Accueil A la une Mort suspecte d’un nouveau-né à Sidi Bouzid : Erreur médicale ou acte d’agression ?

Mort suspecte d’un nouveau-né à Sidi Bouzid : Erreur médicale ou acte d’agression ?

Cette affaire ouvre une nouvelle fois le débat autour de certaines pratiques répandues dans nos hôpitaux devenus, dans certains cas, à haut risque. Les Tunisiens jouissent-ils de leurs pleins droits une fois pris en charge par les établissements hospitaliers publics ? Nos hôpitaux et nos cadres médicaux et paramédicaux respectent-ils le strict minimum des exigences des Tunisiens en matière d’accès à la santé ?  Que se passe-t-il dans certains établissements hospitaliers et pourquoi ce genre de drame est-il récurrent ?

Encore un bébé décédé dans des circonstances absurdes. Nombreuses sont les personnes qui sont mortes dans de telles conditions sans que leurs familles ne parviennent à connaître la vérité. Cet incident doit forcément mettre fin à ce genre de pratiques à l’origine de drames et du malheur de dizaines de familles tunisiennes. Il est inacceptable d’imputer toute la responsabilité aux médecins et au personnel soignant, certes, mais loin de toute intention de leur faire payer les prix de la mauvaise gestion de nos hôpitaux et de la défaillance de tout le système sanitaire, aujourd’hui, il est indispensable d’en finir avec la culture de l’impunité dans nos établissements hospitaliers.

A Sidi Bouzid, une nouvelle affaire de décès dans des circonstances peu claires éclate, alors que la tension sociale dans ce gouvernorat est déjà palpable. Et quand on sait que la victime est un nouveau-né, l’affaire prend une autre tournure.

Dans cette région du centre-ouest, une naissance a tourné, récemment, au drame, lorsqu’un nouveau-né est décédé quelques instants après l’accouchement à l’hôpital régional.  Le père accuse le personnel soignant, dont notamment un médecin, de négligence et de non-assistance à personne en danger.

L’adjoint du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Sidi Bouzid, Jabeur Ghenimi, a confirmé les faits, annonçant l’arrestation de pas moins de dix personnes, dont un médecin, suite à la mort d’un nourrisson le jour de sa naissance. «Le médecin légiste a constaté des blessures sur le corps du nourrisson et il y a eu des aveux», a-t-il déclaré, privilégiant un acte de négligence médicale ou même de violence, en attendant les résultats définitifs de l’enquête en cours.

Au fait, le père de famille avait porté plainte suite au décès de son nouveau-né. «L’enquête a révélé que le médecin néonatal n’était pas présent lors de la naissance. L’état de santé de la mère était critique et nécessitait sa présence», expliquent dans ce sens des sources judiciaires.

Selon les aveux du médecin en question, le nouveau-né aurait subi un choc violent après sa naissance. En tout cas, sur fond de cette affaire, un médecin et trois membres du personnel médical ont été arrêtés, alors qu’un autre médecin, le directeur régional de la santé et le directeur de l’hôpital, ont été auditionnés.

Des charges assez lourdes 

Jusqu’à présent, les circonstances de ce drame sont peu claires. Cependant, les charges retenues contre ces personnes sont assez lourdes. Elles sont accusées de falsification, détention et usage de faux, de non-assistance à personne en danger et d’homicide volontaire.

Cette affaire ouvre une nouvelle fois le débat autour de certaines pratiques répandues dans nos hôpitaux devenus, dans certains cas, à haut risque. Les Tunisiens jouissent-ils de leurs pleins droits une fois pris en charge par les établissements hospitaliers publics ? Nos hôpitaux et nos cadres médicaux et paramédicaux respectent-ils le strict minimum des exigences des Tunisiens en matière d’accès à la santé ?  Que se passe-t-il dans certains établissements hospitaliers et pourquoi ce genre de drame est-il récurrent ?

On se souvient tous de l’affaire de l’hôpital La Rabta où plusieurs nourrissons sont décédés suite à une infection. En effet, 14 nouveau-nés sont morts au centre de maternité et de néonatologie Wassila-Bourguiba, à La Rabta, au cours de la période du 6 au 15 mars 2019 en raison d’une bactérie ayant touché la préparation alimentaire transfusée aux nourrissons, selon la commission d’enquête sur le décès des nouveau-nés. Depuis, le dossier a été clôturé et seulement trois personnes ont été accusées d’homicide involontaire sans que l’on n’ait une suite à cette affaire ayant choqué les Tunisiens.

Ces drames témoignent d’une nette dégradation de la situation dans nos hôpitaux dans la mesure où des vies humaines sont devenues continuellement menacées. Pourtant, le projet de loi relatif aux droits des patients et à la responsabilité médicale est toujours bloqué au Parlement depuis mai 2019.

Au vu de la situation sanitaire et face aux multiples cas de non-assistance à des personnes en détresse, l’examen et l’adoption du projet de loi sur la responsabilité médicale et les droits des patients s’imposent, d’autant plus qu’aujourd’hui, son adoption peut intervenir par le biais d’un décret présidentiel.  

Au fait, ce projet de loi, qui ne fait pas l’unanimité, notamment auprès des médecins, regroupe une définition de concepts de base tels que les erreurs médicales, les accidents médicaux et les dommages inhabituels. Il définit les droits des patients en incitant les structures et les établissements de santé à assurer leur sécurité et leurs droits fondamentaux conformément aux spécifications de la qualité du traitement, et en établissant une voie de règlement consensuel qui permette aux personnes touchées par des accidents et des erreurs médicales d’obtenir une indemnité.

Notons que les médecins s’opposent toujours à ce projet, obligeant le ministère de la Santé à le retirer de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) suspendue pour une deuxième lecture. Ils dénoncent son amendement en commission parlementaire sans consultation des médecins et du ministère. Depuis, le projet est suspendu et des drames continuent de survenir sans que les familles tunisiennes n’accèdent à la vérité.

Actuellement, les erreurs médicales sont régies par les articles 217 et 225 du Code Pénal, qui prévoient des peines privatives de liberté, soit pour «homicide involontaire commis ou causé par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements», ou suite à «des lésions corporelles» provoquées involontairement.

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