Accueil A la une Mohamed Boussaid, ministre du Commerce et de la promotion des exportations, à La Presse : «Notre combat, renforcer le pouvoir d’achat»

Mohamed Boussaid, ministre du Commerce et de la promotion des exportations, à La Presse : «Notre combat, renforcer le pouvoir d’achat»

En prenant les pleins pouvoirs le 25 juillet dernier, le Président de la République a déclaré la guerre contre la cherté de la vie, la hausse des prix et contre la dégradation du pouvoir d’achat. Une guerre qui s’annonce complexe et difficile. Il faudra à la fois faire face à la défaillance structurelle des circuits de distribution, à ce bataillon d’intervenants qui en tirent d’énormes profits et aux pratiques déloyales adoptées par certains entrepôts de stockage, affectant l’approvisionnement du marché et donnant lieu à des phénomènes néfastes et répandus de la spéculation et du monopole


L’une des premières visites du Président de la République après le 25 juillet était au ministère du Commerce, ensuite aux entrepôts de stockage. Le message envoyé est clair et la couleur de la prochaine phase annoncée. Les autorités concernées doivent procéder à une profonde réorganisation qui devra générer une baisse de prix conséquente, notamment sur les produits alimentaires de base. Dans ces réformes nécessaires, quelle serait la contribution du ministère du Commerce ? Que compte faire le département pour faire face à la spéculation et au monopole ? Comment concrétiser les appels incessants du Président de la République à faire baisser les prix ? Sommes-nous capables de protéger les produits nationaux face à la concurrence de l’importation ? Toutes ces questions ont été posées au ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Mohamed Boussaïd, qui a pris soin d’y répondre en faisant l’état des lieux et en révélant les perspectives d’avenir.
Selon le ministre, la dernière visite du Président de la République au ministère du Commerce et de la Promotion des exportations a, visiblement, fait l’effet d’un électrochoc. C’est ce que nous explique d’emblée M. Boussaïd, affirmant qu’il s’agit d’un message rassurant à l’adresse des contrôleurs, en vue de les inciter à lutter activement contre toutes les formes de pratiques illicites.
D’ailleurs, le ministre révèle le lancement d’un programme national pour contrôler les entrepôts et notamment les entrepôts frigorifiques. « Il ne s’agit pas d’une campagne ponctuelle, mais d’un programme national pour lutter durablement contre ces fléaux », explique-t-il, ajoutant que son département a entrepris, depuis plusieurs mois, l’élaboration d’un inventaire de tous les entrepôts frigorifiques, moyennant une application digitale dédiée à cet effet. En effet, une application de recensement des personnes physiques et morales exploitant les grandes installations de stockage est opérationnelle à partir d’aujourd’hui. L’objectif étant d’assurer le suivi des déclarations faites sur les activités de ces entrepôts et des mouvements de transactions quotidiennes des produits stockés et distribués. Selon le ministre, c’est une sorte de procédure de traçabilité pour suivre les produits frais, notamment légumes et fruits. «Si nous disposons des données sur les quantités produites, celles consommées et exportées, nous aurons une idée sur les produits faisant l’objet de spéculation», détaille-t-il.

Kaïs Saïed, un effet électrochoc ?

Ces mesures interviennent donc dans l’unique but de préserver le pouvoir d’achat des citoyens. «Notre combat, c’est le pouvoir d’achat des citoyens. Et il est nécessaire de déployer tous les efforts nécessaires pour lutter contre ces phénomènes qui nuisent considérablement au pouvoir d’achat des foyers», a-t-il martelé.
Dans ce cadre, le ministre a rappelé que son département a mis en place une stratégie articulée autour de quatre priorités pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens. «Au niveau du ministère, nous avons mis en place une feuille de route portant sur la protection du consommateur, la Caisse de compensation, la défense commerciale et le développement des exportations», a-t-il encore souligné.
Ces mesures interviennent-elles dans une phase conjoncturelle suite aux décisions et appels du Président de la République ? Pour le ministre, l’impact des récentes décisions du Chef de l’Etat et sa visite au ministère est avéré. C’est un appui au département, et surtout aux contrôleurs qui travaillent sur ces circuits et luttent contre de véritables réseaux sans foi ni loi. « Un soutien inestimable apporté par le Président de la République. Même les équipes de contrôle seront plus confiantes sur le terrain », s’est-il félicité.
Les bonnes intentions ne suffisant pas, de quelle manière le ministère compte concrètement préserver le pouvoir d’achat du citoyen ? Selon le ministre, l’approche du département vise à contrôler les entrepôts frigorifiques. Objectif, constituer une base de données qui cible ces lieux de stockage, car «il faut mettre le doigt sur la plaie». Le tout dans une approche de numérisation des circuits de distribution et surtout des entrepôts de stockage des produits de base. Le ministre appelle également à développer l’appareil de contrôle du ministère. Seulement 300 contrôleurs de terrain sont actuellement opérationnels. Il est également question de diversifier et promouvoir les outils de travail de ces équipes, impliquant une nouvelle logistique et un renforcement des capacités humaines.

Le dilemme de l’huile végétale

Quid de l’huile subventionnée ? Pourquoi le citoyen est-il condamné à subir les pénuries de ce produit de base ? Pour le ministre du Commerce, il s’agit d’une crise qui ne va pas durer dans le temps. Etant donné que la source du problème d’approvisionnement réside dans le manque de liquidités dont souffre l’Office national de l’huile. «Nous savons tous que des fonds sont destinés à la subvention de ce produit. Notre département intervient uniquement au niveau de la gestion de la Caisse de compensation et au niveau du contrôle. La crise est conjoncturelle. Celle-ci est due à l’insuffisance de fonds, car une partie de cette huile est importée». Ajoutant que le problème réside également dans la mauvaise exploitation de ce mécanisme de subvention. «Nous avons découvert des usines de peinture utilisant cette huile pour la fabrication de leurs produits», a-t-il regretté. M. Bousaid ajoute que les intervenants ont été réunis autour d’une même table, «pour revoir les mécanismes d’approvisionnement en huile subventionnée, dans le but d’en intensifier le contrôle. Il est hors de question de lever la subvention, rassure-t-il, mais nous voulons que ce produit soit disponible», a-t-il encore expliqué.

Défense commerciale

Le déficit de la balance commerciale de la Tunisie qui correspond à la différence entre la valeur des exportations et des importations a augmenté de 14,1%, soit 933,7 millions de dinars (333,4 millions de dollars) au cours du premier semestre 2021. Les produits nationaux de différentes natures font face à une «concurrence déloyale». Il est du devoir du ministère également de définir une stratégie visant à protéger la production nationale. Que fait le ministère à cet effet ? Une stratégie de défense commerciale à été mise en place, visant à promouvoir et valoriser les exportations tunisiennes, apprend-on, en diversifiant les chaînes de valeurs, mais aussi protéger les produits nationaux. Mohamed Bousaid explique à cet effet qu’une cellule d’experts spécialistes dans la défense commerciale a été constituée au sein du ministère du Commerce. Celle-ci sera chargée de l’élaboration d’une base de données comportant la liste des produits importés liés et leur équivalent sur le marché local. C’est ce qu’on appelle la substitution aux importations.
Il appelle également les producteurs et les sociétés concernés à formuler leurs requêtes à l’intention de l’Organisation mondiale du commerce dont l’objectif est de protéger leurs productions de la concurrence déloyale causée par les importations. « Nous sommes en train de former une équipe d’experts pour assister ces sociétés dont les productions sont directement menacées», a-t-il également fait valoir.
Notons que le volet des pratiques déloyales à l’importation est régi par la loi n°99-9 du 13 février 1999 relative à la défense contre les pratiques déloyales à l’importation et le décret n°2000-477 du 21 février 2000 portant fixation des conditions et modalités de détermination des pratiques déloyales à l’importation. Ces textes juridiques présentent les types de pratiques déloyales à l’importation (dumping et subventionnement) et les mécanismes de défense, ainsi que les phases procédurales associées.
Quid du déficit commercial avec la Turquie ? En effet, le déficit commercial de la Tunisie avec la Turquie est estimé à hauteur de 2.466.8 millions de dinars (MD) en 2020. Un chiffre inquiétant, puisque aucune symétrie n’est appliquée au niveau des échanges entre les deux pays. «Le problème ne concerne pas uniquement nos échanges avec la Turquie. Toutefois, nous avons réclamé officiellement de revoir les termes de cet accord qui remonte à 2005, car il est de notre devoir de protéger la production locale», a-t-il conclu. Le ministre du Commerce révèle à La Presse la requête officielle émise par son département, portant sur la révision de l’accord de libreéchange (ALE) Tunisie-Turquie. Selon ses dires, cette démarche intervient dans l’objectif de protéger certaines productions nationales ainsi que l’ensemble du tissu économique.

Charger plus d'articles
Charger plus par Khalil JELASSI
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *