Safa Attyaoui à la Chapelle de l’IHEC : Lignes révélatrices : le fil de la passion

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Safa Attyaoui aurait dû naître il y a un siècle, dans les années 20, ces années folles dont l’esthétique et la nostalgie la poursuivent. Car Safa ne fait rien comme personne : obsédée par le trait, la ligne révélatrice, elle la suit jusqu’à lui donner une troisième dimension et en faire le fil conducteur de son travail.


C’est dans la chapelle Sainte Monique de l’IHEC que cette curieuse jeune fille expose son travail. Un travail insolite, pour lequel le support a autant d’importance que le sujet. Un travail de brodeuse qui s’attache à relier par le trait, puis par le fil, les morceaux épars d’un passé qu’elle n’a pas toujours connu, d’une enfance quelquefois rêvée qu’elle réinvente ou dont elle recolle les morceaux. Une nostalgie étonnante pour cette jeune femme qui achète chez les bouquinistes de vieux cahiers jaunis dont le papier raconte sa propre histoire qu’elle intègre à la sienne.

«Je retourne dans le passé et je puise dans mon présent pour ficeler la ligne du temps à ma ligne de cœur. Et d’un geste de la main, j’invite la ligne du dessin à ranimer les divers supports en y incrustant mes joies, en y apaisant mes peines».
Sur des ardoises enfantines, sur des plaques de PDF, toutes de petits formats car Safa travaille n’importe où. Dans un train, derrière un bureau, ou même sur un coin de table. Elle décline ses personnages, familiers et imaginaires, déguisés en Charlie Chaplin ou en Pinocchio, mais installés sur un banc de gare, derrière un arbre, ou sous un nuage, le cou exagérément allongé, les jambes curieusement étirées. Au- dessus, récurrent, porteur de menaces ou de promesses, un nuage s’étire. Et partout, tout aussi récurrent, un sceau, une marque rouge passion, car chez Safa rien ne se fait sans passion.

Va-t-elle expliquer ce jeu subtil auquel elle nous convie, et auquel le cadre solennel de la chapelle offre un insolite réceptacle ?
«Dessiner, découper, coller, broder, il s’agit de procédés qui me permettent de récupérer des morceaux de ma mémoire-ces images brouillées, glissantes et impénétrables- et de les recomposer peu à peu jusqu’à ce qu’il me semble attraper une sensation, saisir l’impression d’une idée ou reconstruire un évènement vécu».
Comment le croire ? La nostalgie redeviendrait-elle ce qu’elle était ?

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