Lutte contre la torture : Les tortionnaires courent toujours !

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L’impunité étant une double torture dont la tolérance n’est qu’un crime désavoué. L’Etat y est pour quelque chose. Il est temps de réviser la loi.

L’on ne peut célébrer, le 8 mai de chaque année, la journée nationale de lutte contre la torture, sans avoir présent à l’esprit une de ses victimes, feu Nabil Barakati, martyrisé jusqu’à la mort dans une geôle de police à Gaâfour, gouvernorat de Siliana. Ce crime, survenu six mois avant la prise de pouvoir par Ben Ali, n’avait pas, à l’époque, fait assez du bruit, vu la  politique répressive adoptée par l’Etat face à toute manifestation d’expression. 36 ans déjà, et l’affaire de Barakati fait encore du surplace. Pire, elle fut suivie d’innombrables crimes et procès similaires, jusque-là, sans suite. Sévices et supplices se poursuivent, semble-t-il, dans nos prisons qui n’ont jamais été des centres de rééducation.

Silence radio !

La torture en Tunisie est-elle méthodique ? Aucun écho sur ce qui se passe derrière les verrous. Silence radio. «En fait, plusieurs cas de décès ont été enregistrés dans des circonstances douteuses, à l’instar de l’affaire Omar Abidi dont les auteurs sont restés impunis », rappelle Chokri Letaief, président de l’Octt, Organisation contre la torture en Tunisie. On n’en finit pas, semble-t-il, avec ces mauvais traitements si humiliants et dégradants, matant des victimes sans leur rendre justice. On les a vivement dénoncés et pointés du doigt. Le laxisme l’emporte. On n’a pas encore tiré la leçon ! Violence institutionnelle, jusqu’à quand ? «Rompre avec la torture n’est possible qu’en mettant fin à l’impunité», estime M. Letaief, lors de la célébration de la Journée nationale de la torture, le 8 mai dernier, indiquant que ces exactions continuent à sévir, sous nos cieux.

L’impunité sévit..

A titre de rappel, le 5ème rapport 2020-2021 du Sanad, programme d’assistance directe aux victimes de torture et de mauvais traitements de l’Omct, Organisation mondiale contre la torture-Tunisie, en disait long. Son bilan était assez critique : «Sanad avait déjà documenté 103 victimes agressées dans des lieux publics à des fins punitives par des agents de police agissant dans le cadre de leurs fonctions ou même à la suite d’une dispute d’ordre privé, des cas de personnes torturées ou maltraitées en garde à vue pour obtenir des aveux, violentées en détention, rouées de coups ou harcelées en raison de leur orientation sexuelle, de leurs croyances religieuses supposées ou de leur activisme en faveur des droits humains». Et la liste des victimes est longue. L’impunité sévit, sans sanction ni poursuites judiciaires ! Pour qui sonne le glas ?

L’année dernière, à l’occasion de la même journée, un collectif associatif n’a pas hésité à faire porter l’entière responsabilité à l’Etat et ses institutions. Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas pris les choses en main et fait en sorte que ces préjudices cessent ? L’affaire d’Omar Laâbidi, jeune supporter de foot, en est un cas parmi d’autres, où les inculpés ont toujours manqué aux audiences. Celui de Nabil Barakati remue le couteau dans la plaie. Ridha Barakati, lui, président de l’organisation portant le nom de son frère, veut qu’un musée de lutte contre la torture soit créé à Gaâfour, en tant que site commémoratif du martyr. Ce qu’il demande s’érige, selon lui, en une moindre réparation morale. «Cela peut symboliquement rétablir l’honneur des victimes des anciens régimes, surtout celles décédées sous la torture», évoque-t-il, condamnant, ici, le refus du ministère de l’Intérieur de créer des sites en mémoire des victimes de torture. Il a également appelé à traduire dans les faits le rapport final de l’IVD, la fameuse Instance Vérité et Dignité.

La justice transitionnelle fait défaut

Autant dire, la justice transitionnelle a failli à ses objectifs. Y a-t-il un problème juridique ? Depuis cinq ans, ses chambres criminelles spécialisées, siégeant dans les cours d’appel de Tunis, Sfax, Gabès, Gafsa, Sousse, Le Kef, Bizerte, Kasserine et Sidi Bouzid, ont fini par devenir un facteur bloquant. Le ver est dans le fruit. Cela est dû, en grande partie, à l’instabilité de leur composition, du fait du mouvement annuel opéré dans le corps des magistrats. S’y ajoute l’absentéisme des tortionnaires, ostentatoirement, incités par leurs syndicats sécuritaires. Toutes les recommandations de l’IVD, formulées dans son rapport final, sont, ainsi, restées lettre morte. L’objectif étant, au départ, de mettre un terme à la répétition des violations, mais aussi de conserver la mémoire nationale. Afin que ce qui s’est passé ne se reproduise plus jamais.

L’impunité étant une double torture dont la tolérance n’est qu’un crime désavoué. L’Etat y est pour quelque chose. Il est temps de réviser la loi et procéder à son application d’une manière équitable. L’article 101 bis du code pénal n’est plus à la mode, vu qu’il réduit la torture à des pressions exercées aux fins d’arracher des aveux. Le problème semble d’ordre juridique. «Nul n’est au-dessus de la loi» n’est qu’ un slogan creux.

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