Ayant appelé les autorités françaises à intervenir pour mettre un terme à ce qu’il a qualifié de «Coup d’État»: Marzouki jette un pavé dans la mare

Le tonitruant ex-président Moncef Marzouki a changé sa défroque d’homme d’État en celle non pas d’un opposant à Saïed, mais d’un dissident qui complote contre les intérêts de son propre pays. L’homme qui a été écarté de la présidentielle de 2019 par les urnes, d’une façon peu glorieuse, dès le premier tour avec un score peu reluisant, pense que ce qui se passe en Tunisie est son heure pour revenir sur la scène politique. Mais il s’est trompé de mode d’emploi, en transgressant les règles, le devoir de réserve qu’impose le statut d’un ancien chef d’État, et s’est même emmêlé les pinceaux, en se laissant entraîner par ses peurs profondes et ses calculs cyniques, héritage naturel de ses luttes du passé, mais résolument tournés contre son propre pays.

En effet, lors d’un rassemblement de protestation d’un groupe de Tunisiens opposés à Kaïs Saïed, samedi à Paris, Moncef Marzouki a appelé les autorités de pays étrangers à compromettre le Sommet de la Francophonie qui aura lieu, les 20 et 21 novembre prochain, sur l’île de Djerba et la France à intervenir pour mettre un terme à ce qu’il a qualifié de «coup d’État», ajoutant que «la France démocratique ne peut être d’aucune façon à côté d’un régime dictatorial».

Marzouki, a pourtant réfuté ces accusations en postant sur sa page Facebook la vidéo de son intervention.

Mais déjà, dans une interview accordée à la chaîne qatarie Al Jazeera, l’ancien président de la République s’en est de nouveau pris au chef de l’État, appelant soit à sa démission, soit à sa destitution car il n’a pas «respecté les règles du jeu démocratique». Il est allé même à appeler les institutions militaires et sécuritaires à agir contre un président qui représente «un péril» pour la nation. Alors qu’il avait reconnu du bout des lèvres «l’échec de l’islam politique», la corruption des hommes d’affaires, des hommes politiques, des médias et le rôle macabre des députés sous cette législature, Marzouki a, dans ce rassemblement, apporté son soutien aux islamistes qui, selon ses propos, «ne doivent pas être exclus» de la vie politique.

Pourtant, les islamistes et les autres opposants de tous bords manifestent librement en Tunisie, tiennent leurs réunions dans les sièges de leurs partis et s’expriment en toute quiétude dans les médias.

Beaucoup de voix se sont élevées contre les propos de Marzouki, dont le mandat a été entaché par plusieurs erreurs diplomatiques et marqué par les assassinats politiques, le départ massif des Tunisiens au jihad en Syrie et en Libye, par la publication d’un livre «noir» sur les hommes politiques et les journalistes ayant servi sous Ben Ali, ainsi que par l’extradition en toute discrétion de l’ancien Premier ministre libyen Baghdadi Al Mahmoudi, réfugié en Tunisie, aux forces libyennes. Pour un fervent défenseur des droits de l’Homme, Marzouki faisait une pâle figure dans le concert des nations démocratiques à cause de ce geste dont il a pourtant nié être au courant, à cause de la confiscation de biens de plusieurs personnes qui seront par la suite acquittées par la justice, à cause de l’interdiction voyage et autres gestes d’exclusion et de marginalisation de Tunisiens. Il a aussi observé avec un froid glacial la Troïka détruire l’économie nationale, favoriser la contrebande, la spoliation du Trésor public et autres abus sans pour autant broncher. Certes, les Tunisiens ne gardent pas un bon souvenir de son mandat et l’ont fait savoir lors de l’élection présidentielle de 2014 quand il fut battu au second tour par feu Béji Caïd Essebssi et de 2019, quand il fut écarté dès le premier tour. Si cet homme qui nous a gouvernés n’a pas eu de popularité (170.000 voix en 2011) et de légitimité — car il a été nommé en tant que président de la République par la Constituante de 2011 —, c’est qu’il a toujours été déconnecté de la vie des Tunisiens. Il a été une simple marionnette entre les mains des nahdhaouis même s’il lui arrivait de hausser le ton, mais sans plus.

Mais ce qui est inadmissible, c’est ce recours massif aux puissances étrangères, aux différentes ONG et aux instances internationales à s’ingérer dans les affaires nationales alors que lui et d’autres peuvent faire valoir leur droit dans leur propre pays et sous le toit tunisien. On leur demande de couper les vivres aux Tunisiens, de dégrader ses notes, de boycotter ses manifestations, de faire des coupes dans les aides et même de «remonter les bretelles» à Kaïs Saïed.

La vérité est que cette démarche «militante», qui a fonctionné sous Ben Ali, appartient à une époque révolue, car dans un climat de liberté retrouvée, cette trajectoire ne convainc plus mais peut nuire à l’image du pays et compromettre le niveau de ses relations bilatérales.

C’est qu’en Tunisie et malgré la crise politique actuelle, personne ne cherche à éradiquer la pensée contestataire. Les gens qui manifestent dans la rue démontrent aux yeux du monde qu’il est désormais impossible d’obéir, d’abdiquer, ou de se résigner comme par le passé.

Mais cette même rue est divisée. Et les milliers de Tunisiens qui se sont exprimés en apportant leur soutien à Saïed revendiquent le droit à un non-retour à l’ancien régime qui a régi le pays pendant dix ans et a fait sombrer la Tunisie dans une décennie «noire», où la grogne sociale s’est manifestée à plusieurs reprises. Ils ne veulent plus d’une classe politique défaillante, incapable et opportuniste qui a fait main basse sur les richesses du pays et a ignoré les intérêts du peuple. D’ailleurs, Marzouki et ses compères savent qu’ils ne peuvent pas affronter directement les Tunisiens sur le terrain avec courage pour les remonter contre Saïed. Sur le terrain, ils n’ont aucune chance alors que les sondages d’opinion montrent que la cote de Saïed est en constante progression. Ses déplacements sur le terrain, son contact direct avec la population, ses déclarations télévisées prouvent que l’homme est toujours le maître des horloges quelles que soient les pressions.

Dans ce sillage, le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger a dénoncé vivement «les déclarations honteuses de personnalités politiques qui appellent des parties étrangères à intervenir dans nos affaires internes et incitent contre le pays dans le dessein de compromettre son processus de rectification et nuire à ses relations à l’étranger». Il s’est dit étonné de voir ces déclarations émaner de personnalités qui ont occupé de hautes fonctions (en allusion à l’ancien président de la République Moncef Marzouki)

et regrette «l’absence du sens de responsabilité en ce contexte délicat qui commande de resserrer les rangs pour l’intérêt général du pays. Un intérêt qui doit être placé au-dessus de toute autre considération».

Pour sa part, le bureau exécutif du Syndicat du corps diplomatique tunisien a appelé la présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères à « retirer le passeport diplomatique accordé à l’ancien président provisoire, Moncef Marzouki, pour violation de l’obligation de réserve et atteinte aux intérêts du pays».

Plusieurs partis ont également dénoncé les déclarations de Moncef Marzouki à l’instar du Parti socialiste qui a estimé que celles-ci constituaient «un appel à violer la souveraineté nationale du pays.

«Il s’agit d’un coup porté à l’indépendance de la décision nationale», s’est indigné le parti dans un communique ou encore l’Alliance pour la Tunisie qui a appelé au retrait des privilèges de l’ancien président Moncef Marzouki car il a «dépassé les limites de la liberté d’expression et du droit d’opposition pour inciter appeler à une ingérence étrangère qui menace la sécurité nationale et porte préjudice aux relations bilatérales avec un pays ami», a-t-il souligné dans un communiqué.

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