La Tunisie est au cœur de l’attention de plusieurs forces étrangères. Depuis les évènements du 25 juillet, plusieurs pays se sont prononcés sur la situation en Tunisie et sur ce qu’ils appellent une déviation de la voie démocratique. Quoi qu’il en soit, notre pays fait toujours face à la multiplication de ces réactions étrangères qui frôlent, dans certains cas, l’ingérence dans les affaires internes du pays.
Récemment, l’affaire de la haute responsable syndicale européenne a rouvert le débat autour de cette question. Expulsée samedi dernier de Tunisie, sur décision du Président de la République, la secrétaire générale de l’Union des syndicats européens, Esther Lynch, est déclarée persona non grata. Cela ne sera pas sans conséquences sur les relations qu’entretient la Tunisie actuellement avec l’Occident, mais pour le Président de la République, la souveraineté de la Tunisie est une ligne rouge. D’ailleurs, un jour avant, il a rappelé que la souveraineté du pays n’est pas à vendre et que la Tunisie est un pays libre et souverain. Il a dans ce sens critiqué les campagnes de diffamation menées contre la Tunisie, depuis la Tunisie. Malheureusement, ces campagnes, a-t-il déploré, trouvent des oreilles attentives auprès de «ceux qui ignorent totalement la réalité de la situation» en Tunisie. Au fait, la concernée a réagi elle-même à cette décision. Lynch a appelé, dans des déclarations médiatiques, Saïed à respecter les droits de l’homme et à «cesser ses attaques contre les syndicats» .
Elle a menacé qu’elle allait se plaindre de ses agissements envers sa personne, auprès des plus hauts niveaux de l’Union européenne. Tunis a ordonné, rappelons-le, le départ d’Esther Lynch, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats. Cette dernière est la plus haute responsable syndicale des 27. Les autorités lui ont donné, samedi dernier, 24 heures pour quitter le territoire.
Esther Lynch avait exprimé le soutien de la Confédération européenne à l’Ugtt, soulignant que l’Ugtt «est une partie de la solution et non le problème et que tous les gouvernements qui ont réussi ont négocié et dialogué avec les syndicats ». «Attaquer les syndicats est une grosse erreur, l’Ugtt est la vraie voix des travailleurs et nous allons la soutenir dans son rôle», a-t-elle déclaré. Depuis le 25 juillet, ce n’est pas une première de voir le Président Kaïs Saïed procéder à ce genre de décisions pour défendre la souveraineté du pays. On rappelle qu’en mai dernier, il avait déclaré les membres de la Commission de Venise, persona non grata en Tunisie, les sommant de quitter le pays. Kaïs Saïed avait menacé de retirer l’adhésion de la Tunisie à cette commission, appelant toute personne appartenant à cette structure de quitter la Tunisie. Pour lui, les positions de cette Commission constituent une ingérence dans les affaires internes de la Tunisie et une atteinte à sa souveraineté.
L’Ugtt dénonce et accuse
Réagissant à cette décision qui la concerne directement, l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a multiplié les apparitions médiatiques pour dénoncer ce nouveau rebondissement. Son porte-parole, Sami Tahri, est allé jusqu’à accuser le Président de la République de double discours. Pour sa part, son secrétaire-général, Noureddine Taboubi a fustigé ce genre de décisions affirmant que le pays «ne peut pas être construit avec ce langage de haine, d’insultes ou d’accusations». Il a estimé que la présence de la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, Esther Lynch, était un message de soutien, d’appui et de solidarité et non pas un recours aux étrangers, comme on essaye de le pré – senter. Noureddine Taboubi a déclaré : «L’Ugtt ne se cache derrière personne, elle puise sa force dans ses principes, son histoire et ses militants, mais, la solidarité syndicale internationale est une leçon donnée par les syndicalistes du monde et pour laquelle ils ont milité et fait plusieurs sacrifices».
Il a ajouté que le pays doit sortir de ce climat d’injures et de discours de haine, ajoutant que l’Ugtt a ses instances et les décisions qu’elles émettent.
Taboubi a assuré que l’Ugtt est ciblée parce que sa voix présente la raison, et qu’il a fait part de sa posi – tion de façon nette et sans équivoque. Il a conclu que l’Ugtt est prête à l’affronte – ment pour faire face à cette attaque orchestrée par certaines parties pour faire passer leur projet de vente des acquis du pays.
Il faut noter que dans un communiqué rendu public, la Fédération syndicale mondiale (FSM) a dénoncé la décision de renvoyer de Tunisie la secrétaire géné – rale de l’Union des syndicats européens, Esther Lynch. L’organisation syndicale estime que cette décision aura de graves répercussions sur la Tunisie.
Réactions mitigées
En tout cas, la position offi – cielle de l’Ugtt a été docu – mentée dans un commu – niqué qui a dénoncé des pratiques «hostiles aux libertés syndicales ».
Cette décision a, encore une fois, polarisé les posi – tions politiques en Tunisie. Alors que certains ont loué ce genre de décisions qui, selon eux, préserve la sou – veraineté de l’Etat, d’autres craignent pour les relations étrangères du pays.
Le haut cadre syndicaliste Karim Trabelsi a publié dans ce sens un statut Face – book, considérant que la décision d’expulser la secré – taire générale de la Confé – dération européenne des syndicats, Esther Lynch, découle d’une ignorance des principes fondamen – taux du mouvement syndi – cal dans le monde. Karim Trabelsi estime que le ren – voi de la plus haute respon – sable syndicale européenne constitue «un scandale d’État au vrai sens du terme» . De son côté, l’ancien ministre de l’Éducation et président du parti de la Coa – lition nationale, Neji Jalloul, a salué la décision prise par le Président de la République Kaïs Saïed ajoutant que la décision du Chef de l’État était «logique étant donné que cette responsable syn – dicale européenne a évo – qué lors de ses déclarations médiatiques la vague d’arrestations survenue récemment en Tunisie».
Accusations d’ingérence
Dans ce même contexte, une polémique a également eu lieu lorsque le Syndicat national des journalistes tunisiens a reçu plusieurs ambassadeurs de pays étrangers dans ces locaux. La visite, précise un com – muniqué du syndicat, a porté sur la situation de la liberté de la presse en Tuni – sie, le travail des médias et les défis auxquels ils sont confrontés.
Sauf que le syndicat a fait face à plusieurs critiques et accusations. L’expert en géopolitique et professeur universitaire Rafaâ Tabib est allé jusqu’à insulter les journalistes du Snjt en les traitant de «traîtres et de merce – naires» après avoir reçu des ambassadeurs européens au siège du syndicat pour exprimer leur soutien.