se protéger mutuellement en cas d’attaque.
Toujours à Bouhajla, le 30 janvier dernier, une lycéenne âgée de 16 ans a été percutée par une camionnette sur la route nationale 2 au niveau de la localité de Rayess. Souffrant de multiples contusions, la jeune fille a été transportée à l’hôpital.
Sit-in à répétition
En signe de protestation, les villageois ont organisé des sit-in, bloquant la route nationale 2 pour exiger la construction d’un ralentisseur afin de réduire le risque d’accidents de la route à ce niveau-là.
Du côté de Sayada-Nord (délégation d’El Ala), tous les villageois sont privés d’eau potable, ce qui les a contraints de boire l’eau d’un puits non contrôlé où a été repêché le cadavre d’un homme qui s’est suicidé. Face à cette situation catastrophique et l’indifférence des responsables, les habitants ont décidé, la semaine dernière, de bloquer la route reliant El Ala à Makthar, en empêchant le passage d’un bus scolaire.
Somme toute, pour réduire le taux de décrochage scolaire, il faudrait aménager les pistes de façon à les rendre praticables, été comme hiver, changer l’horaire scolaire de façon à ce qu’il y ait une séance unique qui se termine à 15h00 et augmenter le nombre d’internats et de cantines.