Et la paix dans ces jeux ?

Editorial La Presse

 

LE torchon brûle entre le président Biden et son poulain israélien, des aveux ont fuité, les analystes politiques et des journalistes proches de la Maison-Blanche rapportent que le Président est embarrassé, pour ne pas dire furieux, contre le chef du gouvernement israélien. Il l’aurait même traité de tous les noms. Il faut dire que ce dernier a tout fait pour fâcher son allié. Le différend qui marinait depuis plus d’un mois porte sur l’aide humanitaire et les tueries de Rafah.

L’Unicef alerte sur la condition des enfants gazaouis, son porte-parole au Moyen-Orient rapporte qu’aujourd’hui, dans le nord de Gaza, près d’un enfant sur cinq souffre de malnutrition ; les ONG tirent la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire, pendant que des milliers de camions d’aide alimentaire sont stationnés et bloqués devant le couloir à la frontière égyptienne. Mais la goutte qui a fait déborder le vase s’est opérée, jeudi dernier 29 février, lors de la distribution de l’aide alimentaire qui a tourné à l’horreur. Plus de 110 personnes ont perdu la vie lors de ce rassemblement, théâtre de scènes de piétinement et de tirs à balles réelles de l’armée israélienne sur la foule. 

La communauté internationale dans son ensemble a condamné ce crime prémédité, sans motif, contre des civils affamés. Biden a essayé de réparer l’irréparable en faisant parachuter des vivres pour ne pas être humilié en pleine campagne présidentielle. Mais la réplique, somme toute anodine, est un message très clair adressé au gouvernement israélien. Trois avions ont largué l’équivalent de 3 camions d’aide, une goutte dans un océan au regard des besoins de la population. Ce geste s’il n’est pas risible est pathétique, quand on sait que le premier pourvoyeur des missiles qui tombent sur Gaza est américain.

En Egypte, les négociations (qui traînent) ont repris le 3 mars, en vue d’obtenir une trêve entre Israël et le Hamas. Elles sont apparemment compliquées, menées avec la médiation du Qatar et des États-Unis. Le même jour, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, appuie la trêve et déclare dans son discours sa profonde inquiétude sur les enfants de Gaza : «Vu l’immense ampleur des souffrances, il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat pendant au moins les six prochaines semaines». C’est ce qui est sur la table actuellement. Six semaines, c’est visiblement trop pour Netanyahu qui risquerait d’y laisser des plumes. Attendue, la délégation israélienne ne s’est pas rendue au Caire, le Premier ministre israélien a exigé du Hamas de lui fournir une liste des otages israéliens toujours en vie. Sans tenir compte des futures négociations, sans attendre de proposition, faisant la sourde oreille, Netanyahu en fait une condition préalable pour la poursuite du dialogue. A la lumière des nouvelles données, de sa probable et attendue rupture avec l’administration américaine, sa sortie se résoudrait par la provocation permanente. Mais n’ayant plus de solution, il y va sans filet, il n’a rien à perdre, puisqu’il est dans de mauvais draps. S’en sortira-t-il cette fois-ci ?

En Israël, la fracture s’étend de la base jusqu’au sommet de l’État. Au sein même du cabinet de guerre, c’est l’incompréhension. Selon la radio publique israélienne, les responsables qui y siègent critiquent les décisions du Premier ministre au sujet de l’accord de trêve. Pire, l’un d’eux, Benny Gantz, rival de Netanyahu et chef des armées, s’est envolé pour Washington sans l’autorisation de son chef.  Cela sonne comme un affront, quand il a rencontré Kamala Harris.

Selon un sondage paru en Israël, 45 % des personnes interrogées pensent qu’il retarde délibérément l’accord de trêve pour des raisons politiques. Netanyahu, courroucé, ouvre les hostilités contre tout ce qui n’est pas de ses avis. L’Unrwa ? Le président de l’organisation déclare : « Démanteler l’Unrwa, c’est sacrifier une génération entière d’enfants. » L’ONU ? Son chef, Antonio Guterres, est accusé d’avoir étouffé un rapport sur les cas de viols lors de l’attaque du Hamas ; ce que l’intéressé réfute fermement. Israël rappelle son ambassadeur. La trêve, pour le moment, on oublie, l’enfer quotidien de Gaza, personne ne semble s’en soucier.

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