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Entre émotion et raison, Gaza mérite mieux que des illusions

La Presse—Il faut avoir le courage de dire les choses telles qu’elles sont. Oui, l’élan tunisien en faveur de Gaza est respectable. Quand un peuple refuse l’injustice, c’est un réflexe digne. Quand un peuple dit non à l’indifférence, c’est un honneur. Et personne n’a le droit de mépriser cela.

Mais l’émotion, même juste, même sincère, ne suffit pas face à la brutalité de ce monde. Le cœur peut refuser l’injustice, mais ce monde obéit à la force. Face à la violence froide de la géopolitique, l’émotion seule devient un piège. Et Rafah n’est pas une porte. C’est une ligne de front. Ce n’est pas un symbole, c’est un champ de mines.

Demander à l’Égypte d’ouvrir un passage à des foules désorganisées, face à un Israël qui frappe sans pitié, serait un suicide. Une seule frappe aérienne sur cette caravane, et ce serait un carnage. Et ce carnage déclencherait quoi ? Une guerre. Pas seulement contre Gaza. Contre l’Égypte elle-même. On peut s’indigner. On peut trouver cela injuste. Mais c’est la réalité. Et le droit international est clair : aucun État n’est tenu d’ouvrir ses frontières à des groupes étrangers sans formalités. Pas par cruauté. Par nécessité.

Certains disent : assez de lucidité, assez de prudence, ça n’a jamais servi à rien. Mais céder à l’instant, à la colère, à l’émotion brute, c’est tomber dans le piège tendu depuis le début, celui de transformer une juste cause en chaos. Israël n’attend que cela. Que le désordre s’invite, pour dire au monde : «Regardez ces foules incontrôlées, nous faisons face au chaos».

Certains le savent, d’autres ferment les yeux. Derrière ces emballements sincères se cachent parfois des intérêts moins nobles. Des financements occultes circulent, des agendas politiques s’invitent. Qui finance ? Ceux qui investissent dans le désordre, jamais dans la paix. Ceux qui misent sur le chaos régional pour faire avancer des objectifs qui n’ont rien à voir avec les souffrances palestiniennes.

Ceux qui transforment la souffrance des peuples en levier géopolitique. Et pour amplifier leurs manœuvres, ils savent pouvoir compter sur une caisse de résonance médiatique bien rodée, toujours prompte à transformer chaque émotion en mobilisation, chaque cri en outil politique. Des puissances, des réseaux, des financements que peu osent nommer. Mais eux savent parfaitement ce qu’ils font. L’Égypte les connaît bien. La Tunisie aussi.

Ceux qui ont pris la route ne sont pas coupables. Ils sont sincères, souvent naïfs, parfois courageux. Mais qu’on ne se trompe pas d’ennemi. Le chaos ne sauvera pas Gaza. Il la condamnera. La vraie bataille est ailleurs. Elle est longue. Elle est dure. Elle est frustrante. Mais c’est la seule qui permette d’espérer un jour renverser le rapport de force.

Pas par des coups d’éclat, pas par des slogans, mais par une stratégie, des alliances solides, de la diplomatie, de la patience. Gaza ne mérite pas des illusions. Gaza mérite mieux. Mieux que des rêves brisés sur les murs de Rafah. Mieux que des slogans perdus dans le vacarme des réseaux sociaux. Elle mérite qu’on la défende, pas qu’on la sacrifie sur l’autel des apparences. Entre émotion et raison, il faut choisir la raison. Non par lâcheté. Mais par lucidité. Et par respect pour ceux qu’on prétend défendre.

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Charger plus par Hella Lahbib
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Un commentaire

  1. bhar

    16 juin 2025 à 17:30

    bravo madame! revoilà le genre et la qualité des articles que les lecteurs du journal apprécient ( pas de blablabla, moins de populisme…) même si on n’est pas tous du mm avis ou opinion ou aubédiance; des plumes répparaissent= Dridi, Souaadi, H.Lahbib

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