Ce que nous avons adoré hier est de plus en plus compromis aujourd’hui. Voire gâché en l’absence de comportements exemplaires, tant au plan individuel que collectif, chez les sportifs, les responsables, les entraîneurs et même le public. A la vision humaniste, s’oppose une doctrine qui voit le sport comme un miroir de la société et, par conséquent, des valeurs dominantes de l’époque. La compétition, la recherche de la performance, l’individualisme, les objectifs économiques, et certainement aussi politiques, caractériseraient mieux le sport d’aujourd’hui. On ne le voit plus comme cet exutoire de passions collectives, de divertissement. Encore moins un moyen pour la procuration d’émotions collectives.
Le sport s’est transformé en une obsession incontournable qui occulte tout le reste et à travers laquelle le dérapage est considéré comme un fait ordinaire, tandis que le caractère prétendument exemplaire est ouvertement contredit.
Les sportifs d’aujourd’hui évoluent dans un univers déconnecté. Dans un milieu d’argent facile et abondant, où il faut bien se singulariser pour gagner à tout prix. Du fait de leur parcours personnel et de leur environnement social, rien ne les prédispose à être l’archétype de vertu que l’on souhaiterait qu’ils soient, du moins durant le temps de leur présence sur les terrains, sur les pistes, sur les parquets, sur les cours.
Imaginer désormais le sport sans argent est devenu une utopie. Il est bel et bien définitivement intégré dans la sphère économique. Il est soumis à tous les aléas et les contraintes. Les sportifs ont pris une place considérable, bien supérieure à ce qu’ils peuvent assumer. Aussi génial que soit un sportif sur un terrain, il n’en est pas moins homme avec ses qualités et ses défauts, ses élans de surpassement et ses manques. D’ailleurs, l’on ne peut reprocher aux sportifs d’adopter un comportement d’intérêt personnel, puisque c’est tout le système du sport qui repose sur l’utilité, le gain, la rémunération, le produit, le résultat. En un mot, la surenchère commerciale et financière sous-jacente.
Les enjeux sociaux, économiques et même politiques autour du sport sont devenus considérables, ce qui constitue la principale menace qui pèse sur l’intégrité des compétitions sportives à partir du moment où les intérêts justifient tous les moyens à employer pour y parvenir, et où les différents événements ont pris une place inégalée dans la société à tel point que le calendrier sportif rythme la vie quotidienne des Tunisiens.
Dans une société en perte de repères et qui s’interroge sur les valeurs qu’elle souhaite voir prévaloir, il est impossible de faire revivre l’aspect amateur : l’effort collectif ou individuel désintéressé, le respect de la règle et de l’adversaire, la convivialité. Tout cela est pratiquement révolu. Le contexte dans lequel se revendiquent aujourd’hui les sportifs ne véhicule plus les valeurs éducatives auxquelles nous restons, malgré tout, particulièrement attachés.
Le sport a lâché ses fondamentaux, et ses premiers responsables ont commis l’énorme erreur de penser que l’impératif du résultat entraîne des considérations et des obligations, bien différentes. Si on concède que l’avenir devrait être mieux pris en compte, on regrette que ce qui est entrepris et envisagé ne favorise plus la plénitude et l’éclosion souhaitées…