Le littoral tunisien, jadis réputé pour sa beauté époustouflante et ses plages immaculées, fait face à une dégradation alarmante. La pollution et l’érosion côtière menacent non seulement l’environnement, mais également l’économie et le patrimoine culturel national.
Avec son littoral, ses 575 kilomètres de plages de sable fin et son chapelet d’îles paradisiaques, la Tunisie est une des destinations les plus réputées de la Méditerranée pour des vacances au bord de l’eau. D’ailleurs, c’est sur ce modèle balnéaire que le secteur touristique s’articule. Que ce soit pour les habitants locaux ou pour les visiteurs, la Tunisie place au premier plan ses atouts liés à des plages dites paradisiaques. Mais la réalité est tout autre, le constat est fait par le Président de la République qui se déplace à chaque fois pour suivre de près la situation des plages tunisiennes, et il est sans appel : le littoral se dégrade jour après jour privant les Tunisiens de leurs plages.
Dernièrement, le Chef de l’État a effectué une visite dans la ville de Hammam-Lif, dans le gouvernorat de Ben Arous, où il a exprimé son mécontentement face à la situation écologique catastrophique de la plage locale et «l’état de délabrement de certains monuments». Il a également dénoncé «un assassinat de tout le littoral tunisien» et une «opération de destruction de l’État dans tous les domaines». «Les moyens étaient inférieurs, mais la situation était meilleure par le passé», a-t-il dénoncé. «Leur projet est de détruire la confiance des citoyens dans le pouvoir. Ils parlent de réchauffement climatique… la corruption existe en mer et sur terre», tance le Président de la République.
L’érosion, première menace !
Insécurité, pollution et érosion, nos plages sont de plus en plus menacées. Pour certains habitants, il est devenu presque impossible de se rafraîchir pendant ces journées caniculaires. Seulement, pour cette fois-ci, la réponse des autorités a été immédiate. Samedi dernier, les districts maritimes et les unités régionales relevant de la Garde nationale ont mené une vaste campagne de sécurité conjointe ciblant toute la bande côtière afin nettoyer le littoral et aménager un environnement sain aux vacanciers locaux et étrangers.
La Direction générale de la Garde nationale a indiqué dans un communiqué que les unités de la Garde maritime intensifient leurs efforts pendant l’été pour assurer la sécurité des citoyens et des visiteurs. Ces efforts incluent le déploiement de patrouilles régulières le long de la côte, l’installation de points de contrôle stratégiques et l’inspection des embarcations maritimes pour vérifier la validité des licences et équipements. Les unités veillent également à surveiller le respect des lois maritimes, des normes de sécurité et des règles sanitaires. Elles luttent également contre la pollution.
Mais loin de ces campagnes occasionnelles, le littoral est réellement menacé par l’érosion qui progresse à un rythme inquiétant. Les constructions non réglementées, l’extraction excessive de sable et le changement climatique sont autant de facteurs qui accélèrent l’érosion des côtes. De nombreux villages côtiers et sites archéologiques risquent de disparaître sous les eaux, emportant avec eux une partie de l’histoire et du patrimoine national. Vous l’aurez certainement remarqué, de nombreuses plages commencent à perdre en profondeur, envahies par la montée des eaux sous l’effet du réchauffement climatique.
La biodiversité est aussi menacée
En Tunisie, les experts estiment que certaines zones côtières pourraient reculer de plusieurs mètres chaque année si des mesures drastiques ne sont pas prises. Les changements climatiques et les violents phénomènes naturels combinés à l’élévation du niveau de la mer exacerbent cette situation déjà critique, causée également par l’expansion urbaine.
D’ailleurs, l’expert en environnement et en développement durable Mohamed Adel Hentati souligne à La Presse que l’érosion marine est l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur le littoral. En effet, la hausse du niveau de la mer a entraîné le recul des plages, certaines d’entre elles reculent d’un mètre à un mètre et demi par an, ce qui représente un taux élevé, selon lui.
Interrogé sur les causes de cette situation inquiétante, il explique que «bien que les techniques pour lutter contre ce phénomène soient très coûteuses, elles n’ont malheureusement pas réussi à l’arrêter, seulement à le ralentir partiellement».
L’expert attribue l’aggravation de ce phénomène également à la concentration des infrastructures touristiques, comme les hôtels et les cafés, directement sur les côtes, empêchant ainsi le sable de se régénérer, mais aussi à l’absence d’une stratégie nationale de lutte contre l’érosion maritime. Les plages tunisiennes, qui attirent chaque année des millions de touristes, sont envahies de déchets plastiques et par les eaux usées et d’autres polluants industriels. Cette pollution met en péril la biodiversité marine et la santé publique. Des espèces marines autrefois abondantes sont désormais en déclin, affectant la pêche locale et l’écosystème marin.
Selon Hentati, l’autre grande menace qui plane sur les plages tunisiennes et l’ensemble du domaine maritime n’est autre que la pollution et en particulier les eaux industrielles déversées dans les oueds de manière aléatoire, sans traitement ou avec un traitement à deux niveaux qui ne répondent pas aux normes mondiales. Ces eaux sont directement dirigées vers la mer, ce qui a gravement endommagé l’environnement marin, notamment sur les côtes proches des zones industrielles telles que Ben Arous, Bizerte et Gabès, analyse notre interlocuteur.
Des zones tampons
«L’’État doit faire face à cette situation en accordant une grande attention aux plages et au littoral en général, comme cela se fait pour lutter contre la pénurie d’eau dont souffre la Tunisie. La menace sur le littoral est également grave et pèse sur l’économie touristique. Il est donc nécessaire de déterminer les sources de pollution, en particulier celles provenant des industries polluantes, et de prendre des mesures rapides et audacieuses pour réduire le taux de cette pollution», a-t-il préconisé.
Il a également affirmé que la protection des côtes tunisiennes s’avère être une responsabilité collective, d’autant qu’elles sont menacées par l’érosion et l’augmentation de certains phénomènes naturels dans un contexte de changements climatiques qui ont un impact négatif global.
Il suggère dans ce sens de renforcer les réglementations existantes relatives aux rejets de déchets industriels et domestiques dans l’espace marin et d’infliger des sanctions sévères contre les infractions environnementales afin de dissuader les pollueurs. Il est donc essentiel d’établir des zones tampons le long des côtes où toute construction est interdite afin de réduire à terme l’impact de l’érosion.