Photo prise le 5 août 2023 par les garde-côtes italiens (Guardia Costeria) qui montre l’opération de sauvetage au sud de Lampedusa qui a permis de sauver 57 migrants et de récupérer des corps sans vie. Au moins 41 migrants sont morts à la suite des deux naufrages au large de l’île italienne de Lampedusa
Sur le phénomène migratoire, tout a été dit. Seulement, poser le problème, tenter d’en analyser les causes profondes, s’avère être un exercice salutaire. Peut-on se résoudre sinon à voir autant de vies humaines périr chaque jour, sans rien faire, sans rien dire ?
Pour commencer, depuis le début de cette tragédie en Méditerranée, les pays dont sont majoritairement issus les migrants se situent en Afrique subsaharienne, donc la partie de l’Afrique au sud du Sahara. Or, la Tunisie n’a que deux frontières terrestres. Les migrants ne peuvent y accéder que par les deux pays voisins, davantage par la Libye que par l’Algérie, il est vrai. Etant la plus proche des frontières de l’Europe, en l’occurrence italiennes, la Tunisie est la cible convoitée des flux migratoires. A partir de cet état de fait, les traversées illégales se sont succédé et les naufrages également. Les chiffres sont effarants. « La crise humanitaire qui persiste en Méditerranée centrale est intolérable. Avec plus de 20.000 décès enregistrés sur cette route depuis 2014, je crains qu’il y ait une normalisation de ces décès», déplore le directeur général de l’Organisation internationale pour les migrants, (OIM), Antonio Vitorino.
Pas plus tard que dimanche 6 août, un naufrage de deux bateaux a été annoncé au large de l’île de Lampedusa, par la même organisation, l’OIM. Les gardes-côtes italiens ont pu sauver 57 personnes. Mais au moins 41 migrants ont péri. Les deux embarcations avaient pris le large jeudi 3 août, depuis la ville côtière de Sfax, point de départ des traversées illégales, et ont chaviré en chemin. Le décompte morbide se poursuit donc. La mauvaise réputation des routes migratoires de la Méditerranée, plus meurtrières que jamais, se confirme également.
Quelque 84% de l`économie mondiale est détenue par les G20
La Tunisie fait partie de la route de la Méditerranée centrale, qui est devenue la principale route migratoire vers l’UE. Celle-ci représente près de la moitié des entrées irrégulières dans l’UE en 2023. Au cours des six premiers mois de cette année, le nombre de détections de franchissements irréguliers aux frontières extérieures de l’UE a atteint 132 370. Le total le plus élevé pour le premier semestre depuis 2016, et, 10 % de plus qu’il y a un an, selon des calculs préliminaires de Frontex, agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.
Tout a été dit également sur les causes profondes de ces migrations. Elles sont essentiellement économiques. Puisque 84% de l’économie mondiale est détenue par le G20 et les 16% restants sont réparties sur les 175 autres pays du monde. On peut conclure sur cette donne, tellement elle est définitive. Néanmoins, les autres facteurs prioritaires qui poussent les gens à fuir leur pays, sont les régimes, prédateurs qui s’enrichissent, en appauvrissant leurs populations. Mais encore, l’absence de démocratie et de liberté, les guerres et les soulèvements populaires, les coups d’Etat, le terrorisme et les conséquences du changement climatique. Toutes ces raisons réunies, ou seulement l’une d’elles, poussent les gens à vouloir s’exiler au péril de leurs vies.
Personne ne sera laissé pour compte !
Quels sont les remèdes ? Là encore, tout a été dit. Pour résoudre les problèmes migratoires massifs, ont été élaborés, entre autres, les Objectifs du Développement Durable, (ODD) adoptés par les leaders mondiaux en 2015. Ces ODD stipulent, idéalement, que « personne ne sera laissé pour compte ».
En 2016, les rapports volontaires nationaux sur les ODD, présentés par 22 pays à l’ONU, à New York, montrent que 2 pays sur 22 (la Finlande et l’Ouganda) ont bien compris les ODD et les processus de leur implémentation. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a relevé, dans le rapport des ODD 2017, des lacunes comme la lenteur dans la mise en œuvre, le manque de volonté politique des pays et autres problèmes de financement qui ont ralenti la mise en exécution de ces nouvelles stratégies.
Pour éradiquer ou du moins réduire le phénomène migratoire, un partenariat mondial devra lutter contre la pauvreté sous toutes ses formes, insiste-t-on lors des assises internationales, pour éliminer la faim, prévenir les catastrophes naturelles, réduire les inégalités à l’intérieur des nations et entre les nations et combattre le changement climatique. Le Plan Marshall pour l’Afrique présenté comme l’aboutissement d’un intense processus de dialogue, préconisent les rapports onusiens, peut résoudre durablement le problème migratoire.
En attendant de voir le début de l’application de ce plan et de bien d’autres, les traversées illégales se multiplient, le décompte morbide se poursuit. Même les mauvaises conditions de la météo et la mer agitée ne découragent plus les candidats à l’exil (forcé) à prendre la mer. Ceux qui arrivent à bon port, sains et saufs, sont accueillis et le plus souvent renvoyés chez eux. Ceux qui périssent, c’est leur destin, après tout. Face à l’innommable, il semble que l’humanité est en train de capituler.