ARP | Élévation du seuil électoral à 5% : Et si Ennahdha était désavoué par ses alliés ?

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Quand Ennahdha a proposé que le seuil électoral soit porté à 5%, tout le monde ou presque était consentant.
Demain, l’initiative nahdhaouie sera examinée par les députés dans un contexte différent risquant de faire subir au parti de Rached Ghannouchi un nouveau revers semblable à celui du fonds de la zakat.
Mais, cette fois, le désaveu pourrait provenir de la ceinture parlementaire avec laquelle Ennahdha s’est allié pour soutenir le gouvernement Fakhfakh, qui pourrait lui aussi vivre des moments durs à la faveur des dossiers que s’apprête à ouvrir, à l’encontre de Youssef Chahed, le collectif des 50 avocats, poursuivant, en vain, jusqu’ici, l’ancien locataire de La Kasbah

Demain, mardi 3 mars, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) statuera, dans le sens de l’adoption ou du rejet, sur l’initiative législative soumise par le groupe parlementaire d’Ennahdha appelant à l’instauration d’un seuil électoral égal au moins à 5% des voix recueillies lors des prochaines élections législatives, ce qui revient à dire que les partis ou coalitions électorales ou listes indépendantes qui obtiendront moins de 5% des voix dans leurs circonscriptions ne seront pas représentés au sein  du prochain Parlement 2024-2029, contrairement à la  situation actuelle où le seuil est fixé à 3%, ce qui permet à des partis ou à des coalitions d’obtenir un petit nombre de voix (quelques milliers, voire quelques centaines) et à se faire représenter par quatre, trois ou même deux députés. Et partant, prétendre ou exiger de participer aux négociations de formation du gouvernement et y figurer, comme ce fut le cas pour le processus de concertations ayant conduit à la constitution de l’équipe ministérielle d’Elyes Fakhfakh où l’on trouve des ministres y siégeant au nom de partis disposant de trois, voire deux députés, à l’instar de Nida Tounès ou de Machrou Tounès dont  le secrétaire général Hassouna Nasfi s’est imposé comme l’un des principaux partenaires du gouvernement Fakhfakh en créant un groupe parlementaire composé de quatre partis dont le sien  qui a réussi à remporter quatre sièges et en présidant ce même bloc parlementaire dont les voix ont grandement contribué à ce que l’équipe ministérielle parvienne à obtenir la confiance, mercredi dernier, du Parlement.

Demain, les députés auront la responsabilité historique de mettre un terme à l’éparpillement  ou à l’atomisation qui règne actuellement au palais du Bardo, et ce, au cas où l’initiative législative nahdhaouie parviendrait à recueillir les voix nécessaires pour son adoption, c’est-à-dire la majorité absolue des votants.

Les initiateurs nahdhaouis du projet de loi considèrent que c’est le bureau de l’ARP qui a demandé à la commission du règlement intérieur l’accélération de l’examen de l’initiative en question pour la soumettre à la séance plénière de demain et que le dernier mot quant à son adoption, son rejet ou son report revient, aux députés qui décideront du sort à lui réserver.

Sauf qu’entre le moment où Ennahdha a soumis son initiative au bureau du Parlement marqué par le blocage qu’a connu le processus de formation du gouvernement où planaient sur tout le monde la crainte ou le spectre des législatives anticipées, beaucoup de choses ont changé et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts dans la mesure où certains groupes parlementaires qui étaient acquis au départ à l’initiative comme le Bloc démocratique et celui de la Réforme nationale ont, paraît-il, changé d’opinion et demandent à ce que la séance plénière de demain ne se limite plus à l’examen de l’initiative en question, mais touche la loi électorale dans son ensemble et concerne également la loi sur les sondages d’opinion, loi que les bureaux successifs du Parlement ont classée dans les tiroirs depuis des années sans justification convaincante.

D’autres blocs parlementaires composant la ceinture partisane entourant le gouvernement Elyes Fakhfakh, comme  Tahya Tounès, ont pris une nouvelle orientation. Et le parti de Yousssef Chahed d’annoncer que ses députés ne voteront pas pour l’initiative nahdhaouie et qu’il dispose (le parti) d’une vision d’un projet total pour la révision, de fond en comble, de la loi électorale, une révision qui va au-delà de l’élévation du seuil électoral à 5%, comme le demande Ennahdha.

Le résultat des données introduites sur la scène politique et parlementaire à la suite de l’obtention par le gouvernement Fakhfakh de la confiance des députés montre que désormais, les choses ont changé au sein du Parlement et les partis constituant l’assise parlementaire du gouvernement Fakhfakh s’apprêtent à vivre, demain, leur première confrontation directe qui pourrait faire tomber à l’eau l’initiative législative nahdhaouie ou la reléguer aux calendes grecques, dans la mesure où prévaut, ces derniers jours au sein du paysage parlementaire actuel, une nouvelle idée répandant qu’il n’y a plus «le feu dans la maison» puisqu’il n’y a plus d’élections législatives anticipées qui pointent à l’horizon, mettant la pression sur tout le monde.

Et la résultante que les observateurs soulignent déjà montre que les partis-partenaires du gouvernement Fakhfakh vivent déjà leurs premières dissensions au niveau du Parlement en attendant de s’étendre au gouvernement quand son chef ou l’un de ses ministres sera appelé à réactiver une affaire ou plusieurs soumises déjà à la justice et attendant d’être examinées ou au moins rappelées à la mémoire de l’opinion publique.

Et déjà, Thouraya Jeribi, la nouvelle ministre de la Justice qui a promis que la loi sera placée au-dessus de toutes les considérations et que l’ère de l’impunité et des protections d’en haut a vécu, est interpellée pour s’exprimer clairement sur les affaires d’abus de pouvoir intentées contre Youssef Chahed, le chef du gouvernement sortant, requêtes qui dorment dans les tiroirs du parquet.

Me Nizar Boujlel, l’un des membres du collectif des 50 avocats, poursuivent Youssef Chahed (le parrain, faut-il le rappeler, d’Elyes Fakhfakh auprès de Kaïs Saïed, président de la République) annonce dans une déclaration au quotidien «Al Maghreb» du dimanche 1er  mars que son collectif soumettra de nouveau au procureur de la République les deux requêtes introduites contre Youssef Chahed et donnera, dans les jours à venir, une conférence de presse pour dévoiler les procès qui seront intentés à l’encontre de certains membres du gouvernement actuel pour soupçons de corruption.

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