Accueil Magazine La Presse M. Zied Zaoui, chargé de mission et directeur du développement des compétences à l’ONA : «Pour que Le Kef devienne le pôle du klim artistique,  reconnu à l’échelle  nationale et internationale»

M. Zied Zaoui, chargé de mission et directeur du développement des compétences à l’ONA : «Pour que Le Kef devienne le pôle du klim artistique,  reconnu à l’échelle  nationale et internationale»


«L’olympiade du klim keffois artistique» est une compétition dont les prix ont été remis, lundi dernier, au Kef. Il s’agit d’une première à l’échelle régionale mais aussi d’une première phase d’un concept nouveau et novateur, visant à doter Le Kef d’un produit artisanal à la fois typique et modernisé, à même de conquérir le marché mondial et de contribuer au développement socio-économique durable dans la région. « Le klim artistique keffois : levier du développement durable et du tourisme alternatif » est loin d’être un simple slogan mais plutôt une vision ambitieuse et futuriste pour un métier qui promet.

M. Zied Zaoui, chargé de mission et directeur du développement des compétences à l’ONA, nous éclaire sur ce projet.

1/ Quelles sont les ébauches de l’Olympiade du Klim keffois ?

«Les ébauches remontent à 2010, date qui marque l’instauration, par l’ONA, d’un nouveau concept ayant pour finalité de valoriser les produits artisanaux, typiques à chaque région. Depuis 1982, l’Office avait établi le Concours de la création artisanale. Il s’agissait d’un évènement annuel, ouvert à toutes les forces créatrices et donc non restreint aux seuls artisans et aux seules artisanes. Ces derniers se trouvaient souvent en rude concurrence avec des artistes-nés ainsi que des diplômés de l’enseignement supérieur, ce qui minimisait fortement leurs chances de gagner. Conscient du sentiment de frustration qui malmenait les artisans, l’Office a décidé, par conséquent, de créer un concours axé, cette fois-ci, sur l’authenticité, la qualité du produit artisanal et sur la créativité des artisans. Aussi, l’Olympiade du klim keffois s’inscrit-elle dans le cadre de ce concept, voire de cette démarche. Cette compétition acquiert ainsi un aspect purement professionnel. Nous avons entamé plusieurs actions dans ce sens en faveur de plusieurs régions et, donc, de plusieurs spécificités régionales artisanales. Mais l’Olympiade du klim keffois que l’on veut, désormais, un véritable levier de développement durable et de tourisme alternatif, représente une première compétition à vocation régionale par excellence. Ce travail avait démarré, réellement, en 2012. Il a pour finalité de lancer une nouvelle gamme du klim keffois : le klim artistique. Des designers relevant aussi bien de l’ONA que du Centre technique pour l’innovation et l’encadrement dans le métier du tissage se sont penchés ardument sur la conception d’un catalogue, lequel sera la référence pour les artisanes keffoises en matière de design du klim ».

2/ En quoi consiste la spécificité du klim keffois ?

« Il faut dire que les artisanes keffoises tissent des klims appelés «  Klim el gmara », un klim ordinaire, sans grande valeur ni spécificité aucune. D’ailleurs, elles ont tendance à vendre leurs tissages à des prix dérisoires. Nous avons eu l’idée de faire sortir le « klim el gamra » de son aspect quasi primitif pour le convertir en un klim artistique, à même de répondre par la favorable aux exigences du consommateur national et de s’imposer à l’échelle internationale avec plus de notoriété. Le klim artistique doit sa spécificité aussi bien à son authenticité, à sa modernité mais aussi à sa qualité que l’on veut irréprochable. D’ailleurs, l’ONA a décidé de garantir la traçabilité du klim artistique conformément aux normes et de fixer le prix du mètre carré à 150d. Ce projet concerne pas moins de 7 000 artisanes keffoises ; des artisanes dotées d’un esprit artistique indéniable, qui se sont montrées prêtes à relever le défi et à se lancer dans une nouvelle expérience à même de valoriser leur savoir-faire ancestral, améliorer leurs revenus et contribuer ainsi à la création d’un nouveau créneau de développement local ».

3/ En quoi consiste l’encadrement des artisanes ? Et quel est le nombre des bénéficiaires de cette action ?

«L’encadrement a été assuré à 90% par trois techniciens et experts relevant de l’ONA. Le Centre technique pour l’innovation et l’encadrement dans le métier du tissage y a participé via l’apport de deux techniciens-experts. Cette équipe s’est déplacée à maintes reprises au Kef pour orienter les artisanes vers les nouvelles normes du klim. Certes, le nombre des bénéficiaires de l’encadrement se limite à 70 artisanes. Néanmoins, chacune d’entre elles a pris soin de transmettre les principes-clefs du concept à d’autres artisanes. Le nombre total des artisanes encadrées, directement et indirectement, s’élève à 200. Encore faut-il souligner qu’il ne s’agit que d’une phase d’expérimentation d’un projet dont les répercussions positives seraient palpables à moyen et à long terme».

4/ Quelles sont les premières impressions ressenties via cette première expérience ?

« Cette première expérience nous a permis de détecter les points de faiblesse à combler. Nous avons lancé l’appel à candidature depuis des mois pour recevoir, finalement, 22 candidates. Ces dernières ont participé à la compétition à travers 54 klim artistiques. Après avoir examiné ces produits, les experts ont constaté que le seul bémol qui pourrait jouer au détriment des klims keffois n’est autre que la qualité, voire la finition. Du reste, la beauté et l’équation authenticité-tendance y sont garanties. Il est bon de savoir que l’évaluation des 54 klims en question avait eu lieu depuis six mois. Nous comptions, d’ailleurs, organiser la cérémonie de la remise des prix — laquelle a eu lieu le 26 octobre 2020 — bien avant. Sauf que la pandémie du Covid-19 a été un obstacle inattendu. Ce décalage ne nous a pas empêchés d’avancer et d’organiser des sessions de formation axées sur l’optimisation du design, de la qualité et de la finition du klim artistique ».

5/ Quelles sont les perspectives du klim artistique keffois ? Envisagez-vous de mettre en place une pépinière de PME ou un groupement professionnel, spécialisés dans la conception de ce produit ?

«En fait, l’organisation de la compétition Olympiade du klim keffois artistique ne représente que la première phase de tout un projet. Nous allons œuvrer pour  impliquer un plus grand nombre d’artisanes keffoises dans ce projet. Le Commissariat général au développement régional se chargera d’élargir l’expérience pour couvrir la majorité des délégations du Kef.  Par ailleurs, et grâce à la coopération entre l’ONA et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel ( Onudi) — et plus exactement le Projet Tunisie Créative —, lequel est financé par l’UE, un closter sera conçu pour promouvoir, valoriser, améliorer la visibilité du Klim keffois artistique et booster sa commercialisation à l’échelle internationale. Nous ambitionnons que le Kef devienne un véritable pôle en matière de conception du klim artistique, reconnu aussi bien à l’échelle nationale que celle, internationale, et ce, à l’horizon 2022. L’Onudi s’engage, de son côté, à octroyer la somme de cinq mille euros au profit de cinq artisanes, dans l’optique de les aider à monter des entreprises exportatrices.  Je tiens également à rappeler que la cérémonie de la remise des prix, tenue lundi dernier au Kef, a été l’occasion pour le public de découvrir, pour la première fois, les 54 premiers klims keffois artistiques ; une date qui marquera à jamais la naissance d’un nouveau produit artisanal à la mode, car conforme aux exigences de la nouvelle tendance en matière de tissage. Les 54 chefs-d’œuvre ont été mis en lumière dans le cadre d’un catalogue référentiel,  financé par l’UE ».

6/ Les chances d’exportation du klim keffois

artistique sont-elles importantes ?

« En Tunisie, et plus précisément en ce qui concerne les tissages traditionnels, le klim s’avère être le plus vendu à l’échelle internationale. Son succès revient à plusieurs vertus dont un poids qui est assez léger en comparaison avec les tapis traditionnels ainsi que la simplicité de son design. Le klim keffois artistique aura, sans doute, plus de chance d’être apprécié et prisé par les clients étrangers. L’ONA soutient les artisans et les artisanes en leur accordant une triple chance de participer à des salons et des expositions-ventes en Europe. Cela dit, il demeure difficile pour des artisans et des artisanes non instruits de mettre le pied à l’étrier du marché mondial. D’où le rôle quasi indispensable des commerçants-intermédiaires dans l’exportation des produits artisanaux d’une manière générale. Mais une chose est sûre : le klim keffois artistique ne laissera aucunement les jeunes diplômés des beaux-arts indifférents. Nous nous attendons à voir monter des entreprises nouvelles et innovantes, à même de garantir l’avenir de ce produit. Pour les artisanes, et grâce à la valorisation de leur savoir-faire, elles verront nettement leurs revenus augmenter et n’opteront désormais plus pour la solution de facilité, celle de vendre un produit artisanal de qualité à un prix dérisoire ». 

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