Action gouvernementale et préoccupations sociales : Quand Saïed recadre ses ministres

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Le Président de la République ne rate aucune apparition médiatique pour rappeler que les ministres sont appelés à travailler avec un sens de l’équipe et de solidarité développé. Pour lui, la multiplication des orientations et des discours gouvernementaux ne feront qu’affaiblir l’action gouvernementale notamment au sujet de certains dossiers sensibles comme l’économie et la situation sociale.

Le chef de l’État a réitéré à plusieurs reprises que l’action gouvernementale doit être centralisée et que les ministres, chacun de son poste, doivent se conformer aux lignes tracées par le président de la République. En somme, Kais Saied veut expliquer qu’il n’y a qu’un seul capitaine du navire, chose que certaines ministres n’ont pas, visiblement, encore comprise. D’ailleurs, le dernier limogeage dans le gouvernement Bouden, celui de la ministre de l’Energie intervenait dans cette approche.
D’ailleurs, le locataire de Carthage a procédé à de nombreux limogeages de ministres touchant même les portefeuilles régaliens. Le rendement du gouvernement est-il en deçà des attentes de Kais Saïed ? Va-t-il procéder à un nouveau remaniement pour réorienter la boussole ?
En recevant jeudi la cheffe du gouvernement, Kais Saied était clair et droit au but concernant plusieurs questions brûlantes, dont notamment l’action gouvernementale et les préoccupations sociales. En effet, la rencontre a porté sur le fonctionnement du gouvernement et les équilibres financiers, plus particulièrement. Dans ce contexte, il a réaffirmé la nécessité de réaliser l’équilibre escompté en pensant à de nouveaux mécanismes basés sur la justice, tout en préservant la paix sociale.
«Je sais que le travail est pénible ces derniers jours, comme il l’a toujours été. Nous allons assumer l’entière responsabilité. Nous ne reviendrons jamais sur nos choix et nos engagements envers le peuple tunisien », souligne-t-il.
Il a, également, mis l’accent sur l’importance de la cohérence et l’harmonie de l’action gouvernementale chapeautée par la cheffe du gouvernement. «Il n’y aucun moyen permettant aux ministres d’agir contrairement à la politique définie par le Président de la République. L’harmonie entre tous les membres du gouvernement est exigée ».

Saïed a souvent opté pour des décisions progressives

Ces derniers temps, nous avons su qu’après chaque discours de ce genre de la part du Président de la République, des décisions suivront. Va-t-il en effet procéder au limogeage d’un nouveau ministre ou opérer un large remaniement ministériel ?
Il est peu probable que Kais Saied effectue un remaniement important dans le gouvernement Bouden. Le Président de la République a toujours préféré des décisions progressives pour améliorer le rendement de gouvernement, dont plusieurs membres ont été remplacés.
Au fait, au cœur de cette tension la question des choix et orientations économiques et sociales et surtout les relations avec le Fonds monétaire international (FMI).
Le chef de l’État a évoqué la possibilité d’imposer des taxes supplémentaires sur les personnes qui tirent profit illégalement de la subvention de plusieurs produits et sans attendre des directives de l’étranger dans ce sens.
Lors de sa rencontre, à Carthage, avec la cheffe du gouvernement Najla Bouden, il a ajouté que cette démarche était en vigueur dans les années 1940 en Tunisie lors de la création de la caisse de subventions pour la première fois. Mais une sur taxation pourrait-elle constituer une alternative à la levée des subventions ? Au fait, les avis des économistes divergent. Certains pensent « que l’imposition excessive peut entraîner plusieurs risques et effets indésirables ».
« Lorsque les taux d’imposition deviennent excessifs, certains contribuables peuvent être incités à chercher des moyens d’éviter légalement ou illégalement de payer leurs impôts », affirment-ils.
« Cela peut conduire à « une augmentation de l’évasion fiscale, réduisant ainsi les revenus fiscaux globaux de l’État. Une sur taxation excessive peut décourager les individus et les entreprises qui ont l’impression que leurs efforts et leur réussite ne sont pas récompensés. Cela peut entraîner une perte de motivation, une baisse de la productivité et une réduction de l’initiative entrepreneuriale », soutiennent-ils.
Mais encore faut-il le rappeler, la levée brusque des subventions va entraîner sans aucun doute une crise sociale et économique inédite dans le pays, chose à laquelle s’oppose catégoriquement le Président de la République.

L’État prépare un important programme de réformes

C’est dans ce contexte peu clair, que la ministre des Finances s’est prononcée au sujet des réformes en Tunisie. Alors que nous savons d’ores et déjà que le gouvernement avait préparé un document des grandes réformes qui a été présenté au FMI, Sihem Namsia sort pour dire que le gouvernement est en train de préparer un important programme de réformes. S’agit-il du même programme qui a été amélioré et actualisé à la lumière des positions du Président de la République ou évoque-t-on un nouveau programme qui sera présenté de nouveau au FMI ?
Nemsia a indiqué, lors d’une plénière à l’ARP, en outre, que le gouvernement fait face à de grandes pressions, l’incitant à recourir à l’emprunt, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, afin d’honorer ses engagements, relatifs à la masse salariale, aux transferts sociaux au profit des catégories vulnérables, et à l’importation des carburants et produits de base dont le pays a besoin.
À cela s’ajoutent, a-t-elle rappelé, les facteurs externes, notamment le conflit russo-ukrainien, qui a pesé lourdement sur les équilibres financiers de l’Etat en 2022, à la lumière de la hausse des prix à l’importation des carburants, de céréales, des huiles, de sucre.
La ministre a rappelé que la dette de l’État s’est élevée à environ 115 milliards de dinars à fin 2022, ce qui représente 79,9% du produit intérieur brut. Toutefois, elle a fait état d’une hausse des ressources propres de l’Etat de 22%, durant l’exercice 2022, grâce à l’amélioration des recettes fiscales.
Selon Nemsia, la réduction de l’endettement est tributaire de la relance de la croissance économique, de la lutte contre la corruption et de la consécration de la culture du travail.
En tout cas, en faisant la lecture des différents discours officiels, on s’aperçoit que de grandes divergences opposent les décideurs du pays. D’une part, le président de la République s’oppose à toute réforme drastique qui mettra à mal la paix sociale et appelle à des solutions locales. Et, d’autre part, un gouvernement et des ministres qui gèrent le budget de l’Etat au jour le jour et dont les positions sont favorables à des réformes qui allégeront les dépenses publiques.

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