L’initiative d’organiser un dialogue national a subi un échec cuisant, le Chef de l’Etat campe toujours sur sa position, s’opposant à la participation de certaines parties qu’il accuse de corruption.
Avec l’accentuation de la crise sanitaire en Tunisie, le blocage politique opposant les trois présidences a jeté l’initiative de dialogue national aux oubliettes. Sauf que cette crise politique serait l’une des principales causes de la détérioration de la situation épidémiologique en Tunisie, d’autant plus que le leadership politique a fait défaut au cœur de cette lutte contre la pandémie.
Si cette crise pandémique a éclipsé la donne politique, il ne faut pas oublier qu’un blocage oppose depuis plusieurs mois les trois présidences. A l’origine, un bras de fer est engagé entre le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et le Président de la République, Kaïs Saïed, sur fond d’un remaniement ministériel jugé anticonstitutionnel par ce dernier. Résultat : le gouvernement piétine, le Parlement devient le théâtre de violence et de chaos et aucune coordination entre les trois présidences.
Dans la foulée, l’initiative d’organiser un dialogue national a marqué un échec cuisant, le Chef de l’Etat campe toujours sur sa position s’opposant à la participation de certaines parties qu’il accuse de corruption. En effet, si la Centrale syndicale a multiplié tous les efforts, les pourparlers, les rencontres et les manœuvres pour sauver son initiative, il est temps de reconnaître que ce processus est mort-né.
Le député et secrétaire général du mouvement Echaâb, Zouheir Maghzaoui, s’est interrogé hier, jeudi 15 juillet, sur l’utilité de ce dialogue dans un paysage politique effrité et conflictuel. Il pense que le dialogue national n’aura pas d’impact sur la crise actuelle. Pour lui, ce processus ne portera pas ses fruits, d’autant plus que la «ceinture soutenant le gouvernement doit assumer ses responsabilités». Pour le député, la Tunisie est devant deux scénarios. Continuer avec ce gouvernement jusqu’au bout à condition qu’il assume ses responsabilités devant le peuple, ou penser à des élections anticipées.
Ennahdha veut un nouveau gouvernement
Face à cette situation de blocage, le mouvement Ennahdha veut changer de gouvernement. En effet, après avoir défendu avec toutes ses forces le gouvernement Mechichi, Ennahdha, dans une dernière manœuvre politique, appelle à la formation d’un gouvernement aux couleurs politiques annoncées. Effectivement, le conseil de la Choura avait appelé à former un gouvernement politique capable de faire face aux problèmes actuels du pays. La déclaration a appelé à «la formation d’un gouvernement politique fort pour la prochaine étape, capable de faire face aux problèmes actuels et d’assumer sa responsabilité devant le peuple».
Ennahdha a insisté sur la nécessité de «discuter des questions controversées loin de toute animosité et tension, et dans le cadre du respect des symboles nationaux, des institutions de l’État et des impératifs liés à la coexistence». Le parti islamiste a-t-il décidé de sacrifier Hichem Mechichi ? Pas forcément, puisque Ennahdha veut un nouveau gouvernement mais toujours présidé par Hichem Mechichi.
En tout cas, au vu des derniers rebondissements, la crise politique est bien partie pour s’installer en Tunisie. Pourtant, récemment, avec le tête-à-tête entre le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, et le président de la République, Kais Saied, nous avons tous pensé au dénouement de la crise. Mais depuis, les choses n’ont pas avancé et le Président de la République s’oppose toujours à l’implication dans ce qu’il appelle les jeux et calculs politiques, préférant se concentrer sur la crise sanitaire.
En résumé, la situation politique marque toujours un blocage alors que les différentes parties impliquées se penchent sur la lutte contre la pandémie. Mais une chose est sûre, l’initiative de l’Ugtt dans sa version initiale n’est plus à l’ordre du jour des différents protagonistes politiques. Même la lune de miel entre le Président de la République et la Centrale syndicale semble toucher à sa fin.
En février dernier, l’Ugtt avait, rappelons-le, présenté au président de la République une initiative portant sur l’organisation d’un dialogue national censé sortir le pays du blocage politique. En effet, cela fait plusieurs mois qu’on évoque la tenue d’un tel dialogue national, sauf que cette alternative est devenue elle-même une source de tension dans un paysage politique hautement tendu.
Après avoir su que le Président de la République, Kaïs Saïed, n’était pas chaud pour son initiative, l’Ugtt a affirmé être en possession d’un plan B, mais, depuis, les choses sont au point mort, alors que le pays s’enfonce davantage dans une crise multidimensionnelle.