Il est communément admis, qu’un sujet reposant sur l’appréciation, ne manque pas d’être éclaboussé d’un zeste de subjectivité. Mais…en ce qui concerne cette manne de gardiens de but que le sélectionneur national a sous la main, et encore, il ne semble pas avoir fermé sa liste, étant donné que les compétitions nationales et les matches amicaux sont encore en cours, il lui faudra en fin de compte trancher.
Le problème c’est que les sentiments, les influences qui ne manqueront pas de jouer leur rôle, les affirmations des proches ou des différents médias, sont des leviers qu’il faudrait savoir manœuvrer pour éviter de tomber à côté de la plaque. Un gardien de but, c’est un homme, parfois seul, qui est dans l’obligation de porter tout le poids d’une équipe. On célèbre le buteur mais on oublie souvent celui qui a sauvé une demi-douzaine de situations désespérées.
Outre ses qualités physiques (détente, réflexes), son charisme, son caractère et son savoir-faire, le gardien de but a un rôle important : il doit pouvoir faire preuve d’autorité (crier pour réorganiser sa défense lors d’une offensive adverse, pour placer son mur avant un coup franc, etc.) et s’imposer (sorties aériennes au cours d’un corner par exemple).
Nous avons sans doute tous eu l’occasion de voir ce dernier rempart se dresser de toute sa stature, face à des adversaires qui s’acharnent, mais qui sont aussitôt remballés en dépit de tous leurs efforts, face à des reflexes aiguisés, une concentration de tous les instants et surtout d’une personnalité qui secoue les différentes parties d’un dispositif défensif en mal d’inspiration.
Retour en grâce
Le retour en grâce de Ben Chrifia, qui est revenu à son meilleur niveau, a permis à l’Espérance de franchir des obstacles qui avaient paru, à un moment donné, infranchissables. Il a su comment « complexer » ses adversaires qui ne savaient plus sous quel angle le prendre au dépourvu. Et ils n’ont pas réussi.
C’est qu’un gardien de but est devenu, au fil de l’évolution du football moderne, non pas seulement le dernier rempart, mais aussi le régulateur des dispositifs défensifs mis en place, le libéro qui doit très bien jouer des deux pieds et surtout l’homme qui, par ses montées avisées, donne la possibilité de souffler à ses arrières qui ne se trouvent plus obligés de revenir au plus haut pour repartir et réamorcer les opérations.
Nous sommes bien loin des temps où, cruellement, c’était le propriétaire du ballon, le petit gros ou celui qui ne savait pas jouer, qui était relégué au poste de « gardien de but », entre deux pierres ou deux vestes en boule.
Une véritable spécialité
Etre gardien de but est devenu une spécialité qui demande énormément de travail. Un poste-clef pour réamorcer les attaques et surtout pour stabiliser l’arrière-garde. Que ce soit au moyen de la relance à bras roulé ou des pieds, il voit juste où remettre le cuir, pour gagner du temps et, bien sûr,surprendre l’adversaire.
Son rôle a donc évolué ces dernières années, pour accompagner un football de plus en plus rapide. Il doit savoir relancer proprement et précisément, des deux pieds, si possible, en jeu court ou long, et être le premier contre-attaquant. Son rôle a surtout changé au niveau de la technique balle au pied et de la précision de ses relances.
Le gardien de but est un homme, un travailleur de l’ombre, un nom qu’on oublie, après une victoire, mais que l’on regarde avec gêne en cas de défaite. Mentalement et physiquement fort pour tenir 90 minutes et plus sur le terrain, il se doit de garder son sang froid lorsque ses camarades sont bousculés et empêtrés dans leur manque de réussite. La différence entre la victoire et la défaite dépend souvent des qualités morales et mentales du gardien de but.
Bien entendu, ce « métier » est un atout pour le gardien de but dont la moyenne d’âge recule avec l’expérience, la bonne préparation physique et bien sûr la faculté de se concentrer et de « lire » le jeu pour l’orienter et placer sa défense.
Le métier et l’expérience
Il n’y a qu’à voir l’apport de Mathlouthi (actuellement en convalescence dorée depuis un bon bout de temps), le jour où il était revenu prêter main forte à son équipe qui se relevait d’un échec retentissant. L’équipe a immédiatement gagné en rigueur et le placement de ces mêmes défenseurs qui encaissaient régulièrement des buts a été tout autre.
Le même cas pour Ben Chrifia , qui a complètement métamorphosé le dispositif « sang et or ». Ce retour en grâce n’a pas été un cadeau de la providence. Bien sûr, il a fallu convaincre l’entraîneur que c’était bien le moment de revenir à la place de titulaire, mais la responsabilité était énorme pour une équipe qui joue les premiers rôles et qui vise une consécration continentale.
Les échos nous venant d’Arabie Saoudite faisaient l’éloge de Ben Mustapha qui, avec l’âge, a acquis beaucoup d’expérience et également le langage qu’il faut pour secouer ses camarades, leur souffler le bon moment, leur suggérer le meilleur placement pour enrayer une attaque ou pour anticiper les velléités de l’adversaire. Il n’est pas donné de se faire élire régulièrement le « meilleur » gardien de but du royaume. Pour ce gardien du temple, c’est sans doute le temps, le moment de faire valoir ses grandes qualités. C’est que Ben Mustapha en dépit de ses qualités intrinsèques, donnait l’impression d’être quelque peu volage dans sa cage. Les années d’expérience, la rigueur de la compétition lui ont donné de l’assurance, l’ont poussé à devenir plus rigoureux et surtout plus présent dans sa zone de vérité.
C’est dire qu’à l’exception de Mathlouthi, qui est en mesure de revenir en force, à la faveur des prochaines sorties, le onze tunisien a le choix. Le football tunisien peut s’enorgueillir de posséder des gardiens de but de qualité.
Temps de jeu
Mais qu’en est-il du reste des gardiens convoqués ?
Reste le cas de Hassen. C’est sans doute un jeune pétri de qualités, mais depuis son apparition en Coupe du Monde où on lui a donné sa chance, il n’est pas arrivé à convaincre ses employeurs. C’est qu’en fin de compte, c’est un jeune qui a besoin de temps de jeu. L’expérience de la compétition, de la haute compétition est pour ainsi dire irremplaçable. Il sera sans doute plus convaincant une fois qu’il trouvera preneur et qu’il sera en mesure de prouver ce dont il est capable.
Le tour d’horizon est vite fait si l’on considère que ces gardiens sont les plus en vue et qu’ils sont capables «d’enlever» une place de titulaire pour être le dernier rempart de notre équipe à la CAN.
Bien entendu, cette « estimation» reste sujette à la période de forme qui sera peut-être présente pour l’un et…malheureusement absente pour un autre. Ce sera à leur préparateur de juger en fonction de son expérience et de sa …conscience.
Toujours est–il qu’un vieil adage nous vient à l’esprit : dans ces compétitions où l’expérience et la maîtrise émotionnelle sont les premiers atouts, surtout pour un gardien de but, on dit « qu’un vieux assis voit plus loin qu’un jeune debout ».
C’est au sélectionneur de choisir, entre les mains de qui confier cette cage que tous se jurent de bien garder le jour venu. Avec des chances différentes, bien sûr, mais assurément avec toute la volonté et le savoir-faire que leurs qualités personnelles leur procureront le jour J.