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L’entreprise autrement | Tourisme et régions : haut potentiel, faible rentabilité

 

Haut potentiel mais faible rentabilité. La cause, plusieurs défaillances y compris celles résultant de politiques publiques peu efficaces. C’est ce que l’on pourrait dire à propos de certaines régions du pays en ce qui concerne l’un des secteurs stratégiques les plus importants du pays, le tourisme. Plusieurs régions souffrent hélas de cette situation aberrante et continueront d’en souffrir tant que des plans, programmes et autres mesures ne sont pas conçus et mis en œuvre le plus rapidement possible. La question est heureusement soulevée depuis plusieurs années, soit dans le cadre de la réflexion autour de la situation et le devenir dudit secteur d’une façon générale soit pour chaque région concernée. La réflexion est organisée, autour du sujet, par les autorités mais aussi par la société civile qui ne manquent pas d’y inviter toutes les parties concernées ou presque. Les médias, quant à eux, traitent régulièrement le problème et font généralement parler des responsables, des professionnels, des citoyens et des spécialistes ou bien publient des commentaires de la plume ou de la voix de confrères spécialisés.

Par ailleurs, professionnels et spécialistes prennent parfois l’initiative et publient des articles de fond sur la question. Une masse importante d’idées et de propositions est donc déjà disponible. Il s’agit de passer plus rapidement à l’action et essayer d’enrayer ce cercle vicieux, manque à gagner, faiblesse des investissements.

Disons d’emblée, et comme le titre de notre contribution l’indique, que le problème majeur, dans toutes les régions sous-exploitées et même parfois à l’échelle nationale, réside dans l’absence ou la faiblesse du produit touristique et par ricochet de la faiblesse de la pertinence de toute action à caractère mercatique (de marketing). Notons, ici, que l’on ne pourrait pas parler de stratégie marketing lorsque le produit n’existe pas ou quand il est faible et mal défini.

C’est comme si l’on exporte du diamant brut sans aucune valeur ajoutée. Un minerai qui nécessite une seconde chaîne de valeur comprenant traitement, taille, incrustation et mise en valeur pour vente avec des labels et des marques prestigieuses et un travail de promotion de communication qui réussira à multiplier plusieurs fois la valeur ajoutée du produit fini.

Ces régions sont alors visitées en moins d’une journée, donc à faible capacité de séjour et ne génèrent que très peu de rentrées d’argent, ce qui est contradictoire avec la définition classique du tourisme qui nécessite que le touriste séjourne au moins une nuitée et dépense une certaine somme au profit de l’économie locale.

Afin de participer à cet effort, nous vous proposons de traiter, dans un premier lieu et à travers une série d’articles, de deux grandes régions qui méritent mieux, celle de Kairouan et celle de Bizerte. La première, enclavée, assez proche du littoral mais centrale, Kairouan, et la seconde, sur le littoral mais périphérique, c’est-à dire n’étant pas sur un grand axe routier, comme la première.

Kairouan, une capitale prestigieuse, livrée à son triste sort. Capitale historique de l’Occident musulman (Grand Maghreb et Andalousie lors de sa conquête), du Maghreb et de la Tunisie, Kairouan et sa région regorgent de trésors naturels et culturels. De quoi la transformer en un grand pôle de tourisme alternatif. Sachant que la ville est à environ 60 km de l’aéroport international d’Enfida-Hammamet.

Soit, comme déjà dit, une montagne de matières premières non transformées et sans valeur ajoutée, et ce, malgré l’importance des décisions prises par les autorités en sa faveur (y compris celle ayant été prises à la suite de la réunion du 21 mars 2021, présidée par le ministre lui-même). Cela en incluant les efforts des professionnels (tourisme, artisanat, culture et autres), de la société civile, des médias et de la population en général, et aussi de la nette amélioration des indicateurs régionaux servant à évaluer le secteur.

Mieux encore, Kairouan peut facilement devenir le plus grand pôle de tourisme culturel du pays et même au Maghreb, surtout si l’on arrive à créer un produit qui inclurait les Médinas des villes proches qui lui sont historiquement apparentées telles que Sousse, Monastir et Mahdia (une période de faste, bourrée d’événements décisifs et d’innovations, qui s’étale sur quatre siècles).

Hélas, et comme déjà dit, la région en question (plus de 600 mille hab.) continue de s’embourber dans son quotidien, nettement sous-développé, par rapport aux régions proches, sur le littoral, à dépendre d’elles à tous les plans et dans presque tous les domaines.

Pire, elle se retrouve depuis des dizaines d’années obligée de se contenter (ou de subir le fait) d’être une destination de transit qui n’a d’autre vocation et mission que d’enrichir le produit touristique des régions de Hammamet-Nabeul, de Sousse, de Monastir et même de Tunis.

La route express entre Kairouan et Sousse qui a été mise en service il y a près de huit ans a permis, certes de diminuer le temps et d’augmenter la qualité et la sécurité du trajet du voyage mais elle a eu cependant, faut-il le rappeler, le triste effet de renforcer le phénomène d’osmose ou d’attraction en faveur de Sousse, besoins de tous genres exigent, donc d’augmenter la dépendance de la première par rapport à la seconde. Et chose curieuse, même son code postal (3100) est une subdivision.

Enchaînons ici pour noter que Kairouan et sa région manquent de tout ou presque pour ses habitants, surtout côté santé, infrastructures de base, commerces et loisirs, à tel point que l’ambiance y est plate pour ne pas dire morose et déprimante et que l’insatisfaction et l’indignation y sont à leur apogée. Comment alors espérer, à la vue de cette situation très peu reluisante, en faire une région touristique en bonne et due forme ?

Classé Patrimoine mondial par l’Unesco (depuis 1988), le complexe historique de la Médina de Kairouan est en train de tomber en ruine, cela s’il n’est pas totalement défiguré et enlaidi, et sa prestigieuse histoire et sa contribution décisive aux progrès de l’Humanité, occultée.

Nous avons eu l’occasion de visiter les capitales historiques respectives de plusieurs pays (Maroc, Turquie, Corée du Sud, Malte et France-Avignon ayant été pour un siècle la capitale religieuse du catholicisme et de l’Europe). Un éclat et un prestige à vous couper le souffle, dus à une attention exceptionnelle et de hauts égards de la part des gouvernants. Aucune comparaison avec ce que Kairouan est en train de subir. (A suivre)

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