Les tartuffes de l’administration tunisienne

Editorial La Presse

 

L’administration tunisienne n’a pas bonne presse aussi bien du côté des citoyens, des entreprises, du gouvernement que du côté de la Présidence de la République. Et il y a  de quoi ! Amère réalité, surtout  lorsqu’on entend les plaintes des citoyens au quotidien qui, ne sachant plus à quel saint se vouer, se sont mis à envoyer des lettres à la Présidence de la République. C’est là qu’ils ont trouvé une oreille attentive à leurs situations kafkaïennes. Fort heureusement d’ailleurs. Et en effectuant des visites de terrain, le Président de la République  découvre des histoires absurdes et ubuesques. Ce qu’un bon scénariste ne peut imaginer, l’administration peut le réaliser pour vous, sommes-nous tentés de dire… Voici l’histoire d’un employé de l’état civil tunisien qui a omis de mentionner le genre d’une  fille née en 2016.  Que faisait-il en ce moment-là. Entre-temps, la petite fille a grandi et le jour où elle devait aller  à l’école, les responsables  refusent de l’inscrire. Motif : Pas de genre défini. Ni fille ni garçon ! Commence alors le parcours du combattant pour son père. Même en ramenant un certificat médical délivré par l’hôpital, et en saisissant la justice avec le recours aux départements de l’Education, de la Femme et de la Famille, le pauvre père ne réussit pas à résoudre le problème. Un jour, il eut une idée ! Il saisit son stylo et écrit au plus haut sommet de l’Etat. Voici un synopsis qui pourrait donner l’eau à la bouche à plein de spectateurs qui feraient tout  pour connaître la suite de l’histoire.

Cependant, voici que la réalité dépasse la fiction parfois, et le Président de la République Kaïs Saïed a évoqué ce cas avant-hier dans sa rencontre avec le Chef du gouvernement Ahmed Hachani en qualifiant le rendement de l’administration d’« étrange et anormal ». Le constat est malheureusement vrai puisque les employés et les responsables des administrations tunisiennes ont pris le pli de la désinvolture et du farniente. Personne ne veut plus prendre la responsabilité de mettre un peu d’ordre dans la maison, ne serait-ce que par de petits détails qui responsabilisent les fonctionnaires. Si nous nous trouvons face à un employé mal rasé et acariâtre derrière un guichet, c’est le résultat d’un laxisme qui vient de ses supérieurs qui, eux-mêmes, n’accordent pas d’importance à ce genre de détails. Un fonctionnaire de l’Etat, quels que soient son grade et sa mission, doit veiller  à la qualité de son comportement, de sa communication et de son hygiène puisqu’il représente justement l’Etat tunisien. Une loi devrait interdire par exemple l’utilisation du portable pour ceux qui assurent dans un guichet des services aux citoyens.  Des erreurs administratives de négligence, il en existe des centaines par jour. L’employé insouciant et lunatique qui les commet n’assume aucune responsabilité. Faut-il faire appel au  Président de la République pour secouer la branche ?  A un certain moment, il faut les couper ces mauvaises branches, surtout lorsqu’elles sont touchées par la gangrène des prétextes.  Il s’agit d’en finir avec les tartuffes de l’administration tunisienne.

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