Une épine au pied

Editorial La Presse

 

DEPUIS l’interminable agression de l’armée sioniste, les chaînes d’information déploient sans relâche leurs journalistes tous azimuts à Gaza, comme en Cisjordanie, pour filmer et documenter les bombardements des endroits où saignent les corps des enfants et des femmes, dans les rues, dans les bâtiments et même dans les hôpitaux. Bref, là où coulent les larmes et souffrent les hommes.
C’était intenable pour le pouvoir de Tel-Aviv, trop dur pour « l’image » que l’entité sioniste voulait montrer au monde; 205 jours de reportages, de jour comme de nuit, ont dévoilé au monde l’horreur et les tueries continues, les images, les témoignages,«les directs», les reportages ont fait basculer l’opinion mondiale et influencé sa position sur le conflit.
L’une des conséquences des reportages fut que l’entité sioniste a été accusée par la Cour internationale de justice de « génocide », un jugement historique qui a abîmé l’image (déjà entamée) de l’Etat hébreu. Les journalistes, principalement les reporters de guerre, malgré les incessantes pressions subies par les autorités israéliennes et la mort de leurs confrères (136 journalistes tués, selon le Bureau du gouvernement des médias à Gaza) et de leurs proches, ont continué à accomplir leur mission : montrer la vérité dans sa nudité, dans sa cruauté. Les effets des images combinés à la durée des souffrances ont vite fait de voir le jour : les manifestations de l’opinion publique israélienne et mondiale et la contestation des universités américaines et françaises. C’est trop pour Netanyahu et son gouvernement. Aussi, a-t-il décidé de réagir.
Le 5 mai, le gouvernement a décidé « à l’unanimité » de fermer une chaîne arabe, précise le Premier ministre, sans livrer plus de détails sur les mesures prises ; Sholomo Karhi, son ministre de la Communication, a, pour sa part, affi rmé que cette chaîne « ne pourra plus opérer depuis Israël », l’accusant de menacer la sécurité du pays.
Et l’on se demande pourquoi Netanyahu a réagi si tard, pourquoi aujourd’hui, alors que la communauté internationale a appris (surtout à travers cette chaîne d’information qatarie) depuis le début du confl it les horreurs commises par l’armée ? Plusieurs hypothèses sont vraisemblables : une fâcherie sérieuse avec le Qatar ( ce qui expliquerait l’éclipse partielle de l’émirat au profi t de l’Egypte dans les négociations) ; ou parce que le gouvernement de Netanyahu est dans une position désormais trop délicate, au point que tous ses amis et ses soutiens comme les Etats-Unis l’exhortent à ne pas donner l’ordre d’évacuer la population de Rafah ; ou encore que Netanyahu est décidé à envahir Rafah et à bombarder sa population (un million 200 mille habitants). Cela coule donc de source que les tueries, les exactions de l’armée ne devraient pas être montrées et documentées. On croit que la dernière hypothèse est plausible ; elle tient bien la route.
Mais l’interrogation entêtante que nous citons chaque fois ne trouve pas de réponse : et après ? Sur Rafah, des propositions d’une partie du gouvernement israélien ont été émises d’éradiquer le Hamas, et de rendre la vie impossible aux Palestiniens pour les obliger à partir?
Ce qui entraîne une interrogation élémentaire : où va-t-on les évacuer ? Sur la lune? s’est récemment étonné M. Borrell, le chef de la diplomatie européenne.

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