«META MORPHÉE» de Thomas Egoumenides à Yosr Ben Ammar Gallery jusqu’au 11 mai 2024 : Poétisation et apologie de l’obsolète

 

Une œuvre née des diverses manipulations de la matière et des matériaux, entre autres du plastique sous différentes présences (sachets, sacs, bouchons, etc.) et autres objets que l’artiste étire, froisse, découpe, brise, tord, brûle, modèle, tisse et assemble, en en perturbant le récit primaire et leur conférant un devenir autre.

La galerie Yosr Ben Ammar expose les œuvres de l’architecte et designer Thomas Egoumenides. Réunis dans une exposition intitulée «Meta Morphée », sculptures, tapisseries et autres compositions et installations font écho à une démarche de valorisation des matériaux mis au rebut.

Matérialisme et matérialité sont au cœur de l’œuvre de ce designer français installé à Tunis qui s’est tourné, depuis son expérience dans l’atelier de design «Flaÿou» qu’il a créé en 2015 avec Hella El Khiari, vers le design circulaire ou l’upcycling.

Abordant son environnement urbain comme un vaste dépôt de matériaux et de récits, une «matériothèque» dans laquelle il récupère ici et là divers objets et matériaux mis en rebut, il en exploite le potentiel esthétique. Cela donne corps à une œuvre à mi-chemin entre la sculpture et le design qui remet en question les pratiques de conception conventionnelles.

L’artiste revendique une démarche minimaliste, avec le moins de modification possible de ces matériaux, comme pour rendre hommage à leurs vies antérieures et témoigner de leurs histoires. Parmi ses projets sous nos cieux, on peut citer le projet «Rascal», un laboratoire éphémère de design et de recherche autour du surcyclage, réalisé lors d’une résidence dans le cadre du festival Dream City 2021.

En partant d’objets fonctionnels qu’il a créés dans ce processus de design circulaire, fruits de recherches et d’expérimentations autour de la matière-déchets, Thomas Egoumenides, s’armant de ce nouveau langage, a libéré encore plus son geste, s’émancipant des soucis de fonctionnalité, pour créer une œuvre picturale et plastique singulière.

Dans ce sens s’inscrit, entre autres, son installation «Le bateau de Thésée», une œuvre modulaire faite de bobines de fil en plastique et de tiges filetées usagées, qu’il a exposée l’année dernière au Sharjah Architecture Triennial (lancée en 2018 aux Émirats arabes unis).

Et son actuelle exposition personnelle à Yosr Ben Ammar Gallery, «Meta Morphée» qui explore les liens entre art, lieu et matérialité et célèbre le potentiel de poétisation des matériaux banals, inutiles et indésirables. Le choix de ses titres en lien avec la mythologie antique lui vient de ses origines grecques. Morphée, dieu des rêves, souvent représenté comme un être ailé et dont le nom signifie « le créateur de formes », renvoyant à un esprit capable de prendre diverses formes, ne peut que faire écho à son œuvre.

Une œuvre née des diverses manipulations de la matière et des matériaux, entre autres du plastique sous différentes présences (sachets, sacs, bouchons, etc.) et autres objets que l’artiste étire, froisse, découpe, brise, tord, brûle, modèle, tisse et assemble, en en perturbant le récit primaire et leur conférant un devenir autre. On y rencontre des compositions abstraites où le plastique devient sujet, couleurs, nuances et textures, des patchworks, des tapisseries faites de plastiques brûlés, suspendues ou étirées sur châssis métalliques, des sculptures et autres installations de bobines de fil en plastique.

Comment ouvrir des brèches au sein des significations antérieures ? Comment créer des espaces dans lesquels nous pouvons injecter nos mémoires personnelles et collectives et rejeter les vestiges du passé ? Comment faire parler le plastique qui nous entoure et inonde nos quotidiens, souvent négligé et camouflé dans son environnement ? Tel est le propos de Thomas Egoumenides qui, en explorant les récits du familier, de l’obsolète, tente de trouver une signification dans les objets avec lesquels de nombreuses personnes ont des associations et des expériences différentes, permettant aux spectateurs d’attacher leurs propres interprétations à ses œuvres recréées.

Une œuvre à découvrir jusqu’au 11 mai 2024.

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