Accueil A la une Huile d’olive tunisienne : Une star mondiale à préserver

Huile d’olive tunisienne : Une star mondiale à préserver

La Tunisie se hisse aujourd’hui à la 4e place mondiale avec 10 % du marché global de l’huile d’olive. Ce secteur stratégique, pilier de l’économie nationale, génère chaque année des milliards en devises. L’huile d’olive tunisienne, reconnue pour sa qualité, s’impose aussi comme un leader mondial dans la production biologique. Cependant, face à une concurrence internationale grandissante et aux défis liés aux changements climatiques, le pays doit redoubler d’efforts pour assurer la pérennité de son secteur oléicole.

L’huile d’olive tunisienne s’impose aujourd’hui comme un pilier de l’économie nationale. En 2024, l’exportation de l’huile d’olive a généré à elle seule plus de 5 milliards de dinars en devises, représentant plus de la moitié des recettes agricoles extérieures du pays.

Dans ce cadre, Faouzi Zayani, expert en politiques agricoles et en développement durable, a déclaré : « Nul ne doute du caractère ancestral du secteur oléicole en Tunisie, qui remonte à l’époque préromaine. Le pays de Hannibal, Magon le Carthaginois et Elyssa a, au fil des siècles, toujours été convoité par les importateurs européens et d’autres marchés ». 

Une place stratégique sur le marché international

Classée de manière régulière parmi les quatre premiers pays producteurs et exportateurs, la Tunisie a atteint la 4e place mondiale avec 10 % du marché global pour la saison 2023-2024, et elle est passée au 2e rang mondial pour la saison 2024-2025. Il convient de préciser que, contrairement aux chiffres publiés par le ministère du Commerce qui s’appuient sur l’année administrative, les données du secteur oléicole sont présentées par saison. Ce secteur constitue le fleuron de l’agriculture tunisienne. L’huile d’olive est le premier produit agricole et agroalimentaire exporté, avec des recettes en devises atteignant 5,162 milliards de dinars pour la saison 2023-2024, et un volume d’exportation de 196.000 tonnes.

La Tunisie est également  le premier pays producteur et exportateur d’huile d’olive biologique au monde, et s’est forgée une image de marque solide face à une concurrence redoutable. Elle reçoit chaque année des centaines de médailles lors de compétitions internationales de qualité. Dernier exemple en date : la prestigieuse compétition « Mario Solinas Hémisphère Nord », organisée en Espagne par le Conseil oléicole international en 2025, où la Tunisie a été classée deuxième.

Les raisons de cette performance sont multiples. D’une part, le secteur bénéficie d’un soutien important de l’Etat : exonérations fiscales, subventions financières, et avantages à l’exportation. D’autre part, l’exportation représente une priorité stratégique, notamment dans le domaine agricole, qui a rapporté près de 10 milliards de dinars en devises en 2024, dont plus de la moitié provient de l’huile d’olive.

Face aux changements climatiques, la Tunisie a encouragé la culture de l’olivier en mode irrigué, ce qui a permis une croissance continue de la production, contrairement à des pays comme l’Italie qui connaissent une baisse. Faouzi Zayani ajoute : « La Tunisie, qui exporte 90 % de sa production, gagne ainsi progressivement du terrain sur le marché mondial. Toutefois, cette performance a un revers : elle exerce une pression considérable sur les ressources en eau. Le pays est confronté à un stress hydrique croissant qui pourrait, à terme, menacer la durabilité de la culture des oliviers ».

Il rappelle également que cette ascension au rang de deuxième exportateur mondial pour la saison 2024/2025 est aussi le fruit de l’extension du nombre d’oliviers plantés ces dernières années : « La Tunisie en comptait 117 millions à fin 2024 ». Elle conserve également son rôle de leader mondial dans l’huile d’olive biologique.

Des défis écologiques

Ce classement international, aussi flatteur soit-il, place la Tunisie face à des défis majeurs, en particulier celui de la gestion durable des ressources naturelles et du renforcement de la souveraineté alimentaire. La filière oléicole monte en gamme grâce à l’essor des oliveraies irriguées, à l’intérêt croissant des investisseurs, et à la hausse des volumes exportés. Mais cette dynamique appelle à une réflexion stratégique.

En effet, plusieurs interrogations s’imposent : « Quelle est la stratégie nationale en matière de valorisation de l’huile d’olive et de ses sous-produits ? Où en est la labellisation ? Existe-t-il une politique de marketing efficace ? Comment soutenir les petits producteurs face aux défis climatiques et aux obstacles tels que l’accès au financement ? Peut-on réellement concilier développement économique durable et exigences de l’export dans un monde concurrentiel, souvent peu soucieux de l’environnement et de l’agriculteur ? ».

Promouvoir l’huile d’olive tunisienne à l’échelle internationale est un défi de taille, d’autant plus que la concurrence est parfois déloyale. Faouzi Zayani conclut : « De nombreux pays cherchent à conserver leur domination sur le marché oléicole, créant ainsi une certaine confusion chez le consommateur, parfois induit en erreur par des produits non conformes aux normes ». 

Pour tirer son épingle du jeu, la Tunisie doit actionner plusieurs leviers. Le pays, avec une moyenne annuelle de production de 300.000 tonnes (en hausse continue), ne compte qu’une seule AOC, celle de Téboursouk. « À titre de comparaison, la France, avec une production de seulement 6.000 tonnes, dispose de 9 AOP. C’est une aberration. Rien n’a été fait durant des années pour dynamiser ce secteur pourtant stratégique en matière d’emploi et de devises ».

Miser sur l’export de produits conditionnés

Il est impératif de maintenir un équilibre entre durabilité sociale, environnementale et performance économique. La Tunisie dispose de nombreux atouts : un riche patrimoine historique, une expertise avérée et un savoir-faire ancestral à valoriser sur de nouveaux marchés. Actuellement, elle exporte vers 64 pays, mais de nombreuses opportunités restent à exploiter. « Miser sur l’export de produits conditionnés à forte valeur ajoutée est essentiel ». 

Il convient aussi de faciliter l’accès des jeunes agriculteurs et exportateurs au financement et de simplifier les procédures administratives. Le développement de l’huile d’olive biologique doit rester une priorité, afin de consolider la position de la Tunisie sur ce créneau à forte valeur.

Zayani souligne aussi l’importance des leviers politiques et économiques à activer pour résister à la concurrence, notamment européenne. Il propose de revoir certains accords commerciaux déséquilibrés, d’abaisser les taxes douanières dans les pays manifestant un intérêt croissant pour l’huile tunisienne (notamment les États-Unis, le Canada), et de prospecter de nouveaux marchés en Afrique, en Amérique du Sud et du Nord, où le potentiel est réel.

La Tunisie pourrait également s’inspirer de l’ancien modèle des « comptoirs » de vente à l’étranger, en le modernisant sous forme de showrooms permanents mettant en valeur ses produits agricoles, agroalimentaires, artisanaux et du terroir. Enfin, le pays dispose d’une position géopolitique unique : arabe, africaine, méditerranéenne et musulmane, un atout stratégique pour accéder à davantage de marchés, à condition de respecter les normes sanitaires, de garantir la qualité, de moderniser la recherche, la communication et le marketing.

Charger plus d'articles
Charger plus par Sabrine AHMED
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *