Depuis la dernière décennie, le nombre de subsahariens résidant en Tunisie a quasiment doublé. Pour des raisons économiques, politiques ou d’études, cette diaspora a choisi notre pays comme une destination privilégiée. Le tiers de ces migrants vient de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Congo et du Soudan. L’Erythrée, le Gabon, la Somalie, le Mali et le Nigeria viennent en second lieu. Leur expérience en Tunisie ne semble pas réussir.


Face au flux migratoire massif qui arrive, quasi quotidiennement, sur nos côtes, l’on se demande si la Tunisie demeure un pays d’accueil ou de transit. Comprendre un tel mouvement dans tous ses états donne toujours du grain à moudre. Et ça se discute, à bien des égards. Ce phénomène que nous vivons, aujourd’hui, mérite d’être mis sous les projecteurs. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) l’a, d’ailleurs, traité à plusieurs niveaux. Cette fois-ci, il l’a soumis, à vrai dire, à une étude quantitative intitulée «Situation des migrants de l’Afrique subsaharienne en Tunisie : aperçu général, parcours et aspirations».

Chiffres et données sociodémographiques à l’appui, le phénomène est passé au peigne fin. A l’aide d’un questionnaire identificateur, l’échantillon de la diaspora africaine en Tunisie a levé le voile sur une population si hétérogène. Des migrants qui viennent des quatre coins du continent. A terme, la Tunisie constitue leur destination. Même si elle était un couloir de passage vers d’autres cieux, un bon nombre de migrants y trouvent un refuge de paix et une terre d’asile. L’échantillon du Ftdes a travaillé sur 962 migrants représentant une diaspora de la société d’origine aux caractéristiques communes, afin d’en identifier le profil, l’état civil, ainsi que leur concentration dans le Grand Tunis, à Sousse, Sfax et Médenine, zone frontalière reconnue comme un point d’accès privilégié, voire leur dernier recours pour fuir la guerre en Libye. C’est que leur déplacement sur notre territoire s’explique, a priori, par leur besoin en sécurité, puis l’accès à l’emploi et à la santé. Tranches d’âge des migrants, prestations fournies à leur profit, difficultés de parcours et le comment vivre en Tunisie, voilà l’objectif de cette étude quantitative.
Mais, pourquoi s’intéresse-t-on à ce phénomène ? Sa proximité géographique, sa manière d’agir et son évolution démographique expliquent bel et bien un tel choix.

Parce que, en Tunisie, la migration dans sa pluralité, organisée ou pas, continue à susciter un débat de société. Outre l’aspect sécuritaire, le Ftdes préfère l’aborder sous le prisme sociodémographique. Ce qui fait que les conditions de vie de ces migrants et les difficultés de leur insertion sociale font l’objet de l’étude en question. Autant dire, l’expérience migratoire telle que vécue par la Tunisie. Surtout que, depuis la dernière décennie, le nombre de subsahariens résidant en Tunisie a quasiment doublé. Pour des raisons économiques, politiques ou d’études, cette diaspora a choisi notre pays comme une destination privilégiée. Qu’en savons-nous vraiment? La présente étude nous apporte quelques éléments de réponse. Ainsi, le questionnaire distribué, de juin à septembre 2019, à un échantillon représentatif de 962 migrants vivant en Tunisie repose sur quatre axes majeurs : caractéristiques sociodémographiques, parcours dans le pays d’origine, l’expérience migratoire individuelle, réalité et perspectives du migrant en Tunisie.

Expérience non réussie
Du reste, l’étude a fait un constat mi-figue, mi-raisin. Et là les chiffres sont têtus : 65% des migrants interrogés ont opté pour la Tunisie, 75% parmi eux sont entrés de façon régulière, 23% sont des rescapés et près de 7% venus suite à de faux contrats de travail.
Toutefois, ils ont de quoi se plaindre. 37% préfèrent ne pas trop se déplacer dans les régions intérieures, par peur des rafles policières, 25% se sentent en danger, alors que 40% dénoncent un mauvais accueil de la part des Tunisiens. 61% les trouvent racistes. D’ailleurs, ils ont dit être l’objet de beaucoup d’hostilité, insultes (90%), arnaque (30%) et d’autres comportements agressifs. Il s’agit là des mauvais traitements d’ordre individuel et institutionnel (citoyens, postes de police, chauffeurs de taxi, entreprises). D’autant que leur surexploitation (85%) et le manque de respect les poussent, à chaque fois, à changer de boulot. Sans pour autant oublier la violence, le harcèlement sexuel et les faibles rémunérations qui leur sont souvent servies. N’empêche, 65% des migrants interviewés n’ont pas caché leur sentiment de sécurité.

Par ailleurs, plus de 90% parmi eux ne bénéficient ni d’une couverture sanitaire ni d’autres prestations sociales. Beaucoup ont du mal à trouver un emploi, alors que la majorité des ressortissants africains ont un niveau d‘enseignement relativement élevé. D’autres sont professionnellement qualifiés. Pourtant, ils ne sont pas trop sollicités sur le marché du travail. Toujours est-il qu’il y a, souvent, un problème d’intégration sociale. Outre le barrage de la langue arabe, les migrants font face au rejet de la société. L’étude montre également que le tiers des migrants viennent de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Congo et du Soudan. Ces quatre pays africains représentent à eux seuls 75% de l’échantillon. L’Erythrée, le Gabon, la Somalie, le Mali et le Nigeria viennent en second lieu. Somme toute, leur expérience migratoire en Tunisie n’a pas bien réussi. Et pour cause. Certains espèrent gagner l’Europe, d’autres pensent rentrer chez eux. Pour la Tunisie, il est temps de repenser sa politique de gestion migratoire

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