Un grand nombre de personnes dépressives et angoissées consultent les arrafas pour essayer de perdre du poids et guérir de leur phobie ou de leur schizophrénie.
Le recours aux dagazzas, aux arrafas, aux charlatans et aux diseuses de bonne aventure, ne se limite plus aux analphabètes ou aux individus naïfs, mais concerne de plus en plus les classes sociales plus favorisées et touche les intellectuels, les universitaires, les hommes d’affaires, les politiciens ou les célébrités. D’ailleurs, sur les plateaux télé, on n’hésite plus à inviter des charlatans ayant des patentes légales pour parler de leurs exploits auprès de personnes vulnérables désireuses de chasser le mauvais œil, de déterrer des trésors, d’avoir des enfants ou de trouver l’âme sœur. En outre, beaucoup de citoyens dépressifs et angoissés consultent les arrafas pour essayer de perdre du poids et guérir de leur phobie ou de leur schizophrénie.
D’un autre côté, tous les citoyens considèrent qu’il est primordial de bénéficier de bonnes prestations médicales afin de recouvrir la santé. Or, ces objectifs ne sont pas encore atteints dans le gouvernorat de Kairouan où on continue de mourir dans l’indifférence et l’impuissance la plus totale. C’est pourquoi on fait de plus en plus appel à la médecine traditionnelle basée sur des pratiques ancestrales dangereuses.
Résultat : le taux de personnes hospitalisées en urgence à cause de scarification, de brûlures ou de prise de médicaments dont on ignore l’origine, ne cesse d’augmenter au fil des mois et des années.
On se souvient dans ce contexte de la jeune fille, Sabra Ghabi, 21 ans, qui se faisait livrer des flacons d’herbes et de poudre achetés en ligne pour perdre du poids. Seulement, le mois de mars dernier, elle a reçu, envoyés par colis, des comprimés de minceur achetés en ligne. Malheureusement, elle succomba à ses maux dus à une forte intoxication ayant engendré une insuffisance rénale, cérébrale puis cardiaque.
Magie, sorcellerie, mauvais sort….
Vendredi 20 décembre, nous nous sommes déplacés à la délégation d’El Ala et plus précisément dans le village montagneux de Nagaz Messrouta où un célèbre guérisseur et une arrafa exercent depuis des décennies.
La piste bordée de cactus était plutôt difficile. Et il nous a fallu emprunter une charette tirée par un cheval en prenant soin de cacher notre vraie identité afin d’arriver aux logements de ces deux célébrités qui ont beaucoup de succès auprès de la population locale mais aussi d’autres citoyens qui viennent de tous les coins du pays pour consulter et se faire guérir de l’hernie discale et du nerf sciatique.
Vers 11h30, nous arrivons au logement du guérisseur où beaucoup de patients attendaient patiemment leur tour.
Portant un burnous et assis sur une natte, le guérisseur commençait par enduire la jambe du malade avec une huile essentielle tout en récitant des versets de Coran. Ensuite, il met sur les endroits douloureux des cataplasmes de feuilles de bourrache et, à la fin de consultation, il donne au patient des feuilles de hourrache à utiliser chez soi.
Pour sa rénumération, il n’y a pas de prix fixe et chacun est libre de donner ce qu’il veut.
Beaucoup plus loin, nous nous rendons chez H.S., une arrafa qui a la réputation de chasser les jnoun, les forces obscures et incontrôlables et les esprits maléfiques. Nous en profitons pour parler avec beaucoup d’individus qui attendaient leur tour dans la vaste cour.
Mabrouka M., encore célibataire à l’âge de 48 ans, nous confie qu’elle a déjà consulté un arraf pour trouver l’âme sœur sans aucun résultat : «D’ailleurs, j’ai dépensé beaucoup d’argent à cause de ce charlatan qui commence la consultation en marmonnant des mots dans un langage codé pour faire sortir le djinn amoureux. Ensuite, il m’a donné talismans et autres amulettes afin de les mettre sous mon oreiller… En vain…»
Sihem H, 32 ans, qui est venue consulter pour panser les maux de coeur causés par un mari infidèle, nous confie : «J’ai entendu dire que cette “arrafa” apporte un soutien psychologique à tous ceux qui souffrent. Je suis venue la voir en espérant que mon mari cesse de fréquenter des femmes frivoles. Et voilà, elle m’a conseillé de mettre un caméléon séché sous son matelas et m’a donné des herbes et des épices à mettre dans les plats que je lui prépare..».
Quant à Ali W., il a une passion : déterrer les trésors enfouis sous les bâtisses des marabouts. Il espère ainsi avoir des conseils pratiques pour s’adonner à son loisir préféré.
Enfin, Halima O., 38 ans, nous confie que sa belle-sœur, qui la déteste, a mis dans un trou caché situé à l’intérieur de sa maison, la tête séchée d’un oiseau ainsi que des plantes dans le but de semer la discorde au sein de son couple: «Alors, je suis venue voir cette “arrafa” pour qu’elle neutralise l’effet de ce mauvais sort que ma belle-sœur m’a jeté…» D’autres clients nous confient qu’ils sont venus consulter cette «arrafa» pour des problèmes d’infertilité, d’échecs dans la vie professionnelle, de trahison, de vengeance ou de maladie incurable.
Menounga lemana Solange
17 février 2021 à 18:33
Indiqué moi une vraie arrafa s il vous plaît j en ai besoin.