Les incompétents sont parmi nous. Ils ont fait une percée remarquable depuis 2011 avec des comportements, des prérogatives et des aspirations qui représentent de plus en plus des menaces à différents niveaux pour le pays. Ils s’infiltrent et s’introduisent dans notre vie, dans notre quotidien. L’incompétence serait même un mode d’emploi largement répandu dans la mesure où la classe politique en dispose en grand nombre, notamment à travers ce qu’elle laisse entrevoir, ou encore par l’intermédiaire des nominations à des postes clés de l’administration.
L’invasion de l’incompétence se traduit aussi par l’incapacité de la plupart des responsables à gérer les situations de crise, à pouvoir faire face à la dégradation du climat social et de l’environnement du travail. En définitive, la politique des mains tremblantes.
Dix ans après la révolution et au centre de controverses, voire de paradoxes, le pouvoir de séduction des incompétents se rétrécit. On s’interroge autant sur leur capacité réelle à diriger que sur les promesses qu’ils n’arrivent pas à tenir, et encore moins à concrétiser. De la meilleure Constitution du monde aux records de taux de croissance économique, en passant par la résolution du problème du chômage et de l’emploi des jeunes, aucune assurance, aucun engagement n’ont été tenus à ce niveau. Les promesses émanant souvent des partis au pouvoir ont eu tout le temps des destins contrariés : si certaines ont été vite enterrées, d’autres sont longuement traînées par leurs auteurs au point de prendre à la fin une forme méconnaissable.
Difficile de ne pas réagir devant le spectacle d’un environnement dans lequel l’excès de zèle domine et semble n’obéir qu’à ses propres règles. C’est pourquoi le regard que les Tunisiens portent sur les vendeurs de rêves a bien changé. Ils n’apprécient plus les discours des politiciens. La plupart ne font confiance en eux que rarement, voire jamais. In fine, la présence des politiques dans la vie des Tunisiens se révèle aujourd’hui indésirable, inopportune. Ils ont fini par tout savoir. Ils en ont pris bonne note.
L’incompétence met à nu les failles d’un paysage politique plus que jamais dévalorisé. Ce qui allait de soi à une époque est aujourd’hui révolu et obsolète. A différents niveaux, la plupart de nos responsables n’ont pas les compétences requises, encore moins le profil indiqué. Censés apporter les solutions, débloquer les situations et forcer même le cours des événements, ils ont échoué là où ils étaient pourtant tenus par l’obligation de résultat. Ce qui devait être régi par le savoir-faire a basculé dans les maladresses, l’inhabileté et les fausses manœuvres. Dans un paysage où le sens de l’activité politique a pris une nouvelle vocation, l’avenir de la Tunisie a pris lui aussi une nouvelle tournure. Ils sont bien rares aujourd’hui ceux qui parviennent à faire prévaloir la voix de la raison. Ils sont en revanche très nombreux ceux qui s’adonnent à la polémique et aux règlements de comptes aussi cruels qu’injustifiés. Tout un monde qui participe à lui seul à donner une certaine morosité à un environnement de plus en plus envenimé.