Le Chef de l’état offre un dîner en l’honneur du Président du Conseil des Ministres soviétique, Jeudi 15 mai 1975, Carthage: Bourguiba : la Tunisie apprécie à sa juste valeur la contribution de l’Urss à la recherche de la paix

Le Président Bourguiba a offert hier soir au Palais de Carthage un dîner en l’honneur de l’hôte de la Tunisie, M. Alexeï Kossyguine, Président du Conseil des ministres de l’Union soviétique, qui séjourne depuis hier après-midi en Tunisie en visite officielle.

Les membres du gouvernement ayant à leur tête M. Hédi Nouira, Premier ministre, les membres du Bureau politique, les membres du bureau de l’Assemblée nationale conduits par M. Fethi Zouheir, vice-président de l’Assemblée nationale, les hauts cadres du Parti, de l’administration et de l’armée ainsi que les membres du corps diplomatique accrédités à Tunis ont été conviés à ce dîner qui a été agrémenté par des morceaux de musique tunisienne exécutés par la troupe de la Radio et télévision tunisienne

A l’issue du dîner, le Président Bourguiba et M. Alexei Kossyguine ont échangé des toasts. La troupe militaire a exécuté à cette occasion les deux hymnes nationaux de la Tunisie de l’Urss.

Monsieur le Président,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Qu’il me soit permis d’abord d’exprimer tout le plaisir que j’éprouve aujourd’hui en accueillant le Président du Conseil des ministres de l’Union des Républiques socialistes soviétiques.

Vous êtes, Monsieur le Président, le premier chef de gouvernement de l’Union soviétique à rendre visite à notre pays. Couronnant les multiples visites à notre pays de responsables politiques, d’hommes de science et de culture soviétiques, votre présence ici constitue une brillante illustration de l’excellence des rapports entre nos deux peuples.

Je suis donc particulièrement heureux de vous souhaiter la bienvenue tant au nom du gouvernement et du peuple tunisiens qu’en mon nom personnel.

Monsieur le Président,

En vous, la Tunisie salue le grand militant et l’homme d’Etat qui depuis un demi-siècle consacre sa vie au service de son pays et dont les mérites lui ont justement valu la grande distinction de «Héros du travail socialiste». A travers vous, la Tunisie tient également à rendre hommage à la grande nation qui, depuis la Révolution d’Octobre, n’a cessé de forcer l’admiration du monde par les progrès considérables qu’elle a réalisés et les grandes victoires qu’elle a remportées.

L’histoire témoignera à jamais de la résistance héroïque opposée par les peuples soviétiques au déferlement du nazisme et du fascisme. Et le monde n’est pas près d’oublier les sacrifices immenses que vous avez consentis pour la défense de la liberté, ni la contribution décisive que vous avez apportée à l’anéantissement de l’aventure hitlérienne.

Cette victoire, l’Union soviétique l’a rendue possible grâce à la détermination, au labeur et au sérieux de ses enfants qui ont réussi, en un temps remarquablement court, à transformer leur pays pour le placer au premier rang des puissances mondiales.

Les efforts soutenus que votre pays n’a cessés de déployer l’ont hissé au faîte du savoir et de la technologie. Il me plaît ici de rendre un hommage particulier aux hommes de science soviétiques pour leur contribution au combat que mène l’humanité en vue de faire reculer les frontières de l’ignorance.

Monsieur le Président,

Nous apprécions hautement l’appui que l’Union soviétique a constamment apporté à la lutte des peuples contre le colonialisme et l’oppression raciale. Comme vous, nous sommes préoccupés par le sort réservé aux peuples qui continuent de les subir. La Tunisie, depuis son accession à l’indépendance, s’est fait un devoir de venir en aide aux mouvements de libération africains, qu’ils soient en butte au colonialisme ou à la ségrégation raciale.

A cet égard, notre position n’a jamais varié : nous sommes farouchement hostiles à toute forme de colonialisme et de ségrégation et nous soutenons de toutes nos  forces la lutte des peuples opprimés.

Ainsi en est-il de notre solidarité avec les peuples d’Afrique australe et de Palestine, le sionisme n’étant qu’un colonialisme d’autant plus pernicieux et dominateur qu’il cherche à se donner des justifications historiques.

Victime de ce colonialisme, le peuple palestinien est chassé de sa patrie et contraint, depuis plus d’un quart de siècle, de vivre dans l’exil et la misère.

La société internationale a commis une grave injustice en décidant le partage de la Palestine en 1947. Elle faillirait à tous ses devoirs si elle devait rester passive devant l’entêtement d’Israël à bafouer le droit en continuant à occuper la Palestine tout entière ainsi qu’une partie de l’Egypte et de la Syrie.

Le moins qu’elle puisse faire, donc, est de contraindre l’agresseur israélien à respecter la loi internationale à laquelle il doit son existence. La conférence de Genève, avec la participation pleine et entière de l’OLP, peut et doit déboucher sur une solution de paix conformément aux résolutions des Nations unies.

Consciente de ses responsabilités de grande puissance, l’Union soviétique a œuvré en faveur de la paix et de la justice en apportant aux pays arabes son appui politique et son assistance militaire.

La Tunisie apprécie à sa juste valeur cette importante contribution à la recherche de la paix.

Dans notre monde d’aujourd’hui, cette responsabilité est d’autant plus grande qu’elle touche au destin de l’humanité tout entière.

Notre conviction profonde est qu’il est possible de promouvoir une société internationale où la confrontation s’efface devant la coopération, et où la civilisation industrielle se trouve enfin disciplinée et soumise à des normes à la fois éthiques et écologiques susceptibles d’en atténuer les effets négatifs.

Aussi nous félicitons-nous de l’engagement de l’Urss de poursuivre une politique de paix et d’œuvrer pour la détente et la coexistence pacifique entre les Etats, indépendamment de leur dimension ou de leur système politique et social.

Ceci implique naturellement le désarmement et la réduction des budgets militaires au profit du développement.

Certes, la détente a déjà apporté de grands changements dans les relations internationales. Elle a permis de développer les échanges économiques et culturels ainsi que la coopération entre les peuples.

Mais nous sommes convaincus qu’un long chemin reste à parcourir. De graves déséquilibres économiques caractérisent encore le monde. Les nations nouvelles demeurent anxieuses d’assurer la valorisation de leurs richesses et, à juste titre, mettent en cause le règne aveugle de la loi du marché.

Il est, nous semble-t-il, légitime que les nations en voie de développement, victimes jusque-là de ces injustices, cherchent à convaincre le monde de la nécessité d’édifier un nouvel ordre économique plus équitable.

Monsieur le Président,

Avec les moyens qui sont les siens, mais avec foi et détermination, la Tunisie assume son rôle dans la vie internationale, elle voue tous ses efforts à servir la cause du droit, de la justice et de la solidarité.

A l’intérieur, nous poursuivons inlassablement le combat que, depuis l’indépendance, nous avons entrepris dans le but de réaliser le développement du pays et la promotion des masses, dans l’union nationale de toutes les couches sociales, union incarnée par le Parti socialiste destourien, qui fut naguère notre arme contre le colonialisme, et qui demeure aujourd’hui notre chance de sortir du sous-développement.

Dans la conduite de son développement, la Tunisie compte en premier lieu sur elle-même, mais elle croit profondément aux vertus de la coopération avec les autres peuples.

Avec votre pays, nous avons développé depuis longtemps des liens de coopération fructueux et variés dont nous avons tout lieu de nous féliciter. Je voudrais, avec gratitude, mentionner en particulier deux réalisations communes : le barrage de l’Oued Kasseb et l’Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis.

Dans les domaines économique, technique et culturel, notre coopération se poursuit à la satisfaction des deux parties, ce qui doit nous inciter à envisager les moyens d’entreprendre d’autres actions.

Les plans tunisiens de développement économique, social et culturel offrent de grandes possibilités qu’il serait souhaitable d’explorer. L’intensification de nos échanges et la promotion d’une coopération plus large entre nos deux pays ne feront que renforcer davantage l’amitié entre le peuple soviétique et le peuple tunisien.

Je suis persuadé que votre visite y contribuera largement.

Je ne manquerais pas de m’y employer, à mon tour, lorsque j’aurai, bientôt je l’espère, l’occasion de visiter votre grand pays, en réponse à l’invitation du Présidium du Soviet Suprême.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Je vous invite à lever vos verres à la santé de Son Excellence Monsieur Alexei Kossyguine, au bonheur et à la prospérité du peuple soviétique ainsi qu’à l’amitié tuniso-soviétique.

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