A l’occasion du concert «Passion lyrique » à «Dar Sebastian », Emmanuelle Houerbi, pianiste, à La Presse : «J’espère que la musique classique et l’art lyrique continueront à faire partie de la vie musicale tunisienne… »

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C’est au cœur de l’enchantement porté à ses suprêmes limites que nous a fait vivre, comme dans un songe de bonheur, à «Dar Sebastian», samedi 17 juin dernier, le ravissant concert baptisé «Passion lyrique» qu’E. Houerbi a généreusement donné en compagnie du  passionné et passionnant ténor, fort prometteur, Mongi Benbouzid, que nous l’avons rencontrée.

Emmanuelle Houerbi est tunisienne. Elle est une pianiste de grand talent. Diplômée du «Conservatoire du Centre de Paris» et formée surtout en solfège et en musique de chambre, elle enseigne le piano à Tunis et se produit régulièrement dans les prestigieux lieux de la musique symphonique et de l’opéra tels le théâtre municipal de la capitale, la Cathédrale de Tunis, le Centre culturel international de Hammamet ou encore la Cité de la culture. C’est au cœur de l’enchantement porté à ses suprêmes limites que nous a fait vivre, comme dans un songe de bonheur,  à «Dar Sebastian», samedi 17 juin dernier, le ravissant concert baptisé «Passion lyrique» qu’E.Houerbi a généreusement donné en compagnie du  passionné et passionnant ténor, fort prometteur,  Mongi Benbouzid, que nous l’avons rencontrée, après avoir joui, en même temps qu’un très beau public de mélomanes, des multiples airs d’opéra italiens et des chansons napolitaines («Fedora» de Umberto Giordano, «Tosca» de Giacomo Puccini, «L’arlesiana» de Francesco Cilea, «Elexir d’amour» de Donizetti, «Pagliacci» de Ruggero Leoncavallo, «Core’ngrato» de Salvatore Cardillo, «L’alba separà della l’ombra» de Francesco Paolo Tosti et «Torna a Surriento» d’Ernesto de Curtis) qu’elle a merveilleusement exécutés au piano et que ce ténor tunisien,  fort prometteur,  a entonnés juste et le plus fidèlement possible aux Maîtres célèbres qui l’ont marqué, Enrico Caruso et Luciano Pavarotti. De très bon accord et dans l’harmonie musicale la plus totale et la plus onirique, Mongi Benbouzid et sa talentueuse accompagnatrice ont réussi à nous ravir au suprême degré. La poésie la plus lyrique et la plus belle, de langue italienne, était au rendez-vous aussi qui sortait, magique, des modulations vocales enchanteresses et nous faisait sentir les battements des cœurs, les frémissements, les soupirs, les douleurs et les pleurs : «L’amour t’interdit de ne pas aimer./ Ta douce main légère qui me repousse/ Cherche la poigne de ma main./ Ta pupille exprime «je t’aime»/ lorsque la lèvre dit : «Je ne t’aimerai pas» ; «Catari, Catari,/ Pourquoi me dire ces paroles amères,/ Pourquoi tu me parles/ Et tu me tourmentes le cœur, Catari ?/ N’oublie pas que je t’ai donné mon cœur, Catari/ N’oublie pas !»; «L’aube sépare l’ombre de la lumière,/ Et ma volupté de mon désir./ ô douces étoiles, c’est l’heure de mourir,/ Un amour plus divin vous ôte du ciel./ Pupilles ardentes, ô vous qui ne reviendrez pas,/ Tristes étoiles, éteignez vos feux incorruptibles !/ Je dois mourir. Je ne veux pas voir le jour,/ Par amour de mon rêve et de la nuit.».    Interview.

Emmanuelle Houerbi, vous êtes professeur de piano et pianiste accompagnatrice, pourriez-vous nous parler de vous, de votre rapport à la Tunisie, de votre formation et de votre parcours artistique ?

J’ai appris le piano depuis mon plus jeune âge et j’ai suivi mes études musicales à Paris, en piano et musique de chambre. J’ai toujours particulièrement aimé jouer avec d’autres musiciens et l’accompagnement au piano des instrumentistes et des chanteurs et chanteuses s’est rapidement imposé à moi. Cette activité, qui permet l’échange et la communication à travers la musique, représente pour moi un domaine riche et épanouissant.

Depuis mon installation en Tunisie en 2005, j’ai cofondé «Unisson l’association des mélomanes de Tunisie», je suis professeur de piano et pianiste accompagnatrice, à l’Institut Supérieur de musique de Tunis notamment. Au fil des années et des rencontres, je me suis progressivement spécialisée dans l’accompagnement des chanteurs et chanteuses lyriques et j’ai eu de nombreuses occasions de me produire avec eux en concerts en Tunisie (Dar Sebastian Hammamet, Théâtre municipal de Tunis, la Cathédrale de Tunis ou la Cité de la culture de Tunis).

A «Dar Sebastian», au Centre Culturel International de Hammamet, samedi 17 juin dernier, vous avez accompagné au piano le ténor tunisien Mongi Benbouzid qui a chanté des airs d’opéra et des chansons italiennes. Est-ce que ce concert baptisé «Passion lyrique» fut une simple parenthèse ou le fruit d’une interaction et d’un entraînement de plusieurs années ?

Bien loin d’être une parenthèse, ce concert est le résultat d’une première rencontre il y a plus de deux ans, d’un travail régulier depuis cette date, et surtout d’une passion partagée pour la musique et l’art lyrique. Le ténor tunisien Mongi Benbouzid, bien qu’autodidacte, a des qualités vocales naturelles indéniables et un timbre très agréable. Il évolue par ailleurs très vite, grâce à une large connaissance du répertoire des grandes voix lyriques et surtout grâce à un travail personnel acharné. Le concert que nous avons offert au public samedi dernier a été la première apparition sur scène de ce nouveau ténor tunisien et je suis particulièrement fière du chemin que nous avons parcouru ensemble. C’est un premier pas, et j’espère le début d’une longue collaboration.

Comment avez-vous fait le choix du programme ? Les airs d’opéra et chansons italiennes de Giordano, Puccini, Cilea, Leoncavallo, Cardillo, Tosti, de Curtis ou encore de Donizetti sont-ils déterminés par le désir du public de Dar Sebastian ?

Mongi est à l’origine de ce programme qu’il a entièrement choisi. Ce répertoire riche, varié et ambitieux est le reflet de sa passion pour des chanteurs comme Pavarotti ou Caruso. Ceux-ci lui ont fait découvrir le monde de l’opéra il y a plus de 15 ans et lui ont donné l’envie de se plonger dans le chant lyrique qu’il n’a plus quitté. En outre, ce programme entièrement en italien est particulièrement adapté au public de Dar Sebastian à Hammamet, un public fidèle, international et avide d’opéra.

Vous avez cofondé, en 2008, «Unisson». Quels étaient les objectifs de cette «Association des mélomanes de Tunisie» ?

Je suis particulièrement attachée à l’association Unisson, présidée depuis sa création par la formidable pianiste et pédagogue Fusun Guray-Regaieg. L’objectif d’Unisson consiste à offrir aux jeunes musiciens tunisiens, et notamment aux jeunes pianistes, la meilleure formation possible par le biais de master class, d’un concours international de piano et de stages d’été.

L’objectif était, d’une part, d’inviter des musiciens étrangers, de mettre en avant l’amour de la musique et l’exigence artistique et, d’autre part, d’élargir l’offre de concerts en Tunisie, en assurant par exemple l’organisation ou la direction artistique de festivals ou de concerts de musique classique. Malheureusement, après 12 ans pendant lesquels les événements se sont succédé régulièrement, notre activité a été mise en pause forcée, à cause du Covid notamment. Mais nous sommes toujours là, et l’équipe d’Unisson ne demande qu’à reprendre du service !

Vous faites partie de l’ensemble vocal polyphonique «Les voix du cœur». Pourriez-vous présenter aux lecteurs cet ensemble : qui l’a fondé, quand et dans quels objectifs précisément ?

«Les voix du cœur» est un chœur polyphonique créé il y a deux ans par la mezzo-soprano Emira Dakhlia, avec qui j’ai beaucoup travaillé ces dernières années. Avant les voix du cœur, j’accompagnais le chœur de l’Orchestre Symphonique tunisien à la Cité de la culture de Tunis qu’elle a dirigé pendant trois ans. Dans ce cadre, nous avons donné ensemble de nombreux concerts lyriques, en duo, en trio avec violoncelle, avec les chanteurs solistes du chœur ou avec le chœur dans son ensemble.

Une richesse de combinaisons qui a permis au public d’apprécier différents ensembles de musiques classiques, différentes époques et différents styles, apparemment pour son plus grand bonheur. 

À propos du chœur, pourriez-vous nous citer certains membres parmi ceux qui constituent «Les voix du cœur» ?

«Les voix du cœur» est composé d’une quinzaine de chanteurs et chanteuses, dont des jeunes musiciens, professionnels de la musiques ou mélomanes, mais aussi des amateurs dont la musique est avant tout une passion.

Tous sont animés d’un même amour pour la musique classique, les sons et les mots.

Votre concert au Théâtre municipal de Tunis, le 30 mars dernier, fut placé sous le titre très poétique et suggestif de «L’enchantement de la voix». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le projet «L’enchantement de la voix» consiste à mettre en valeur la musique occidentale et son instrument le plus ancien : la voix humaine. Musique de chambre, airs d’opéra ou chant choral, chant a cappella ou accompagné par des instruments (piano, violoncelle, violon, harpe …), chants folkloriques, chansons de la Renaissance et du XXe siècle, musique de chambre, et même des concerts pédagogiques ! Ces spectacles riches et variés visent tous les publics, des amateurs et néophytes aux mélomanes les plus exigeants !

Quels sont vos projets et souhaits pour l’avenir ?

Je veux continuer à encourager et à soutenir, par le biais de mes différentes activités, la formation et la culture musicale des enfants et des adultes en Tunisie.

J’espère que la musique classique et l’art lyrique continueront à faire partie de la vie musicale tunisienne et que le public et les étudiants continueront à répondre présent, avec passion et exigence.

Je suis déterminée à accompagner les chanteurs et chanteuses en Tunisie dans leur travail et à participer à toutes les initiatives publiques ou privées partageant les mêmes valeurs et objectifs.

Bonne chance !

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