Victimes d’un niveau de stress très élevé et continu ou du burn-out, avec ses conséquences létales, poussés parfois même au suicide, les cadres supérieurs des grandes entreprises dans les pays avancés se retrouvent soumis, tout au long de leur carrière, à une multitude de fortes pressions.
Une carrière débutée, généralement après de dures et longues études supérieures très sélectives et souvent très coûteuses, et qui ne peut évoluer qu’en adoptant un stakhanovisme à toute épreuve. D’où l’apparition de notions positives, telles que «qualité de vie au travail» ou «bien-être au travail», afin de remédier à cette terrible situation. C’est le travail-plaisir qui remplace ainsi le travail-contrainte.
Dans des pays qui ont connu, dès les années 1980, un progrès fulgurant, comme la Corée du Sud, ces conséquences graves pour la santé, ou pour la vie elle-même, se manifestent parfois très tôt, touchant ainsi les lycéens, car obligés de se donner à fond à leurs études, se pliant malgré eux à un emploi de temps infernal, politique sélective et scores élevés requis obligent.
Ces hauts cadres se retrouvent aussi acculés à sacrifier leur vie privée sur l’autel du dieu performance, tant ils sont hantés par la peur de l’échec et la rage de s’imposer, et tant ils sont torturés par la très inconfortable position consistant à ménager le chou et la chèvre. C’est-à-dire subissant aussi bien la pression de leurs équipiers que celle, épouvantable du big boss, ou encore celles de clients, de plus en plus exigeants et instables.
A cela viennent s’ajouter la pression des tests périodiques d’évaluation en interne ou encore la forte mobilité professionnelle qui fait que le haut cadre se retrouve périodiquement en train de refaire ses preuves, au sein d’autres entreprises, donc de relever à chaque fois de nouveaux défis.
Un état de fait devenu un vrai casse-tête pour les hauts dirigeants de l’entreprise, les DRH (directeurs des ressources humaines), les médecins, les psychologues, les inspecteurs du travail, les chercheurs ainsi que bon nombre d’autres professionnels et spécialistes.
Des programmes plus ou moins efficaces sont ainsi constamment élaborés sous de grandes enseignes, telles que «La chasse au stress» ou «Concilier travail et vie privée» afin de remédier à cette situation préoccupante. Place, aujourd’hui, donc à la course à la «qualité de vie au travail» ou au «bien-être au travail».
Dans des pays comme le Japon, exemple édifiant constamment cité en évoquant ce thème, les hauts cadres et même leurs subalternes sont carrément «mis à la porte» de façon à leur permettre de souffler un peu. Méthode qui s’est avérée très peu efficace pour résoudre ce «problème», car ils trouvent toujours le moyen de continuer de travailler à distance.
Il s’agit donc d’un système de valeurs qui fait que l’individu se sacrifie soit pour sa propre gloire, comme en Occident, soit pour celle de son groupe comme en Extrême-Orient et qui rappelle, surtout pour la seconde variante, des situations similaires observées chez des animaux, comme les souris ou chez des insectes comme les fourmis.
Avec notre tempérament méditerranéen, notre culture croulant sous les scories de la décadence héritée, et l’injustice qui règne dans notre société qui fait que l’effort, le sérieux et la compétence ne mènent généralement pas à grand-chose, devant les pistons, nos cadres supérieurs, semblent souffrir, eux, d’autres types de problèmes… tuants.
En plus du stress grandissant, généré par de fortes attentes personnelles ou organisationnelles ou encore de la part de l’employeur, viennent s’ajouter une mentalité rigide des patrons, sans bagage intellectuel, ni vision, l’ingratitude, le manque de reconnaissance, ainsi que bon nombre de facteurs démotivants et démobilisants.
«Illi khidmou métou» (ceux qui ont travaillé sont morts), lance-t-on souvent, chez nous et non sans un brin d’ironie et de défi, et, à celui qui bosse, se tue au travail. Une injonction qui sonne comme un avertissement, un rappel à l’ordre envers ceux surpris en train de se dépenser au travail.
C’est aussi le fameux «ghallit aalina el khobz» (tu as rendu le pain plus cher, pour nous) envers ceux qui, grâce à leur dévouement au travail, ne cessent de mettre la barre plus haut. Pain veut dire aussi travail dans l’imaginaire collectif méditerranéen.
Le travail a été pourtant élevé par l’Islam au rang d’ibada (adoration de Dieu) une notion diamétralement opposée à «ouboudiya» (état de l’esclave). Et un hadith du Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) note bien que Dieu déteste la personne oisive et fainéante. L’on rapporte par ailleurs que le Prophète avait embrassé la main d’un travailleur manuel en disant, voilà une main que Dieu aime.