La cybercriminalité pose de nombreux problèmes en Tunisie. Ces crimes qui échappent souvent à toute poursuite judiciaire, étant donné l’anonymat et la difficile traçabilité des personnes impliquées, menacent de plus en plus l’Etat tunisien, mais aussi les individus désormais confrontés quotidiennement à ces actes criminels dans l’espace digital et notamment sur les réseaux sociaux.
C’est dans ce contexte que la Tunisie est passée à un palier supérieur en matière de lutte contre la cybercriminalité avec la récente adoption de la loi organique n° 2024-9, approuvant son adhésion à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, signée à Budapest en 2001.
La publication officielle de la loi organique n° 2024-9 du 6 février 2024, qui officialise l’adhésion de la République tunisienne à la convention, a été sitôt annoncée au Journal officiel.
Mais qu’est-ce qu’au juste la convention de Budapest ? La Convention de Budapest est un traité international visant à lutter contre la criminalité sur Internet et à promouvoir la coopération internationale dans ce domaine. Elle a été ouverte à la signature en 2001 à Budapest, en Hongrie, d’où son nom.
La Convention vise notamment à harmoniser les lois nationales sur la cybercriminalité, à améliorer les capacités d’investigation et à renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les infractions commises via Internet, telles que la fraude en ligne, la pornographie enfantine, les atteintes aux systèmes informatiques et d’autres formes de criminalité électronique.
Parmi les principaux objectifs de la Convention, on trouve la création d’un cadre juridique commun pour la répression de la cybercriminalité, l’établissement de procédures d’entraide judiciaire entre les États signataires, et la promotion de la coopération entre les autorités compétentes dans la lutte contre la cybercriminalité.
En quoi le citoyen sera-t-il concerné ?
Cette adhésion permettra à la Tunisie d’accéder à de nombreux services et privilèges offerts par le bureau du Programme sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe (C-Proc) à Bucarest, en Roumanie.
Cela comprend un soutien pour : renforcer la législation sur la cybercriminalité et les preuves électroniques conformément aux normes de l’État de droit et des droits de l’homme, former les juges, les procureurs et les agents de l’application de la loi, établir des unités spécialisées dans la cybercriminalité et la criminalistique, et améliorer la coopération interinstitutionnelle, promouvoir la coopération public/privé, protéger les enfants contre la violence sexuelle en ligne, etc.
Mais en quoi le citoyen tunisien est-il directement concerné ? Pour les spécialistes, si cette convention offre une panoplie d’opportunités à la Tunisie, l’impact direct sur les citoyens dans l’espace digital n’est pas immédiat d’autant plus que la Tunisie doit désormais réformer certains décrets et lois pour répondre aux exigences de cette convention.
En effet, des outils et des mécanismes de coopération envisagés par la Convention de Budapest seront à la disposition de la Tunisie, une fois qu’elle est devenue une partie du traité. La réforme du cadre législatif national s’annonce, donc, nécessaire d’autant plus que la Tunisie manque de nombreux mécanismes de lutte contre ces formes de crimes.
Une fois les réformes faites et les mécanismes juridiques installés, l’application de cette convention permettra de protéger les citoyens de toutes les formes de cybercriminalité, notamment en ce qui concerne les crimes de pédophilie, le vol de données personnelles et le chantage et menaces via les réseaux sociaux, mais surtout les crimes financiers et le piratage des données et des comptes.
En effet, si la cybercriminalité fait référence à toutes les activités criminelles qui utilisent des technologies de l’information et de la communication comme moyen pour commettre des délits, le faible cadre légal en la matière ne permet pas à l’Etat de lutter efficacement contre ce phénomène qui s’amplifie de plus en plus.
Ces activités peuvent varier considérablement, allant du piratage informatique et du vol de données à la fraude en ligne, en passant par le harcèlement en ligne, la diffusion de logiciels malveillants et d’autres formes de criminalité numérique, nous évoquons même les cas d’espionnage.
De même, à cet effet, une nouvelle loi sur la sécurité cybernétique est prévue dans la prochaine phase, comportant plusieurs dispositions, dont certaines donnant de nouvelles prérogatives à l’Agence nationale de sécurité informatique (Ansi) afin qu’elle puisse offrir l’encadrement technique nécessaire aux entreprises publiques et privées actives dans le domaine de la sécurité informatique.
Quid du décret 54 ?
Cette décision, saluée par le ministre des Technologies de la communication, Nizar Ben Néji, témoigne de l’engagement du pays à renforcer ses mécanismes de protection numérique dans un contexte mondial marqué par une augmentation alarmante des cybermenaces. Cependant, elle mènera à la réforme de nombreux cadres légaux qui seraient en inadéquation avec les différentes dispositions de ladite convention, nous évoquons notamment le décret 54. Il faut rappeler que ce décret avait suscité une levée de boucliers de la part de la société civile et a été critiqué par le Parlement européen.
Pour répondre à cette problématique posée par les députés lors de la plénière consacrée à l’adoption de cette loi, le ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique a indiqué que ladite convention, encore moins le décret 54, ne sera pas appliquée contre les journalistes dans la mesure où ces derniers sont soumis aux dispositions du décret-loi n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’édition.