Entre liberté d’expression et atteinte aux symboles de l’état : Les frontières toujours floues

Slim Jebali, administrateur d’une page Facebook satirique très populaire, a été arrêté, récemment, sur fond d’une affaire l’opposant à la présidence de la République. Le ministère public au Tribunal permanent de première instance de Tunis a traduit, lundi dernier, ce blogueur devant le juge d’instruction militaire. 

Dix ans après la révolution, les craintes autour de la liberté d’expression sont toujours de mise. A chaque incident, les différents observateurs de la scène nationale mettent en garde contre des pratiques liberticides. Liberté d’expression, provocation, atteinte aux droits d’autrui, atteinte au prestige et aux symboles de l’Etat, la différence doit être soulignée entre ces différents termes, et les frontières, toujours floues, doivent être tracées. Autrement, on ne parviendra pas à éviter ce genre de situation qui nous rappelle la précarité du contexte de liberté en Tunisie.

La dernière affaire de l’arrestation d’un blogueur témoigne de cette situation. Slim Jebali, administrateur d’une page Facebook satirique très populaire, a été arrêté, récemment, sur fond d’une affaire l’opposant à la présidence de la République. En effet, le ministère public au Tribunal permanent de première instance de Tunis a traduit, lundi dernier, ce blogueur devant le juge d’instruction militaire.

Ce sont des posts Facebook mis en ligne en février dernier et jugés offensants qui lui ont coûté cette arrestation. Il est d’ailleurs accusé par la justice militaire d’avoir porté atteinte à l’image du Président de la République. Ce sont les services de la présidence de la République qui ont porté plainte pour atteinte à la personne du Président de la République.

Slim Jebali, alias «Mohamed Louzir», est un blogueur assez connu sur la Toile tunisienne. Il est administrateur de l’une des pages Facebook satiriques les plus anciennes en Tunisie. Ses publications, à travers lesquelles il critique sur un ton satirique, sont massivement partagées par les internautes.

En 2017, ce même blogueur avait été arrêté suite à une plainte déposée par le conseiller en communication de la présidence du gouvernement, Mofdi Mseddi, pour diffamation à travers les réseaux sociaux.

Arrestations et poursuites en masse

Cette affaire a provoqué une grande polémique d’autant plus que plusieurs députés, personnalités politiques et même partis ont alerté contre un retour aux anciennes pratiques liberticides. Dans un communiqué rendu public, le parti Ennahdha était le premier à dénoncer son arrestation, criant à l’atteinte à la liberté d’expression.

Le mouvement Ennahdha a dénoncé dans un communiqué rendu public «les arrestations et poursuites judiciaires à l’encontre de certains blogueurs, et le renvoi d’un certain nombre d’entre eux devant le tribunal militaire en raison de la publication de posts sur les réseaux sociaux».

En effet, le mouvement a affirmé son “refus du renvoi de civils par-devant des tribunaux militaires et toutes les formes de poursuites judiciaires et de restrictions sur les blogueurs, les professionnels des médias, les penseurs et les influenceurs », et a exprimé son « adhésion et sa défense absolue de la liberté d’expression garantie par la Constitution ».

Idem pour le parti Qalb Tounès qui a condamné aussi «le renvoi des blogueurs devant le Tribunal militaire sur fond de posts publiés sur les réseaux sociaux». Le parti a estimé que ces poursuites et pratiques répressives constituent une violation de la liberté d’expression prévue par la Constitution, soulignant la nécessité de juger les civils dans les tribunaux civils.

Au fait, pour ces deux partis, ce qui pose problème c’est notamment le recours aux tribunaux militaires et le renvoi de civils devant la justice militaire. Auparavant, plusieurs blogueurs, influenceurs et activistes de la société civile ont été traduits devant la justice à propos d’affaires les opposant aux responsables gouvernementaux.

En novembre 2020, le blogueur Wajdi Mahouechi avait été condamné par la justice à deux ans de prison ferme pour «calomnie publique» et «outrage à un fonctionnaire» conformément au code pénal de 2001. Wajdi Mahouechi avait reproché avec véhémence à un magistrat de ne pas enquêter sur un imam ayant justifié le terrorisme.

L’écrivain et journaliste tunisien Taoufik Ben Brik a été arrêté et écroué pour des propos tenus durant la campagne présidentielle de l’automne 2019. Il avait alors dénoncé une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, après l’emprisonnement du candidat Nabil Karoui, accusé de blanchiment d’argent.

Après avoir étudié les cas de 40 blogueurs, administrateurs et administratrices de pages Facebook très suivies, militants politiques et défenseurs des droits humains, Amnesty International affirmait que «ces trois dernières années, un nombre croissant de poursuites pénales ont été engagées contre des blogueurs ou des utilisateurs de Facebook qui n’avaient fait qu’exprimer pacifiquement leurs opinions en ligne». 

«Ces personnes ont fait l’objet d’enquêtes ou ont été inculpées et parfois condamnées pour des chefs d’accusation tels que la diffamation, l’outrage aux institutions de l’État et le fait d’avoir « nui » à autrui à travers les réseaux de télécommunication. Ces cas révèlent une tendance inquiétante à juger des gens pour le seul exercice pacifique de leur droit à la liberté d’expression en ligne», a-t-on conclu.

On affirme aussi que «les autorités tunisiennes ont fait preuve d’une intolérance croissante à l’égard des personnes qui critiquent les agents ou les institutions de l’État. Elles ont engagé de plus en plus de poursuites contre des blogueurs et blogueuses et des internautes pour des propos non violents jugés insultants ou irrespectueux».

Sauf que ces pages Facebook, très actives et suivies par des millions d’internautes tunisiens, sont aussi liées à la vie politique en Tunisie. Leur activité ne peut pas être décontextualisée de tout le paysage politique, notamment si on rappelle que de nombreuses pages Facebook avaient été mobilisées à des fins électorales lors des élections de 2019. Les internautes sont, certes, libres d’exprimer leurs opinions et leurs convictions dans le respect de la loi, loin de toute instrumentalisation politique et sans porter atteinte à la souveraineté et aux symboles de l’Etat.

Un commentaire

  1. Faouzi Najar

    08/06/2021 à 05:56

    Article très mal écrit
    Ou sont les faits pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion

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