On n’a pas oublié et on n’oubliera jamais comment l’économie tunisienne, à un moment donné de l’histoire du pays, montait en puissance, comment les experts et les agences de notation évoquaient le miracle tunisien, comment la responsabilité de ses penseurs et de ses éminences grises était complètement engagée. Malgré tout, il y a encore des promesses qui pointent à l’horizon. Même si les règles restent toujours complexes et floues.
Les prévisions de la Banque mondiale sur la croissance économique de la Tunisie inquiètent beaucoup plus qu’elles ne rassurent. Le dernier rapport de l’institution financière est loin de calmer les esprits. Il considère la Tunisie comme étant l’une des dernières économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) à pouvoir retrouver son niveau de croissance d’avant-Covid-19.
Selon la Banque mondiale, les perspectives économiques de la Tunisie sont très limitées, puisque la croissance ne pourrait remonter qu’à seulement 3,3 % en 2023 et 3,6 % en 2024.
Ce n’est pas tout : le déficit courant de la balance des paiements s’est également creusé à 10,3% du PIB en 2022, en raison notamment de la faible croissance des exportations et la hausse de la facture des importations. A cela s’ajoute bien entendu la dette publique de plus en plus contraignante et qui risque d’éloigner et de compromettre de plus belle les éventualités et les alternatives pour surmonter la crise. Si le prix mondial des matières premières a de toute évidence ralenti la relance tant espérée, l’incapacité à mettre en œuvre les réformes, ainsi que le déficit budgétaire, ont davantage aggravé la situation.
Au fait, par où commencer pour évoquer le malaise et les tourments d’un modèle économique, archaïque et dépassé, pour ne pas dire défaillant ? Un modèle dont les axes et les ressources sont de plus en plus insignifiants. Un modèle qui ne «galope» pas comme l’exige le contexte actuel.
L’avenir sous un nouvel angle
Les réformes et les mesures adoptées ne répondent point aux besoins et aux exigences de l’étape. On a beau parler de rénovation, de dépoussiérage, de révision et d’amendement, même de révolution, mais les plaies du passé restent toujours béantes. L’on oublie aussi que l’urgence réside dans la nécessité de miser sur les responsables capables de trouver la bonne alchimie face aux exigences du moment et de miser aussi sur les facteurs les plus favorables.
On n’apporte rien de nouveau lorsqu’on dit que l’économie tunisienne n’est pas à l’abri. Mais sa position actuelle impose l’idée et encore plus le fait évident que le plus dur est encore à venir. Malgré cela, l’on continue à envisager l’avenir d’une manière anachronique et surannée.
Il y a au fait deux vérités que se partage l’économie tunisienne : l’une issue des exigences de l’étape, l’autre de cette incapacité à concilier l’immédiat et le long terme.
L’on doit savoir que le sens et l’esprit des réformes ne dépendent pas seulement de l’analyse qui leur est appliquée, ni encore de miser sur des considérations dépassées et ne prenant pas en considération la nécessité de s’adapter aux exigences récurrentes et aux contraintes du marché mondial. Les difficultés qui empêchent l’économie tunisienne d’accéder à un palier supérieur prouvent que la qualité du travail accompli jusque-là ne semble pas en mesure de donner des résultats.
C’est à ce niveau-là que se situe aujourd’hui l’urgence. Les exemples sont d’ailleurs fréquents de ces pays dont l’immobilisme et l’absence de réaction ne leur ont nullement épargné le pire. On ne veut pas évoquer le cas du Liban, mais il est évident que l’économie tunisienne a besoin aujourd’hui de se concentrer aussi bien sur l’immédiat que sur le long terme, et non pas sur les promesses éphémères. Le mérite que certains tiennent à s’approprier et à mettre en évidence ne s’éteindra pas. Ils auront tout le temps nécessaire pour s’en vanter, se féliciter et même s’enorgueillir!… Mais la primeur reste aujourd’hui les résultats, le concret.
Privilégiant l’immédiat au long terme, la plupart des ministres et des responsables, aussi bien les anciens que ceux post-révolution, n’ont pas généralement une marge de manœuvre suffisante pour se projeter dans l’avenir. L’impératif du long terme et de la construction est souvent relégué au second plan. Ils sont souvent dans l’obligation de miser sur une conjonction immédiate de facteurs assez, ou peu, favorables pour insuffler quelques bouffées d’oxygène aux finances tunisiennes. Mais aussi pour espérer rester un peu plus dans leurs fonctions. Loin de l’idée de repartir sur un nouveau cycle, de nouvelles bases, ou encore présenter un projet et une stratégie à long terme. D’ailleurs, on a rarement vu un ministre ou un responsable agir avec la gestion particulière que le contexte impose. C’est-à-dire la maîtrise, la cohérence et l’efficacité. L’économie tunisienne n’a pas seulement besoin de grignoter des points, mais aussi et surtout d’enchaîner les résultats et les acquis.
La Tunisie peut-elle aujourd’hui entamer une nouvelle étape, une nouvelle ère ? Rien n’est pour autant garanti. Mais il serait quand même bon de positiver, de se remémorer l’âge d’or de l’économie tunisienne, qui n’est pas loin, qui incite à la réflexion et qui peut même servir d’exemple. Surtout envisager l’avenir sous un nouvel angle.
Il s’agit de tout un pays à sauver, d’une histoire à écrire. Le fait est là: la mobilisation ne fait pas seulement la différence, mais elle force et conditionne aussi les résultats. On n’a pas oublié et on n’oubliera jamais comment l’économie tunisienne, à un moment donné de l’histoire du pays, montait en puissance, comment les experts et les agences de notation évoquaient le miracle tunisien, comment la responsabilité de ses penseurs et de ses éminences grises était complètement engagée.
Mais y a encore et malgré tout des promesses qui pointent à l’horizon. Même si les règles restent toujours complexes et obscures.