Fin de saison ou rentrée, selon l’angle auquel on se place, peut-être
auriez-vous l’occasion d’aller à Paris ces jours-ci. Dans ce cas, avant que ne démarre chez nous la saison des expositions, ne manquez pas de voir celles qui, dans la ville lumière, ont bravé canicule et corona.
La plus touchante : divas, d’Oum Kalthoum à Dalida à l’IMA
«Oum Kalthoum, Fayrouz, Warda, Sabeh, les mélodies prodigieuses et légendaires des divas, leur ardeur, ont été le symbole d’une intense révolution artistique», écrit Jack Lang pour présenter l’exposition.
Une exposition étonnante, multiforme, aussi sonore que visuelle. On y voit des films, des interviews, des reconstitutions. On y entre dans l’intimité de leur intérieur, de leur garde-robe, de leur loge. On y entend les concerts les plus célèbres, mais aussi les plus oubliés.
Sur un espace de près de 1.000 mètres carrés qui leur est dédié, l’exposition raconte les féministes avant-gardistes du Caire qui permirent à ces femmes d’exister. Car toutes, si elles étaient des artistes, étaient également des pionnières, des combattantes qui clamaient leur hymne à la liberté. L’exposition raconte l’âge d’or du cinéma, celui des comédies musicales. Elle raconte ces parcours, tous différents, de ces héritières d’une période d’effervescence artistique.
Mais au-delà, elle laisse deviner comment leur art, la puissance de leur talent, leur majestueuse liberté les ont placées à la frontière du sacré.
«Divines divas, iconiques déesses», disait encore Jack Lang, l’exposition de l’IMA a su leur rendre hommage.
La plus inattendue : Damien Hirst et ses «Cerisiers en fleurs» à la fondation Cartier
De Damien Hirst, on connaissait les requins coupés en deux et conservés dans du formol, les crânes et les armoires à pharmacie. De l’enfant terrible de Bristol, on connaissait la fascination pour l’éphémère de la vie et la mort. Aussi était-il tout à fait inattendu de voir que, pour sa première exposition institutionnelle en France, il a choisi «les cerisiers en fleurs». Dans la série de quelque 30 tableaux exposés, l’artiste réinterprète avec une ironie joyeuse le sujet traditionnel et populaire de la peinture de paysage.
«Ces toiles sont ornementales, mais peintes d’après nature… Elles montrent l’incroyable et éphémère beauté d’un arbre en fleurs dans un ciel sans nuages. C’était jouissif de travailler sur ces toiles, de me perdre entièrement dans la couleur et la matière…Les «Cerisiers en fleurs» sont tape-à-l’œil, désordonnées et fragiles, et grâce à elles, je me suis éloigné du minimalisme pour revenir avec enthousiasme à la spontanéité du geste pictural»
Cette collection s’inscrit dans la lignée de recherches picturales que mène Damien Hirst depuis le début de sa carrière, sur la couleur et le geste de l’artiste. Mais elle cache aussi une réflexion récurrente chez lui sur la vie et la mort. Et derrière le flamboiement joyeux des fleurs de cerisier, une approche plus approfondie se dessine, dans l’entrelacs sombre des branchages, l’annonce de la fin.
La plus médiatisée «Ouverture» la collection Pinault à la Bourse de Commerce
La vedette de l’exposition est certainement le magnifique édifice de la Bourse de Commerce, ancienne halle au grain, magnifiquement restaurée, dont la coupole et les fresques superbes fascinent le spectateur.
«Ouverture», le titre choisi par François Pinault, illustre parfaitement les valeurs de sa démarche artistique : liberté, diversité, recherche de situations nouvelles et volonté de rapprocher l’art contemporain de différents publics. Ouverture également à la multiplicité des pratiques : peinture, sculpture, video, installation, photographie, œuvres sonores, lumineuses, performances…
Une trentaine d’artistes entrecroisent le fil de leurs propositions et la diversité de leurs thématiques. François Pinault a choisi personnellement chaque artiste, chaque projet, chaque œuvre, chaque étape de leur réalisation
La pièce phare de l’exposition est évidemment la gigantesque reproduction de la sculpture de Giambologna «L’enlèvement des Sabine», installation d’Urs Fischer. Cette réplique en cire, d’un chef-d’œuvre de la statuaire du XVIe siècle, est une réflexion sur la fragilité de ce que l’on croyait pérenne. Des mèches allumées dans la cire engagent la combustion de l’installation que l’on voit se désagréger peu à peu, transformant le formel en informée, le minutieux en aléatoire. Et puis, dans les étages, la rencontre insolite avec une souris bégayante de voix inhabituelles au discours hésitant et incomplet est aussi un grand moment de la visite.
La plus tunisienne: Azzedine Alaïa et Peter Lindbergh à la fondation Alaïa
Celle qui nous concerne le plus, l’exposition que la Fondation Azzedine-Alaïa présente : les photos de Peter Lindbergh consacrées aux collections du créateur tunisien dans les années 80.
Le photographe et le couturier partagent le même univers esthétique. Ils partagent un territoire où l’un se veut le reflet de l’autre. Les tonalités sombres, le parti pris de monochrome, cultivés en tirages argentiques et en aplats vestimentaires définissent et unifient leur style.
A travers les visages qu’ils participent à magnifier, Lindbergh et Alaïa réalisent leur grande œuvre dans ce rapport étrange de deux disciplines qui tentent de se faire oublier pour mieux révéler l’autre. Tous deux auront été les grands artisans passionnés de ces visages qui ont baptisé les années 80 et sacré l’ère des grands modèles.