Au-delà des contrariétés et des désappointements qui n’en finissent pas, des failles et des risques, de l’absence de vision collective des problèmes, on voit plus de perdants et moins de vainqueurs dans le blocage inédit au plus haut niveau de l’Etat. Il faut se demander si on prend aujourd’hui en considération les besoins du pays dans un contexte économique, social et sanitaire plus que jamais difficile, ou tout simplement si on pense à ses propres intérêts ? Dans un paysage politique installé de plus en plus sur une montagne de dérives et affecté par la dégringolade continue des valeurs, personne, à ce jour, ne semble privilégier la voix de la raison.
Privée de discernement et surtout de visibilité, la classe politique a pris l’habitude de céder aux polémiques. Le réflexe acquis, les différents acteurs cèdent chaque fois aux conflits interminables, poussent aux solutions radicales et vont même aujourd’hui jusqu’à vouloir mobiliser la rue. C’est toute l’impertinence dans sa version de tous les jours, de tous les maux. Mais c’est aussi une grande frustration pour un pays comme la Tunisie, déclencheur du printemps arabe, de sa hasarder dans l’inconnu.
Les tentatives de débloquer la crise politique ont pratiquement, ou presque, échoué. En l’absence de structures et de références explicites pouvant déterminer s’il y a eu vraiment infractions à la Constitution, si le conflit, d’apparence politique, est aussi institutionnel, voire constitutionnel, le contexte actuel constitue un exemple révélateur de la dévalorisation comptable du capital humain. A défaut de consensus et de dialogue, chacun défend et protège, à sa manière, « la légitimité ».
Les dérives de la scène politique, avec ses différentes composantes, font que le blocage prend chaque fois une nouvelle tournure, et surtout une forme d’escalade qui risque à tout moment de faire exploser la situation. L’espoir fait place aujourd’hui au doute et le sens de la responsabilité et du sacrifice sont en voie d’extinction. Les politiques désolent plus qu’ils n’inspirent. Ils sont dans leur monde et ils se voient plus grands qu’ils ne le sont.
Au bout du compte, autant d’égarement inspire à la fois le sens de l’irresponsabilité que le manquement au devoir. Pareille situation nous amène à constater que les insignifiances et les dérives ne sont plus une affaire marginale dans tout le paysage politique, mais concernent aussi des acteurs qui n’arrivent pas à se rendre utiles, et dont le mode de comportement et les prises de position inquiètent plus qu’ils ne rassurent. S’ils ne sont pas prêts à faire des concessions, c’est qu’ils n’ont pas suffisamment conscience du rôle qui leur incombe.
Piteusement, pathétiquement, les échecs se succèdent et se ressemblent. Ils sont l’illustration la plus significative des excès en tous genres, des dépassements et des manquements à différents niveaux. Dix ans après la révolution, on ne voit pas, sinon très peu, d’hommes politiques qui font vraiment l’unanimité. C’est pourquoi ils sont souvent la cible de critiques de plus en plus virulentes. Ils n’ont pas aujourd’hui une idée de ce que représente la baisse du pouvoir d’achat du Tunisien, du taux de chômage qui ne cesse de grimper et de ces milliers des Tunisiens qui n’arrivent plus à subvenir même à leurs besoins quotidiens.